Les recommandations 2020 sur l’extraction instrumentale par le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG)

Auteurs

Le Royaume-Uni est un des rares pays, avec la France, qui continue à utiliser les forceps, en plus de la ventouse, dans les extractions instrumentales lors des accouchements vaginaux. Il a, comme la France, une longue histoire d’inventeurs de différents outils pour aider l’accouchement d’enfants morts ou vivants, mais ce papier ne porte pas sur l’aspect historique.

Les similitudes des pratiques lors de l’accouchement vaginal dystocique rendent la publication de nouvelles recommandations sur l’extraction instrumentale d’un intérêt particulier pour le lecteur français et nos 12 % d’interventions à la naissance. (1) Il est intéressant de voir qu’on peut simplifier la répartition à 25 % de forceps, 25 % de spatules et 50% de ventouses.

Les nouvelles recommandations (2) de nos voisins (quand même européens, malgré eux), ont été publiées en avril 2020. Nous avions tant d’autres préoccupations qu’elles sont passées inaperçues pour beaucoup. Si les ventouses utilisées sont globalement les mêmes, les forceps diffèrent parfois, surtout pour les rotations instrumentales qu’ils réalisent encore. D’un autre côté, ils ne comprennent pas comment fonctionnent les spatules… Bref, l’extraction instrumentale en France et au Royaume-Uni est à l’image de tout ce qui sépare et unit les deux pays : des jumeaux dizygotes.

Les recommandations sont organisées dans un format « chronologique » avec une gradation classique A, B, C, D, accord professionnel.

Vous noterez que les recommandations professionnelles sont toutes centrées sur l’information aux patientes/couples, ce qui donne le ton sur l’importance d’informer et de communiquer avec les patientes/couples.

Voici la traduction simplifiée du résumé :

Comment diminuer l’extraction instrumentale ?

  • Il faut encourager le « one-to-one » (une sage-femme pour une patiente) car cela réduit le recours à l’extraction instrumentale. (Grade A)
  • Il faut informer les patientes que l’analgésie péridurale (APD) augmente le recours à l’extraction instrumentale, même si cela est moins vrai avec les nouvelles techniques d’analgésie. (Grade A)
  • Il faut informer les patientes que la mise en place d’une APD en phase de latence n’augmente pas le taux d’extraction instrumentale. (Grande A)
  • Il faut encourager les patientes qui n’utilisent pas d’APD à adopter des positions soit verticales, soit latérales lors du deuxième stade (de dilatation complète à naissance) car cela diminue le recours à l’extraction instrumentale. (Grade A)
  • Il faut encourager les patientes qui utilisent l’APD à adapter des positions allongées sur le côté      lors du deuxième stade, car cela diminue le recours à l’extraction instrumentale. (Grade A)

(NDLR : je sais, c’est compliqué, mais il y a des références pour ces deux derniers points pour ceux et celles que ça intéresse.)

  • Il est recommandé d’attendre une ou deux heures après dilatation complète pour faire pousser une femme avec une APD car cela diminue l’utilisation d’instrument pour la rotation ou l’extraction partie moyenne.  (Grade B)
  • Ne pas systématiquement arrêter l’APD au moment des efforts expulsifs car cela augmente la douleur sans preuve que cela diminue le recours à l’extraction instrumentale. (Grade A)
  • Il n’y a pas suffisamment d’arguments pour choisir une technique d’analgésie locorégionale plutôt qu’une autre afin de diminuer les extractions instrumentales  (Grade A)
  • Il n’y a pas suffisamment de preuve pour proposer systématiquement une direction dirigée du travail dans le but de diminuer les extractions instrumentales (Grade A)
  • Il n’y a pas suffisamment de preuve pour proposer une rotation manuelle de principe d’une présentation céphalique anormale (ndlr dystocique sans l’être puisque c’est le caractère systématique, ici, qui est important) dans le but de diminuer les extractions instrumentales. (Grade B)

Définir l’extraction instrumentale

  • Il faut un système commun de définitions afin d’améliorer la sécurité du geste, la communication entre professionnels et permettre la réalisation d’audit des extractions instrumentales. (Grade D) (Ndlr : ici, il faut comprendre que les auteurs font référence au diagnostic de variétés et hauteurs de la présentation. Il est à noter que le Royaume-Uni, un des pays où l’obésité maternelle est un drame, utilise encore la palpation abdominale de la tête fœtale pour définir la hauteur de la présentation. Finalement, le plus important n’est pas la classification, mais son utilisation par tous les professionnels).

