Plastique ou métal ?

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Chacun s’est déjà posé la question de la pollution, ou de celle de l’empreinte carbone, plus politiquement correcte, du matériel jetable que nous utilisons au quotidien lors de notre activité de soin. Le métal a été remplacé par le plastique, comme pour les spéculums, et le métal réutilisable par du métal jetable, comme pour le matériel d’accouchement.

Les circuits et contraintes de stérilisation du matériel réutilisable se sont compliqués et les coûts ont augmenté. Mais le plastique est-il vraiment un bon investissement ? C’est la question que se sont posée Donahue et coll. dans un article publié cette année dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology (doi.org/10.1016/j.ajog.2020.02.007).
Si la question est simple, la réponse est compliquée car calculer l’empreinte carbone d’un objet, de sa fabrication à sa destruction, demande des connaissances complexes.

Si la santé représente un des principaux postes budgétaires des pays industrialisés, l’empreinte carbone de la santé est importante, et probablement colossale en ce moment avec l’utilisation du matériel de protection, entièrement jetable, nécessaire avec la pandémie COVID-19.

Pour comparer l’empreinte carbone des spéculums en plastique et de ceux en métal, il faut être capable de définir leur cycle de vie : fabrication, transport, utilisation(s), (désinfection), destruction, recyclage, etc.

Les auteurs ont analysé trois modèles de spéculums qu’ils utilisent dans leur hôpital : le Welch Allyn KleenSpec Disposable Vaginal Specula (Welch Allyn, Skaneateles Falls, NY), le Sklar Merit stainless steel grade 304 Graves and Pederson vaginal specula (Sklar

Surgical Instruments, West Chester, PA), et un modèle dit chirurgical le surgical grade (stainless steel grade 316) semblable au précédent. Les alliages sont différents dans les deux spéculums en métal, d’où le choix.

Les auteurs ont regroupé les différents temps du cycle de vie du matériel en unités fonctionnelles. Ainsi, pour les spéculums en plastique (acrylique), il y a les unités « matériel brut », « production », « transport et distribution », « utilisation unique » et « gestion des déchets hospitaliers » pour le spéculum et son emballage.

Pour les spéculums en métal, ils ont comptabilisé les unités « matériel brut », « production », « transport et distribution », « utilisations multiples », « désinfection/stérilisation » et « gestion des déchets hospitaliers » pour le spéculum et son emballage.

Nous n’entrerons pas dans les détails, mais les auteurs ont utilisé des outils spécifiques pour calculer l’empreinte carbone de chaque étape, en kilogrammes de CO2. Ils ont TOUT calculé, dans les moindres détails. Les résultats vont bien entendu dépendre du nombre de cycles d’utilisation des spéculums en métal (combien de fois sont-ils réutilisés dans votre pratique ?). Et stérilisez-vous les spéculums en métal seuls, avec un autoclave à moitié plein, seulement quand l’autoclave est plein (un peu comme le lave-vaisselle chez vous…) ?

Les résultats feraient hurler Greta. À partir de trois utilisations, les spéculums en métal ont une plus petite empreinte carbone que les spéculums en plastique. Au bout de 500 utilisations, l’empreinte carbone d’un spéculum en métal est d’environ 105 kg de CO2, alors qu’elle est proche de 450 pour ceux en plastique. Pour avoir une échelle de valeur, on estime qu’un vol Paris - New York coûte environ une tonne CO2 par passager, soit environ 1100 spéculums en plastique…

Le « coût carbone » du spéculum en plastique vient essentiellement de la fabrication, du transport et de la destruction, et sont considérés presque incompressibles. Ceux des modèles en métal proviennent surtout des cycles de stérilisation dont le « coût carbone » provient de la fabrication de l’électricité, qui peut toujours, dans un proche avenir, devenir plus « verte », responsable alors d’une différence encore plus grande entre les deux types de produits.

Les hôpitaux et cliniques ont conscience de l’empreinte carbone de leur activité et plusieurs initiatives ont vu le jour avec différents noms tels que maternité éco responsable, éco maternité, etc. La vaisselle jetable commence doucement à être remplacée par des plats réutilisables sur les plateaux repas des soignants et patients. C’est maintenant à nous, soignants, de demander le retour du matériel stérilisable, tel que les spéculums en métal. Certains nostalgiques vont être comblés.

 
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