Femmes victimes de violences au sein du couple

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Vous je ne sais pas, mais moi on ne m’en avait jamais parlé.

De l’impact des violences sur la santé des êtres humains, hommes, femmes, enfants. J’étais pourtant assidue dans les amphis, ça n’a pas pu m’échapper !

Quelles violences ? Toutes, sans exception : éducatives, sexuelles, conjugales, physiques, psychiques, sociales, économiques…

Et puis, comme vous, je suis devenue spécialiste de la santé des femmes, mais là non plus, toujours rien. Ou alors des conseils d’orientation sociale pour ces pauvres « femmes battues ».

Bien sûr, il y avait çà et là quelques indices fournis par des patientes que rien ne soulageait, dont les exigences me semblaient insupportables et qui finissaient par me « vomir » des antécédents d’une brutalité inouïe, incestes, viols, violences conjugales de toute nature, harcèlement, séquestration.

 Je comprenais mieux alors les rapports sexuels impossibles et les demandes d’insémination, les exigences de césarienne « car rien de bon ne peut sortir par en bas », les IVG à répétition parce que monsieur ou grand frère fait la chasse à la contraception, ou que ce charmant petit ami n’a pas compris que le rejoindre dans sa chambre ne signifiait pas qu’on avait prévu de finir dans son lit.

Et puis, je suis devenue médecin militaire et j’ai découvert l’impact scientifiquement prouvé des violences sur le cerveau et les comportements, avec la prise en charge du psychotraumatisme des soldats de retour d’Opex (opérations extérieures), ce fameux vent du boulet de la guerre de 14. Cette affection a tué plus de vétérans par suicide que la guerre du Vietnam !

Et puis, une de mes patientes a été tuée à bout portant par son mari.

Le doute n’était plus permis, l’équation « violence = altération de la santé des femmes = je dois m’en occuper » s’est imposée.

Ces conséquences sont, sans surprise, multiples : la mort, bien sûr directe ou indirecte par suicide, mais aussi les coups, fractures, hématomes, plaies diverses, les maladies chroniques et immunologiques liées à l’impact du stress et de ses hormones sur l’immunité, ou encore par entrave aux traitements imposée par certains conjoints ; les addictions, les scarifications, la dépression, le trouble du stress post traumatique, la perte de toute estime de soi et la descente aux enfers.

Je n’oublie pas les enfants élevés dans cet environnement et qui, bien plus que témoins, sont de véritables victimes qui subissent les mêmes conséquences dans leur développement. Et j’oublie encore moins les agressions sexuelles sur enfants, intrafamiliales ou par toute personne censée les protéger ou les éduquer, prof, entraineur sportif, chef scout, curé, imam, rabbin, voisin…

Au-delà des conséquences sur la santé qui en font un réel problème de santé publique, ces violences coûtent, selon une estimation probablement basse près de 4 milliards d’euros à la société en dépenses de soin, arrêts de travail, conséquences sur les familles... Voilà qui devrait sensibiliser les pouvoirs publics !

La création d’un groupe de travail piloté par la Haute Autorité de Santé afin de produire des recommandations sur le dépistage et la prise en charge des violences faites aux femmes répond donc à un réel besoin, puisque cette thématique n’est guère abordée dans la formation initiale des médecins.

Nous avons passé près d’un an à en ciseler les termes afin que les praticiens de premier recours se sentent concernés, mais aussi rassurés.

Quels en sont les principaux messages ?

  • De la même manière que nous nous intéressons aux antécédents de nos patient(e)s et à leurs addictions, nous devons nous intéresser aux violences qu’ils ou elles subissent ou ont subi tout au long de leur vie. Ces précieuses informations peuvent expliquer certaines de leurs pathologies et nous éviter de nous égarer dans des examens complémentaires sophistiqués, coûteux et inutiles
  • Ce dépistage est simple et peu consommateur de temps : il suffit de poser directement la question, et vous recevrez la plupart du temps des réponses, pas forcément immédiates mais le/la patient(e) comprendra que vous lui avez ouvert une porte qu’il/elle pourra franchir quand il/elle se sentira prêt
  • Vous n’êtes pas tenu de tout résoudre à la première consultation, sauf urgence vitale immédiate mais ça, vous savez faire !
  • Enfin, pour être efficace, il vous faudra identifier toutes les ressources locales qui vous permettront d’orienter au mieux vos patient(e)s : associations d’aide aux victimes, hébergement d’urgence, commissariats, permanences juridiques, centres de victimologie…De nombreuses cartographies sont disponibles dans les départements et vous faciliteront la tâche.

Ce repérage et cette orientation sauveront sans doute quelques vies, ce qui n’est pas négligeable. Peut-être qu’ils aideront certains enfants à ne pas être assommés de psychotropes alors qu’ils sont victimes de viols. Peut-être que certains agresseurs vous avoueront être encore plus violents quand ils ont bu, et vous pourrez les orienter vers une prise en charge adaptée.

A l’heure où le gouvernement s’agite autour du Grenelle des violences, ces recommandations tombent à pic pour nous donner quelques pistes d’amélioration.

Mais lisez plutôt les recommandations, tout y est !

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3104867/fr/reperage-des-femmes-victimes-de-violences-au-sein-du-couple

 
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