Quand faut-il, ou ne faut-il pas utiliser l’extraction instrumentale ?

  • Il n’est pas possible de définir des « indications absolues » sans laisser place au jugement des professionnels qui doit primer sur le reste. (Grade D)
  • La suspicion de troubles de l’hémostase ou de fragilité osseuse fœtales sont des contre-indications relatives à l’extraction instrumentale. (Pas de grade). (Ndlr : ils ne font pas la différence entre les instruments.)
  • Les infections virales à transmission sanguine ne sont pas des contre-indications absolues à l’extraction instrumentale. (Grade D)
  • La ventouse n’est pas contre-indiquée après un prélèvement au scalp ou l’utilisation d’une électrode de scalp. (Grade B)
  • Les professionnels doivent connaître l’augmentation du risque de céphalhématome et de lésion du scalp en cas d’utilisation de la ventouse chez le prématuré. Il est ainsi recommandé d’éviter la ventouse avant 32SA et d’être prudent entre 32 et 36+0. (Grade C)

Quelles sont les conditions à remplir pour une extraction instrumentale en sécurité ?

  • Une bonne évaluation clinique, une bonne communication dans l’équipe et une expertise dans le choix de l’instrument. (Grade D) (Ndlr : comme cela serait trop long à traduire, je vous mets le tableau 3 des recommandations en anglais.)

tableau 3

L’échographie a-t-elle une place avant l’extraction instrumentale ?

  • Elle est recommandée en cas d’incertitude après l’examen clinique. (Grade A)
  • Il n’y a pas assez d’arguments pour la recommander systématiquement pour évaluer la hauteur ou la variété de la présentation. (Grade C)

Quel consentement faut-il obtenir avant une extraction instrumentale ?

  • Les femmes doivent recevoir une information sur l’extraction instrumentale au cours de la grossesse. Si elles émettent des restrictions ou limites à cette intervention, il faut qu’elles puissent en discuter avec un obstétricien senior idéalement avant d’être en travail. (Pas de grade)
  • En salle de naissance, il faut obtenir un accord verbal qui doit être retranscrit dans le dossier. (Pas de grade)
  • En cas d’extraction partie moyenne ou de rotation instrumentale, il faut comparer les risques et bénéfices à la césarienne à dilatation complète, en tenant compte de l’expérience de l’opérateur. Il faut un accord écrit en cas de tentative d’extraction instrumentale au bloc. (Pas de grade).

Qui a le droit de réaliser une extraction instrumentale ?

  • Par, ou en présence, d’un opérateur qui a les connaissances, les compétences et l’expérience nécessaires pour évaluer l’indication, réaliser le geste et gérer ses éventuelles complications. (Grade D)
  • Recommander aux internes de maîtriser l’accouchement normal avant de réaliser des extractions instrumentales. (Pas de grade).
  • S’assurer que les internes reçoivent une formation théorique, une formation sur mannequin et qu’ils apprennent sur patientes en présence d’un senior compétent. (Pas de grade)
  • Il faut que l’interne fasse la preuve de ses compétences avant de le laisser faire une extraction sans supervision directe. (Pas de grade)
  • Les extractions complexes (Ndlr : partie moyenne ou rotation) ne doivent être réalisées que par des opérateurs expérimentés ou sous la supervision de ceux-ci. (Grade D)

Qui est compétent pour superviser une extraction instrumentale ?

  • Un opérateur compétent en extractions complexes doit superviser toutes les extractions partie moyenne ou rotationnelles. (Grade D)

Où faut-il réaliser les extractions instrumentales ?

  • La plupart des extractions instrumentales peuvent être réalisées en salle de naissance (Grade C)
  • Les manœuvres qui ont un taux d’échec plus élevé doivent être réalisées dans un environnement où il est possible de faire une césarienne (au bloc) (Grade C)

Il faut donc être prudent dans les situations suivantes :

    • IMC maternel > 30 (Ndlr : ces recommandations nous viennent du Royaume-Uni !)
    • Patientes petites ( ? )
    • Poids fœtal estimé > 4000g ou « gros bébé attendu »
    • Périmètre crânien > 95e percentile
    • Variétés postérieures
    • Présentation partie haute

Quel instrument utiliser ?

