Fibroadénome mammaire : une pathologie sous-estimée ?

Introduction

Le fibroadénome est la pathologie mammaire bénigne la plus fréquente, touchant environ 10% des femmes.
La présentation clinico-radiologique est le plus souvent typique.
Les fibroadénomes simples sont les plus fréquents représentant 85% des fibroadénomes.
Les enjeux de leur dépistage sont de ne pas méconnaître un contingent phyllode associé et de ne pas sous-estimer le risque de cancer du sein associé.
 

Caractéristiques cliniques, radiologiques et histologiques des fibroadénomes

La présentation clinique des fibroadénomes est le plus souvent typique, se manifestant sous la forme d’un nodule bien limité, régulier, arrondi, ovalaire, ferme, mobile, indolore, dont la taille varie le plus souvent de quelques millimètres à 3cm, situé au niveau des quadrants supéro-externes dans 50% des cas.

L’évolution naturelle de la taille des fibroadénomes est difficilement prévisible. Apparaissant en général à l’adolescence, une croissance est possible jusqu’à 2-3cm en 12 mois puis une diminution dans 40% des cas, une stabilité dans 30% des cas et une progression dans 30 % des cas.

Le diagnostic radiologique repose sur la réalisation d’une échographie mammaire retrouvant une masse hypoéchogène, aux contours nets, homogène, de grand axe parallèle à la peau. Si un complément d’imagerie par mammographie est réalisé, le fibroadénome se présente sous la forme d’une opacité ovalaire bien circonscrite.

L’analyse histologique des fibroadénomes permet de distinguer

  • Le fibroadénome simple, forme la plus fréquente, qui est une prolifération circonscrite fibro-épithéliale d’origine lobulaire, avec une double composante, épithéliale et stromale ;
  • Le fibroadénome complexe au sein duquel on retrouve  des kystes > 3mm, de l’adénose sclérosante, de la fibrose floride et des calcifications épithéliales. Cette forme histologique représente environ 15% des fibroadénomes.

Le fibroadénome : variante de la normale ou « pathologie » ?

D’après la classification ANDI (Aberrations of Normal Development and Involution), qui se base sur le fait que la plupart des mastopathies bénignes surviennent lors d’un processus physiologique normal au cours du temps, le fibroadénome est considéré comme une exagération du processus normal du développement lobulaire  et non comme une pathologie. Ce qui n’est pas le cas du fibroadénome géant (fibroadénome unique  mesurant plus de 5cm)  ni de la polyadénomatose mammaire (plus de 5 fibroadénomes) qui sont des entités témoignant d’un processus pathologique du développement lobulaire (1).
 

Données épidémiologiques de prévalence et d’incidence

La prévalence du FA est estimée à 10%. Il existe un pic d’incidence estimé à 115/100000 année-femme entre 20 et 24 ans (2).  Cependant, l’estimation de l’incidence varie selon les études, ce qui s’explique par le fait que la plupart des données proviennent de séries anciennes de fibroadénomes dont le diagnostic n’a pas toujours été confirmé par un examen histologique mais qui reposait sur l’aspect radiologique, alors que les techniques d’imagerie étaient moins performantes qu’aujourd’hui.

Les constatations  autopsiques montrent une fréquence nettement supérieure  à celle observée dans les grandes cohortes épidémiologiques. Ainsi, l’incidence cumulée de fibroadénome entre 15 et 25 ans est de 15-23% dans les séries autopsiques, de 7 à 13% dans les cliniques spécialisées et seulement de 2,2% dans les études épidémiologiques (3).

Seulement 10 à 20% des cas de fibroadénomes sont diagnostiqués histologiquement

L’incidence du fibroadénome est donc effectivement sous-estimée pour plusieurs raisons : d’une part, il est asymptomatique dans 25% des cas sans nodule cliniquement palpable ni douleur mammaire ; d’autre part, sa taille est fréquemment inférieure à 1cm ce qui rend son dépistage parfois difficile, d’autant plus que la densité mammaire est importante. Enfin, le dépistage est proportionnel à l’expérience du clinicien et du radiologue…

Quels sont les enjeux d’une sous-estimation des fibroadénomes ?

Si l’incidence des fibroadénomes semble effectivement sous-estimée,  les enjeux sont de ne pas méconnaître un contingent phyllode associé  et de surtout de ne pas sous-estimer le risque de cancer du sein associé.

