Dépistage du cancer du sein : Erreur de diagnostic, sans faute

(Arrêt du 13 septembre 2018 - Cour d'appel d'Aix-en-Provence n° 2018-332)

Une femme se voit prescrire par son gynécologue une mammographie ainsi qu’une échographie pelvienne et rénale dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein. La mammographie est réalisée le 19 mai 2011 par un radiologue, lequel conclut à l’absence de signe de lésion ou cancéreux, ce qui est confirmé en seconde lecture. Quelques mois plus tard, en raison de douleurs survenues au niveau du sein droit, la patiente bénéficie d’une nouvelle mammographie qui révèlera la présence d’une masse hypoéchogène mal limitée ainsi qu’un doute sur un petit foyer satellite plus externe nécessitant un prélèvement et une ponction. Le compte rendu de l’examen anatomo-pathologique permet de poser le diagnostic de carcinome canalaire infiltrant.

Une action judiciaire est intentée par la patiente, à l’encontre des deux radiologues, leur faisant grief de ne pas avoir décelé son cancer. Le jugement de première instance a débouté la patiente de l’ensemble de ses demandes. Un appel est formé contre cette décision par son concubin en sa qualité d’ayant droit, la patiente étant décédée le 15 janvier 2015. L’arrêt du 13 septembre 2018 juge qu’une erreur de diagnostic ne suffit pas à caractériser l’existence d’une faute susceptible d’engager la responsabilité d’un médecin, notamment lorsque le diagnostic est difficile à établir.

Motifs de la décision :

Selon l'article L. 1142-1- I du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic et de soins qu'en cas de faute.

En conclusion de son rapport, le professeur B… indique :

  • que Mme B. est porteuse d'un adénocarcinome infiltrant du sein droit d'une forme agressive comme en témoigne son évolution et ses caractéristiques histologiques et qu'il est tout à fait possible que ce cancer ait évolué rapidement d'une forme intra clinique vers une forme cliniquement inflammatoire,
  • que si le diagnostic avait été posé précocement en mai 2011, Mme B. aurait pu bénéficier d'un traitement conservateur et éviter la mastectomie initiale et que le traitement aurait consisté, compte tenu du grade 3 de la tumeur, en une association radiothérapie et chimiothérapie, et d'un curage axillaire droit et qu'en ce cas, le risque de récidive locale aurait été de 5%, la probabilité pour Mme B. d'éviter une mastectomie étant de 95%,
  • que selon l'avis du sapiteur radiologue la lésion centimétrique qui a permis de conduire au diagnostic d'adénocarcinome infiltrant du sein droit était déjà présente le 19 mai 2011 s'agissant d'une tumeur des plans profonds de 10 mm,
  • qu'il existe ainsi une erreur de diagnostic lors de l'analyse de cette mammographie le 19 mai 2011 par le docteur F. puis la relecture par l'association […] qui ne fait pas état de cette opacité à contours flous dans les plans profonds ni de la présence d'adénopathie non spécifique homolatérale.

L'erreur de diagnostic ne suffit pas en soi à caractériser l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité du médecin et une telle erreur ne peut être qualifiée de fautive lorsque le diagnostic de la pathologie qui n'a pas été décelée est difficile à établir.

En l'espèce, le professeur C., sapiteur du professeur B…, constate que l'analyse des clichés met en évidence une opacité nodulaire à contours flous située dans les plans profonds du sein droit qui n'a pas été vue par le docteur F. ni par le relecteur de l'association […] (docteur R.) et que par contre en janvier 2012, lors d'un contrôle échographique et mammographique, la lésion a modérément augmenté.

Elle relève en conclusion que la topographie et le type de cette lésion entre dans le cadre de lésions à risque de non diagnostic car situées en profondeur et que le risque de ce type d'erreur a été souligné par la littérature médicale, ce qui est confirmé par un avis médical produit aux débats par le docteur F.

Ces éléments mettant en évidence une configuration difficile à interpréter et sujette à un risque d'erreur certain conduisent à écarter toute faute résultant d'une erreur grossière dans l'interprétation des résultats, ainsi que l'a justement relevé le premier juge.

Par ailleurs, l'observation de l'expert selon laquelle la prise en charge de Mme B. par le docteur F. et l'association […] n'a pas été conforme aux données acquises de la science n'est étayée par aucun autre élément du dossier.

L'expert se fonde pour aboutir à cette conclusion sur l'absence de diagnostic de la tumeur en mai 2011, ce qui n'est pas discutable mais ne suffit pas à caractériser une faute ainsi que rappelé plus haut, et sur le fait qu'il s'en est suivi un retard de prise en charge de 7 mois du cancer ce qui est la conséquence de l'erreur de diagnostic et non pas la cause et est inopérant pour mettre en évidence une faute.

Le professeur C., spécialisée en imagerie médicale, relève au contraire que le matériel utilisé par le docteur F. a été contrôlé annuellement par un contrôle qualité et a été jugé conforme en 2010, 2011, 2012 et 2013, que les clichés réalisés sont conformes aux recommandations de bonnes pratiques, que la mammographie ne présente pas de défauts techniques, que le docteur F. fait réaliser des 2ème lectures et qu'elle possède les qualifications et le matériel adéquat pour réaliser et interpréter des mammographies dans le cadre du dépistage d'un cancer du sein.

La Cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a relevé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre des deux médecins et en ce qu'il a débouté M. F. de ses demandes.

 
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