Dépistage et diagnostic prénatal de la Trisomie 21 en France en 2010

Dépistage de la trisomie 21 en France en 2010

Depuis 1997, le dépistage de la trisomie 21 en France est encadrée par un arrêté (27 mai 1997) qui reposait uniquement sur l’utilisation de l’âge maternel et de marqueurs sériques maternels du 2ème trimestre (Alpha Foeto Protéine, HCG et oestriol). Alors que seul le calcul de risque avec ces marqueurs sériques était légalement reconnu, les praticiens associaient à ce calcul de risques d’autres marqueurs principalement échographiques. En effet, l’utilisation des marqueurs sériques seuls permettaient un d’obtenir un taux de dépistage de 65 à 70% mais avec un taux de faux positif proche de 10%, ce qui entrainait la réalisation d’un nombre important d’amniocentèse. La valeur positive prédictive de cette technique utilisant les marqueurs sériques seuls du 2ème trimestre est de 1/110, c’est à dire qu’il faut faire 110 amniocentèses pour faire le diagnostic d’une trisomie 21.

Les obstétriciens en charge du suivi des grossesses ont cherché à améliorer ce dépistage en intégrant au calcul de risque les marqueurs échographiques, notamment la mesure de la clarté nucale, mais sans que ces mesures échographiques ne soient soumises à aucun contrôle de qualité par les praticiens les pratiquant, ce qui était en contradiction avec le contrôle de qualité et le suivi encadrant le calcul de risque par les marqueurs sériques maternels.

Cette situation a été plusieurs fois soulignée par les professionnels de la médecine fœtale, et suite à une étude réalisée dans les Yvelines (1), un groupe de travail a été mis en place au sein de la Haute Autorité de Santé afin de chercher à améliorer cette pratique de dépistage.

La Haute Autorité de Santé a émis des recommandations (2) suite à ces travaux et en juin 2009, un arrêté est paru (3) permettant une harmonisation et une amélioration du dépistage de la trisomie 21, en intégrant à la fois l’âge maternel, les marqueurs sériques maternels du premier trimestre et les critères échographiques du premier trimestre.

Selon cet arrêté, il est recommandé de pratiquer le dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre (entre 11 semaines d’aménorrhée et 13 semaines + 6 jours d’aménorrhée) en utilisant à la fois les marqueurs sériques maternels du 1er trimestre (fraction libre de la bétaHCG et protéine PAPP-A), et la mesure de la Longueur Cranio Caudale (LCC) et de la clarté nucale (CN). Ce dépistage appelé dépistage combiné de la trisomie 21 au premier trimestre nécessite certaines obligations :

  • avoir une longueur cranio caudale du fœtus mesurée entre 45 et 84 mm
  • avoir une mesure échographique réalisée par un échographiste ayant un numéro d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) qui lui a été délivré par un réseau de périnatalité
  • faire le calcul de risque en intégrant ces différentes données ; celui ci étant réalisé par le laboratoire autorisé pour le dépistage de la trisomie 21, au sein duquel travaillent des biologistes agréés pour cette activité.

Ces obligations peuvent, dans certain cas, empêcher la réalisation de ce test de dépistage. La notion de semaines d’aménorrhée (11 SA à 13 SA + 6 jours) sert uniquement à fixer le rendez vous pour l’échographie, mais c’est seulement la LCC qui donne le terme exacte de la grossesse. Cela entraine que si la LCC est inférieur à 45 mm, il faut attendre quelques jours pour refaire l’examen, et que si la LCC est supérieure à 84 mm, le dépistage par cette technique n’est pas possible. Il faut également que l’échographie et le prélèvement pour le dosage des marqueurs sériques soient faits pendant cette même période.

Avec cette technique de dépistage combiné au premier trimestre le taux de patientes à risque augmenté diminue nettement (autour de 3 à 5% selon les premiers calculs) avec une valeur prédictive positive de 1/12 ; c’est à dire qu’il faut faire 12 prélèvements invasifs pour diagnostiquer une trisomie 21.

Il faut noter que la technique de dépistage combiné au premier trimestre présente l’inconvénient de ne pas dépister la non fermeture du tube neural puisque le dosage de l’AFP avec lequel est réalisé ce dépistage, n’est pas effectué.

Dans le cas où le dépistage combiné au premier trimestre n’est pas possible, deux autres solutions peuvent être proposées à la patiente.

Si la mesure de la Longueur Cranio Caudale et de la clarté nucale ont été réalisées dans les conditions décrites ci dessus, et si la prise de sang a été effectuée trop tard pour doser les marqueurs sériques du premier trimestre, il est possible de faire un dépistage séquentiel intégré de la trisomie 21. Ce dépistage utilise l’âge de la patiente, la valeur de la CN du 1er trimestre ( à condition d’avoir une LCC entre 45 et 84 mm), mesurée par un échographiste ayant un numéro d’EPP, et le dosage des marqueurs sériques du 2ème trimestre (cf ci-dessus).