  • Il faut choisir l’instrument que nous pensons être le mieux adapté et que nous maîtrisons le mieux. (Accord général)
  • Le professionnel doit connaître les risques des différents instruments : la ventouse à plus d’échec et le forceps plus de lésions périnéales. (Grade A)
  • Le professionnel doit savoir que les ventouses souples ont plus d’échecs mais entraînent moins de lésions du scalp que les rigides. (Grade A)
  • Les rotations instrumentales doivent être réalisées par un opérateur entraîné, qui sera à même de choisir l’instrument adéquat : le forceps droit de Kielland (utilisé justement pour les rotations instrumentales), la rotation manuelle suivie d’une ventouse ou un forceps, ou la rotation par ventouse. (Grade C)

tableau 4

Quand décider que l’extraction par ventouse est un échec et comment gérer cette situation ?

  • Arrêter quand il n’y a pas de progression malgré plusieurs tractions modérées sur une ventouse bien positionnée, par un opérateur entraîné. (Accord professionnel)
  • En sachant que la plupart du temps, trois tractions suffisent à descendre la tête sur le périnée puis trois petites tractions douces pour sortir la tête. (Accord professionnel)
  • Se poser la question de la variété de présentation, de la pose correcte de la ventouse ou d’une disproportion foetomaternelle s’il n’y a pas ou peu de progression au bout de deux tractions. Dans cette situation, l’opérateur peu expérimenté doit demander un avis et l’opérateur expérimenté reconsidérer l’indication. (Accord professionnel)
  • Arrêter d’utiliser la ventouse au bout de deux lâchages. L’opérateur avec peu d’expérience devra appeler au bout d’un lâchage. (Accord professionnel)
  • Faire le vide rapidement plutôt que lentement. (Accord professionnel) (Ndlr : c’est parce qu’il persiste un mythe qui veut qu’il faille attendre au moins deux minutes de vide pour commencer à tirer.)
  • L'enchaînement de plusieurs instruments est associé à plus de traumatismes néonataux. Cela dit, l'opérateur doit mettre en balance les risques entre essayer avec un nouvel instrument et faire une césarienne en urgence (Grade B)
  • L’opérateur doit connaître les risques liés à l'enchaînement de plusieurs instruments et informer le pédiatre s’il y a recours. (Accord professionnel)
  • L’opérateur doit savoir que l’enchaînement de plusieurs instruments augmente les risques de lésions du sphincter anal. (Grade C)

Quand décider que l’extraction par forceps est un échec et comment gérer cette situation ?

  • Ne pas poursuivre l’extraction par forceps quand la pose est difficile, quand les poignées ne se posent pas naturellement ou quand il n’y a pas de progression avec une traction modérée. (Grade B)
  • Ne pas poursuivre la rotation instrumentale quand elle ne se fait pas avec une pression douce. (Grade B)
  • Ne pas poursuivre l’extraction si la naissance n’est pas imminente au bout de trois tractions douces par un opérateur expérimenté. (Grade B)
  • Se poser la question de la variété de présentation, de la pose correcte du forceps ou d’une disproportion foetomaternelle s’il n’y a pas ou peu de progression au bout de deux tractions. Dans cette situation, l’opérateur peu expérimenté doit demander un avis et l’opérateur expérimenter reconsidérer l’indication. (Accord professionnel)
  • L’opérateur doit connaître les risques liés à l'enchaînement de plusieurs instruments, ou d’un échec de forceps et informer le pédiatre s’il y a recours. (Accord professionnel)
  • L’opérateur doit connaître les difficultés d’extraction par césarienne en cas d’échec de forceps et de tête fœtale engagée. Il doit connaître les manœuvres pour désenclaver la tête fœtale lors de la césarienne. (Accord professionnel)

Quelle est la place de l’épisiotomie dans l’extraction instrumentale ?