Fibroadénome et tumeur phyllode

Les tumeurs phyllodes sont des tumeurs mammaires, constituées à la fois de cellules épithéliales glandulaires  bénignes  et d’une prolifération de cellules conjonctives bénignes, borderlines ou malignes qui déterminent le type et le grade histologique de la tumeur. Les tumeurs phyllodes malignes sont rares, représentant moins de 1% de l’ensemble des tumeurs mammaires. Les relations phylogéniques entre adénofibrome et  tumeur phyllode ne sont pas clairement établies. En effet, la question de l’origine de la tumeur phyllode qui se développerait à partir d’un adénofibrome pré-existant ou qui surviendrait de novo n’est pas résolue. Quoi qu’il en soit, il faut l’évoquer devant la croissance rapide d’un fibroadénome connu ou devant un aspect de fibroadénome non typique en imagerie et réaliser systématiquement une microbiopsie du nodule pour analyse histologique.

Fibroadénome et cancer du sein

Dans l’étude du NEJM publiée par Dupont et Page en 1994 (4), le risque chez les patientes présentant un fibroadénome  de développer un cancer du sein infiltrant était significativement plus important chez les patientes présentant un fibroadénome complexe (OR=3.10 ; 95%IC [1.9-5.1]) que chez les patientes présentant un fibroadénome simple (OR=1.89 ; 95%IC[1.3-2.9]).

L’étude de cohorte américaine de la Mayo Clinic publiée en  2005 (5) incluant 9087 femmes présentant des lésions mammaires bénignes suivies pendant 15 ans retrouve un risque relatif de cancer du sein à 1.56 (95%IC[1.45-1.68]. Le risque de cancer du sein était moins important en l’absence de prolifération et en cas de prolifération, la présence d’atypie était déterminante. Par ailleurs, les antécédents familiaux constituaient un facteur de risque indépendant de cancer du sein.

Ces données ont été confirmées par une étude récente de la Mayo clinique publiée en 2015 (6) qui a analysé le risque de cancer du sein chez 9076 femmes âgées de 18 à 65 ans ayant eu une biopsie ou une exérèse de lésion mammaire parmi lesquelles 20.2% présentaient des fibroadénomes simples et 3.3% des fibroadénomes complexes. Comparé aux patientes sans fibroadénome (RR=1.51 ; 95%IC [1.40-1.63]), le risque de cancer du sein n’était pas augmenté chez les patientes ayant un fibroadénome simple (RR=1.49 ; 95%IC [1.26-1.74])  alors qu’il existait une augmentation significative chez les patientes présentant un fibroadénome complexe (RR=2.27 ; 95%IC [1.63-3.10]). Ce risque était d’autant plus élevé s’il existait plus de 3 lésions histologiques au sein du fibroadénome complexe. Les auteurs ont mis en évidence l’importance du caractère prolifératif avec ou sans atypie dans le parenchyme adjacent.

Proposition d’un algorythme de suivi et de prise en charge thérapeutique des fibroadénomes

Le fibroadénome est une pathologie bénigne sous-estimée.

Lorsqu’il est dépisté, en cas de fibroadénome non symptomatique survenant chez une femme jeune, sans antécédent familial de cancer du sein, avec une  bonne concordance clinico-radiologique et une évolution stable, la microbiopsie n’est pas obligatoire et une surveillance clinique régulière doit être proposée.

Dans tous les autres cas, la réalisation d’une microbiopsie est indiquée pour dépister d’éventuelles atypies ou un contingent phyllode associé nécessitant une prise en charge chirurgicale.


Figure n°1 : Proposition d’un algorythme de suivi et de prise en charge thérapeutique des fibroadénomes

Bibliographie

  1. Hughes, Mansel et Webster. Benign disorders and diseases of the breast, 3rd edition, 2009, WB Saunders.
  2. Goehring C, Morabia A. Epidemiology of breast diseases, with special attention to histologic types. Epidemiologic Reviews. Vol 19, n°2. 1997
  3. Santen RJ, Mansel R. Benign Breast Disorders. The New England Journal of Medicine. 2005. 353 :275-85.
  4. Dupont WD, Page DL, Parl FF et al. Long-term risk of breast cancer in women with fibroadenoma. The New England Journal of Medicine. 1994 ; 331 :10-5.
  5. Hartmann LC, Sellers TA, Frost MH et al. Benign breast disease and the risk of breast cancer. The New England Journal of Medicine. 2005 ; 353 :229-37.
  6. Complex fibroadenoma and breast cancer risk : a Mayo Clinic Benign Breast Disease Cohort Study. Breast Cancer Res Treat. 2015 ; 153 :397-405.

 
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