Dans le cas où la mesure de la CN n’a pas pu être effectuée dans les temps par un échographiste ayant un numéro d’EPP ou si la LCC a une valeur supérieure à 84 mm le jour de l’échographie, les deux dépistages précédents ne peuvent pas être proposés à la patiente. Dans ce cas, la seule solution restante est de proposer un dépistage au 2ème trimestre uniquement par le dosage des marqueurs sériques maternels comme cela était fait avant 2009, et/ou d’avoir recours à une échographie de référence.

L’ensemble de ces dépistages de la trisomie 21 sont encadrés par la Loi et suivis par l’agence de la Biomédecine à qui l’ensemble des laboratoires autorisés doit envoyer chaque année les différentes données épidémiologiques de suivi de ces techniques.

Il faut noter que la mise en place du dépistage de la trisomie 21 au premier trimestre modifie sensiblement l’organisation de cette prise en charge. En effet, le délai imparti est assez court et la prise en charge de ces patientes doit être assez rapide pour pouvoir effectuer le dépistage dans de bonnes conditions. Ceci n’est pas simple notamment pour certaines populations de patientes qui consultent assez tardivement pour leurs grossesses, mais aussi pour beaucoup de patientes qui à ce stade de la grossesse consultent encore leurs médecins généralistes. Or ces médecins ne sont pas tous forcement bien informés de ces nouvelles procédures de dépistages ce qui nécessite donc une importante campagne de sensibilisation. Ce dépistage a également obligé les échographistes qui souhaitent continuer à faire des échographies de dépistage au premier trimestre, à demander un numéro d’évaluation des pratiques professionnelles nécessitant la réalisation et l’envoi d’un nombre défini de clichés échographiques à un expert d’un réseau de périnatalité. De manière à améliorer l’organisation de ce dépistage, certains centres mettent une place une organisation permettant de réaliser le même jour l’échographie par un échographiste agréé et le prélèvement en vue de réaliser les marqueurs sériques maternels.

Diagnostic de la trisomie 21 en France en 2010

L’arrêté du 23 juin 2009 a également modifié la prise en charge des patientes en vue du diagnostic de trisomie 21. En effet, jusqu’en 2009, les prélèvements invasifs (amniocentèses) en vue de réalisation d’un caryotype pour diagnostic de trisomie 21 étaient pris en charge par l’assurance maladie en cas d’anomalies échographiques, de dépistage montrant une augmentation du risque de trisomie 21 mais également pour les patientes âgées de 38 ans et plus. Depuis la parution de l’arrêté du 23 juin 2009, cette indication d’âge maternelle n’est plus possible. Reste seulement comme indication de prélèvement invasif, une augmentation du risque par le dépistage et un ou des signe(s) échographique(s) évoquant une anomalie fœtale.

La réalisation du dépistage au premier trimestre de la grossesse permet, en cas d’augmentation du risque, de proposer à la patiente un prélèvement invasif plus précoce (au premier trimestre), avec la possibilité en cas de diagnostic de trisomie 21, d’une interruption médicale de grossesse moins traumatisante à ce stade de la grossesse.

Le prélèvement de liquide amniotique est contre indiqué au premier trimestre de la grossesse. Il est par contre possible de réaliser un prélèvement de villosités choriales (4) qui présente un risque de fausse couche légèrement supérieur à celui de l’amniocentèse au 2ème trimestre (1,5% vs 1%).

Le prélèvement de villosités choriales permet la réalisation de deux techniques diagnostic en fonction de la structure de la villosité choriale.

Origine de la villosité choriale à partir de l’embryon (blastocyste) :

D’abord la réalisation sur les cellules du cytotrophoblaste d’un caryotype par examen direct. En effet, ces cellules qui sont en divisions donc déjà en métaphases, permettent la réalisation du caryotype sans réalisation de culture cellulaire. Ce caryotype relativement grossier, permet uniquement de réaliser le décompte des chromosomes (donc le diagnostic d’aneuploïdie) et la recherche d’anomalies de structure importante.

Cet examen peut être réalisé relativement rapidement et le résultat rendu en 48 à 72 heures. Mais il peut aussi dans certains cas être mis en échec. Il peut être alors nécessaire d’avoir recours à d’autres techniques cytogénétiques comme l’Hybridation in Situ en Fluorescence (FISH) qui permet de diagnostiquer les principales aneuploïdies fœtales (13, 18 et 21). D’autres techniques commencent à voir le jour au sein des laboratoires de cytogénétiques afin d’essayer de limiter la charge de travail liée à la mise en place des examens directs sur villosités choriales. Par exemple, une technique automatisée (Bacs on Beads) permet de diagnostiquer les aneuploïdies 13, 18, 21, X et Y ainsi que les principaux syndromes microdélétionnels rencontrés en diagnostic prénatal.