  • Le sujet de l’épisiotomie doit être discuté avec la patiente lors de la préparation pour l’extraction instrumentale. (Accord professionnel)
  • Il n’y a pas ou peu de preuves en faveur de l’épisiotomie systématique ou restrictive lors d’une extraction instrumentale. En revanche, l’épisiotomie médiolatérale semble limiter les lésions du sphincter anal, surtout chez les primipares et surtout en cas d’utilisation de forceps. (Grade B)
  • Si l’épisiotomie est réalisée, il faut qu’elle le soit à 60° quand la tête distend le périnée. (Grade B)

Et après, faut-il donner des antibiotiques ?

  • Une dose unique intraveineuse d’amoxicilline et acide clavulanique est recommandée après une extraction instrumentale car elle réduit significativement les infections maternelles comparée au placebo. (Grade A)
  • L’extraction instrumentale doit respecter les consignes d’hygiène et d’asepsie. (Accord professionnel)

Faut-il prescrire une thromboprophylaxie après une extraction instrumentale ?

  • Il faut évaluer l’indication d’une prévention après une extraction instrumentale. (Grade D) (Ndlr : non, ce n’est pas une contrepèterie, mais ils veulent faire passer le message que les facteurs de risque d’extraction instrumentale et de thrombose veineuse sont souvent les mêmes…)

Quelle analgésie après une extraction instrumentale ?

  • En l’absence de contre-indication, il faut prescrire en systématique des AINS et du paracétamol. (Grade A)

Quelles précautions pour la vessie maternelle après une extraction instrumentale ?

  • Les femmes doivent être informées sur les risques de rétention vésicale et l’importance de surveiller leurs mictions. (Accord professionnel)
  • La première miction doit être quantifiée et tracée. (Grade C)
  • Il faut évaluer le résidu vésical en cas de suspicion de rétention vésicale. (Accord professionnel)
  • Si une patiente a eu une analgésie loco-régionale pour une extraction instrumentale au bloc, il faut lui poser une sonde à demeure dans le postpartum pendant 6 à 12 heures pour éviter les rétentions vésicales, selon les protocoles locaux. (Accord professionnel) (Ndlr : quelle phrase surréaliste !)
  • Il faut proposer une rééducation périnéale à trois mois du postpartum pour réduire les risques d’incontinence urinaire. (Grade B)

Comment réduire l’impact psychologique d’une extraction instrumentale ?

  • La morbidité psychologique est réduite par la décision partagée, la bonne communication, le soutien continu et positif pendant le travail et l’accouchement. (Accord professionnel)
  • Il faut voir les femmes avant leur sortie pour rediscuter de l’indication de l’extraction instrumentale, sa réalisation et les complications s’il y en a eu, et des conseils et recommandations pour une prochaine grossesse, le tout idéalement par le professionnel qui a réalisé le geste. Il faut savoir proposer un soutien psychologique, sans oublier le partenaire. Ne pas proposer tout le soutien en une seule séance longue et intense. (Accord professionnel)
  • En cas de syndrome post-traumatique à un mois de l’accouchement, il faut adresser la patiente à des professionnels adaptés. (Grade D)

Quelles informations pour les grossesses ultérieures ?

  • Il faut informer les patientes que leurs chances d’accoucher spontanément lors de la prochaine grossesse sont très élevées. (Grade B)

Comment documenter l’extraction instrumentale ?

  • L’évaluation, l’indication et la réalisation du geste doivent être documentées, ainsi que la conduite à tenir postnatale et éventuellement pour la prochaine grossesse, idéalement selon un format standardisé. (voir la page 41 des recommandations) (Accord professionnel)
  • Les gaz du sang au cordon doivent être systématiquement réalisés et documentés en cas d’extraction instrumentale. (Accord professionnel)
  • Les complications graves de l’extraction instrumentale doivent être analysées dans le cadre de la gestion des risques, avec la participation des différents acteurs. (Accord professionnel)

Ces recommandations nous permettent de revoir, chacun dans notre service, la façon dont nous travaillons, et pourquoi pas modifier certaines habitudes. La standardisation de la documentation est déjà un bon début.

 

Références

  1. Enquête nationale périnatale. Rapport 2016. http://www.epopé-inserm.fr/wp-content/uploads/2017/10/ENP2016_rapport_c…
  2. Murphy DJ, Strachan BK, Bahl R, on behalf of the Royal College of Obstetricians Gynaecologists. Assisted Vaginal Birth. BJOG 2020; 127:e70– e112.

 

 
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