COVID et grossesse : Webinar du 27-03-2020

Compte rendu des Drs Sara AMAT et Laurence MOUGEL sur le Workplace du CFEF

Modérateurs : Pr. Y Ville (service de gynécologie obstétrique, CHU Necker), Pr. T .Attié-Bitach (Service foetopathologie, CHU Necker, Paris), Dr M. Leruez-Ville (laboratoire de virologie, CHU Necker, Paris)

En visioconférence : Dr J. Martinovic ( service de foetopathologie, CHU Antoine Béclère), Dr A. Lamouroux (CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier)

Dr J.Nizard (service de gynécologie obstétrique, H. de la Pitié Salpêtrière, Paris), Dr P. Deruelle ( service de gynécologie-obstétrique CHRU Strasbourg).

Je vous engage vivement à regarder en replay sur le site revue-vison.com ce webinar qui clarifie énormément de questions en ces temps si troublés.

Quelques messages clés :

Tout d’abord un petit mot sur les patientes infectées au 1° trimestre de la grossesse. Nous n’avons pas de données à l’heure actuelle. Il faut attendre les résultats des cohortes à venir pour les patientes enceintes infectées 1er et 2ème trimestre (issues de grossesse, risques foetaux…). En ce qui concerne l’état clinique des patientes enceintes il semble que les formes graves surviennent plutôt au 3ème trimestre et surtout s’il existe une co-morbidité (cf plus loin)

Les différentes présentations permettent de retenir:

  • Transmission verticale : semble négligeable, même si nous n’avons pas de données à l’heure actuelle pour le 1er trimestre. Mais (expérience chinoise) lors de PLA de patientes infectées: pas de présence du virus dans le liquide amniotique.
  • Transmission intrapartum : risque théorique lié à l’exposition sang, sécrétions, selles, mais pas observée, les enfants nés de patientes infectées vont bien donc pas d’argument pour préférer l’une ou l’autre voie d’accouchement si COVID + (hors urgence vitale bien sûr).
  • Transmission post-partum : pas de CI allaitement maternel, pas de séparation mère enfant, masques pour les parents suspects…pas d’inquiétude pour l’instant pour les nouveaux-nés le plus souvent pauci ou asymptomatiques.

Pour toute Femme enceinte fébrile il faut suspecter en premier lieu une infection par le coronavirus:

Tableau clinique classique (fièvre 44%, Toux 68%)

Attention aux formes atypiques +++ tableaux digestifs type diarrhées fébriles mais aussi anosmie, agueusie.

L'évolution clinique peut durer 5 à 20 jours…

Attention cependant: ne négligez pas les autres causes « classique »:

Pyélonéphrite, Chorioamniotite…

Points importants: surveillance quotidienne prolongée si patiente à domicile car phase d’aggravation secondaire également observée chez les parturientes.

Lien avec patientes COVID + : par mail évaluation quotidienne, puis maintenant plateforme COVIDOM, application française développée en un temps record pour lutter contre le coronavirus, mis en place pour l’instant dans certains hôpitaux parisiens pour suivre les patient(e)s à domicile.

La vulnérabilité des femmes enceintes est liée à plusieurs facteurs:

- Facteur Hémodynamique

- Facteurs mécaniques : volume abdominal augmenté, mobilité diminuée du diaphragme, capacité pulmonaire diminuée au 3ème trimestre

Courbe de dissociation de l’Hémoglobine/O2 diminuée pendant la grossesse pouvant être à l’origine d’une aggravation ou facteur favorisant une hypoxie tissulaire.

- Facteur immunologique : diminution immunité cellulaire et renforcement immunité humorale.

Les patientes plus à risque associent à la grossesse une co-morbidité : comme l’obésité, l’âge maternel avancé (> 40 ans), la prééclampsie, une cardiopathie, un diabète déséquilibré, une transplantation. Ces éléments ressortent clairement dans l’expérience des obstétriciens d’Ile de France et de Starsbourg.

Le tabagisme augmente le risque de développer une forme grave par 2 en population générale donc on imagine aussi pour le femme enceinte.

En ce qui concerne la tableau biologique, avoir en tête:

- La CRP est modérément élevée 20-40

- les transaminases 2-3 fois supérieures à la normale

- une lymphopénie (80 %)

- une thrombopénie modérée

- Positivité RT-PCR : attention 30 % de faux neg, refaire à 48-72h si tableau évocateur

Les éléments de gravités sont

  • une hyperferritinémie qui s’intègre dans un processus plus global de réaction générale inadaptée
  • une FR > 30/min
  • une Sat O2 < 93 %
  • une Charge virale élévée: 60 fois plus élevée (dans les prélèvements initiaux naso-pharyngés) dans les formes sévères que dans les formes non sévères, diminution lente de la charge virale dans les formes de mauvais pronostic, 90 % des formes non sévères avaient éliminé le virus au 10ème jour.
  • La Virémie est rare, et si elle est positive elle est plutôt transitoire et plutôt dans les formes graves, mais peu de recul à ce sujet.

Un petit mot sur le scanner thoracique: les images au scanner thoracique sont quasi pathognomoniques de l’infection.