Les cellules du mésoderme extra-embryonnaire sont utilisées pour la réalisation d’une culture cellulaire et d’un caryotype de plus haute résolution permettant de confirmer une aneuploïdie mais surtout une anomalie de structure.

Niveau de résolution de cytogénétique :

Le niveau de résolution est autour de 150 bandes pour un caryotype effectué sur cellules de cytotrophoblaste et de 350 à 500 bandes pour un caryotype réalisé après culture des cellules du mésoderme extra-embryonnaire (cf. schéma ci dessous). Les possibilités diagnostic ne sont donc pas les mêmes avec ces deux prélèvements.


Niveaux de résolution cytogénétique.

La structure de la villosité choriale décrite ci dessus montre que l’examen direct réalisé à partir du cytotrophoblaste et le caryotype réalisé après culture des cellules du mésoderme extra-embryonnaire sont effectués sur des tissus qui n’ont pas la même origine (masse cellulaire interne et trophoblaste). Ainsi, il est possible d’avoir une différence de caryotype entre l’examen direct qui ne représente pas réellement le caryotype de l’embryon et l’examen après culture de cellules du mésoderme extra-embryonnaire. La situation la plus fréquente, même si elle reste rare (1 à 2% des cas), est celle appelée mosaïque confinée au placenta (MCP). Dans ce cas, on trouve une anomalie de nombre (aneuploïdie) de chromosomes sur l’examen direct (cellules du cytotrophoblaste) et un nombre normal de chromosomes à partir des cellules du mésoderme extra-embryonnaire (donc de l’embryon). Ce type de situation nécessite la réalisation d’un prélèvement de liquide amniotique afin de réaliser un caryotype de contrôle et ainsi vérifier que l’aneuploïdie est bien confinée au placenta.

Les questions à se poser devant une mosaïque confinée au placenta sont les suivantes :

  • la mosaïque est elle bien confinée au placenta et n’est elle pas généralisée à l’embryon

     

  • en fonction du chromosome impliqué dans la mosaïque, y a-t-il un risque de disomie uniparentale suite à une correction de trisomie chez l’embryon. Ce risque doit être pris en compte notamment pour les chromosomes portant des gènes connus comme soumis à empreinte parentale (principalement sur les chromosomes 6, 7, 14, 15). Dans ces cas, il faudra faire une recherche de disomie uniparentale (par l’utilisation de microsatellite) sur le liquide amniotique prélevé.

     

  • existe-t-il un retard de croissance intra-utérin qui complique 10 à 21% des MCP. Celui ci pouvant être lié à une disomie uniparentale, à une altération des fonctions placentaires (notamment en cas de MCP impliquant le chromosome 16) ou à la persistance de cellules trisomiques chez le fœtus. 

Conclusion

Les recommandations de la HAS et l’arrêtés du 23 juin 2009 ont modifié la prise en charge du dépistage et du diagnostic de la trisomie 21 en France, à la fois pour les femmes enceintes en leurs apportant certainement une plus grande efficacité avec moins de faux positifs donc moins de prélèvements invasifs mais également pour les acteurs de santé impliqués dans ce dépistage et ce diagnostic ; notamment les échographistes, les obstétriciens, les laboratoires autorisés pour le dépistage, et les laboratoires de cytogénétique. Cette nouvelle organisation se met en place assez rapidement depuis quelques mois grâce à ces acteurs mais aussi par la volonté et l’efficacité des réseaux de périnatalités et des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal qui sont en charge de cette organisation, l’ensemble étant sous le contrôle de l’Agence de la Biomédecine. Il sera nécessaire d’évaluer ce dépistage au bout de quelques mois afin de savoir si cette nouvelle prise en charge est réellement un apport efficace en terme de santé publique.

Références

1.Bussières L, Rozenberg P, Bault JP, Ville Y; Echo PAPP-A.78 study. (2004)
Down syndrome screening program using nuchal translucency and maternal serum markers: the Echo PAPP-A.78 study. Feb;33(1 Suppl):S61-6

2. Haute Autorité de Santé. Recommandation en Santé Publique. (2007). Evaluation des stratégies de dépistage de la trisomie 21.

3. Arrêté du 23 juin 2009 fixant les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals avec utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21.

4. Brun JL, Mangione R, Gangbo F et al. (2003). Feasibility, accuracy and safety of chorionic villus sampling : a report of 10 741 cases. Prenat Diagn. 23 : 295-301.

 
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