Indications de RT PCR pendant grossesse: oui si signes cliniques évocateurs, refaire prélèvement si doute car il y a des faux /-/liés au prélèvement (retour d’expérience en France importance de la qualité technique du prélèvement)

Un point sur L’organisation des maternités: Il est important

  • d’informer et éduquer les patientes
  • de protéger les soignants
  • d'organiser des filières COVID + et COVID -
  • de favoriser les Sorties précoces (Y Ville souligne problème des sage-femmes libérales qui ne disposent que 6 masques/jour)!!!
  • Idéalement proposer des formations aux soignants en Simulant des situations d’urgence
  • Pour le suivi de la grossesse:
    • Revoir agenda des RDV au cas par cas
    • Concernant les échos de dépistage: les 3 échos T1, T2 et T3 sont à maintenir car elles sont des moments clés du suivi qui peuvent éventuellement permettre de sursoir à certains RDV de suivi obstétrical si la patiente est identifiée à bas risque ( à remplacer par une téléconsultation). Il est indispensable de suivre les recommandations du CFEF et du CNGOF pour la prévention, l’hygiène, l’aménagement salles d’attente... (cf recommandations)

Si la patiente est fébrile reporter son RDV et aménager un créneau dédié.

Les échographies de datations ne sont pas indispensables en l’absence de facteur de risque.

  • Pour l’accouchement: chaque maternité doit réfléchir à son organisation propre. Pour la plupart des maternités aujourd’hui les pères non suspects sont acceptés comme accompagnant confiné (si sortie = sortie définitive).

Pour les accouchements de patiente dont la suspicion de COVID est faible (fièvre isolée (ex : fébricule fin de travail) ou conjoint symptomatique mais absent) : Précautions : lunettes, masque chir, charlotte, tablier ou surblouse et casaque en plus pour accouchement.

Pour les accouchements de patiente dont la suspicion de COVID est forte (prélèvement en attente) ou COVID +:

Précautions: masque FFP2, charlotte, lunettes, casaque.

Attention les fautes se font surtout lors du déshabillage, cf vidéo disponible sur YOU Tube

Pas de Contre Indication à l’accouchement avec péri-durale pour une patientes COVID + fébriles.

Voici un exemple de l’organisation au CHU Necker pour le parcours de soin des patientes suspectes:

Exemple d’organisation

Numéro d’appel COVID 24h sur 24h

Signalant toux et fièvre sans signe respiratoire ni obstétrical

  • 26-37 SA : Consultation secteur COVID dédié (tente dans le cas présenté), (créneau proposé le matin)

bilan proposé :

  • prélèvement coronavirus
  • ECBU en externe si corona /-/
  • Hémocultures
  • Monitoring si > 27 SA
  • Echo : citernes, MAF
  • TA, temp digitale
  • Pas de PV
  • Inscrire la patiente sur registre en télésurveillance
  • 37 SA
  • urgences maternité secteur COVID, salle dédiée (créneau proposé le matin)
  • idem prélèvements
  • programmation accouchement
  • Inscrire en télésurveillance ou hospitaliser

Difficultés respiratoires : urgences directement ou le 15

Retour d’expérience Dr J Nizard :

20 patientes COVID + suivies à domicile qui vont bien

4 patientes compliquées:

  • 34 SA, dyspnée d’aggravation rapide : césar, BB et maman vont bien (9 mars)
  • 19 SA, co-morbidités (HTA, diab déséq) : réa, sevrée de l’ECMO (20 mars)
  • 36 SA, détresse respiratoire, césarienne (24 mars)
  • 35 SA, détresse respiratoire, césarienne

Les 4 patientes vont bien et sont extubées

Retour expérience Dr P. Deruelle : 5 formes graves

Ce qui ressort : cas sévères plutôt 3ème trimestre, co-morbidités: âge maternelle, prééclampsie.

Aggravation brutale rapide en qquelques heures pour ces cas.

Et enfin, voici quelques réponses aux questions posées par les internautes:

Question sur accouchement en niveau 1 pour les patientes suspectes? si patiente asymptomatique aucune raison de transférer, si patiente symptomatique et terme acceptable pour la structure le transfert ne s’envisage que par rapport au niveau de technicité réa adulte si le pronostic maternel est en jeu; la stratégie s’applique bien sur aussi en fonction du niveau d’activité des autres maternités/réa adultes.

Corticothérapie pour maturation pulmonaire? pour l’instant oui si < 34 SA et aggravation tableau maternel

Si > 37 SA pneumopathie modérée: faut-il déclencher ? pas de recommandation voir au cas par cas…

Si 39 SA ? sans doute le terme optimal pour accoucher d’une façon générale… donc si COVID + plutôt oui logiquement ?

Le traitement par la Chloroquine ? Essais cliniques en cours, attendre les résultats qui vont sortir sous peu.

Le virus étant présent dans les selles la voie d’accouchement doit-elle être modifiée? non car l’infection symptomatique grave chez le nouveau né est très rarement décrite.

La question des soignantes enceintes? collège anglais recommande soins à distance des patients à risque pour les soignantes de > 28 SA

Plus de 5000 personnes étaient connectées en direct cet après-midi, c’est incroyable!! Cela démontre encore une fois l’implication de tous! Sans compter ceux et celles qui lisent ce petit résumé ce soir qui étaient auprès des patientes aujourd’hui.

Courage à tous, merci à tous de répondre présent,

Portez vous bien !