Contraception du post-partum : recommandations pour la pratique clinique

Les données présentées dans cet article sont issues du travail que nous avons mené au sein du groupe de travail du CNGOF réuni en 2015 dans le but d’établir des recommandations nationales sur la période du post-partum. Notre collaboration a porté sur l’analyse de la littérature concernant la contraception du post-partum dont voici les principaux éléments.

 

Introduction

Le post-partum représente une période très particulière avec des caractéristiques qui interfèrent dans la stratégie contraceptive. Contrairement aux idées reçues, la fertilité redémarre assez rapidement et la contraception doit être anticipée, même en cas d’allaitement comme celui le plus souvent pratiqué en France.

 

La contraception est-elle vraiment utile en post-partum ?

Oui, la mise en route de la contraception est extrêmement importante à cette période au regard du nombre des IVG survenant dans le post-partum soit près de 10 000 par an. Ce chiffre représente 6% de la totalité des IVG ; 2% des femmes ayant eu un enfant moins de 6 mois avant et 4% dans les 6 à 12 mois précédant cette IVG.

Oui, car la contraception permet d’espacer les grossesses, toujours selon le désir des couples,  ce qui a également un effet sur le risque de morbidité materno-fœtale qui est plus marqué pour des grossesses rapprochées (< 6 mois).

Oui, la contraception est vraiment nécessaire car la reprise des cycles ovulatoires, et donc de la fertilité, est rapide sauf en cas d’allaitement exclusif. En effet, seul l’allaitement selon les critères de la méthode MAMA exerce une action antigonadotrope sur 6 mois. Aucun autre type d’allaitement  ne peut être considéré comme contraceptif.

Oui, car même si la reprise de la sexualité est éminemment variable selon les couples, elle intervient pour certains rapidement après l’accouchement. L’absence de contraception peut, pour certaines femmes,  représenter un frein au retour  d’une sexualité harmonieuse.

 

Quand discuter de la contraception ?

Dès que possible et aussi souvent que possible…en effet, une jeune accouchée a beaucoup de préoccupations, parfois nouvelles, et avoir résolu celle de la contraception avant l’accouchement est toujours préférable. Envisager avec elle les divers choix possibles lors des consultations prénatales, quand cela est envisageable, lors de ces consultations parfois déjà chargées, est toujours une bonne option. Tous les programmes éducatifs, à l’aide de supports tels que brochures et autres documents, peuvent aider à l’information. Le choix sera confirmé à la sortie de la maternité.

Bien sûr, une réévaluation du choix initial est impérative lors de la consultation post-natale 6 à 8 semaines après l’accouchement.

 

Quand débuter la contraception ?

Idéalement, la contraception  doit être initiée avant la reprise du fonctionnement de l’axe gonadotrope. Le délai médian du retour à une ovulation est 39 jours après l’accouchement. Le retour des règles survient en moyenne entre 45 et 69 jours précédées dans 20 à 70% par une ovulation. Chez les femmes qui allaitent, la reprise d’activité ovarienne est souvent retardée mais très aléatoire imposant les mêmes délais de mise en route de la contraception qu’en l’absence d’allaitement (en dehors de la méthode MAMA).

Il est recommandé de débuter une contraception efficace au plus tard 21 jours après l’accouchement.

Cette recommandation impose une anticipation : discussion avec la patiente, choix de la meilleure option en fonction des possibilités qui lui sont présentées et prescription avant la sortie de la maternité.

La mise en route de la contraception à la maternité ou juste à la sortie peut être proposée dans certaines circonstances bien que peu évaluée dans la littérature

 

Quels risques spécifiques du post-partum imposent une vigilance particulière ?

Le risque thromboembolique veineux représente le risque majeur du post-partum.  L’incidence des accidents thromboemboliques veineux est multipliée par 4 à 10 comparativement à une population non enceinte. Cette augmentation significative du risque est maximal pendant les 3 premières semaines du post-partum, persiste de façon significative au moins jusqu’à 6 semaines. Une étude récente suggère même une persistance du risque jusqu’à 12 semaines avec un niveau de risque progressivement décroissant.

Le risque infectieux en post-partum est globalement faible avec un risque d’endométrite majoré après accouchement par césarienne par rapport à un accouchement par voie basse.

 

Peut-on utiliser les contraceptions estroprogestatives en post-partum?

Non, car toutes les contraceptions estroprogestatives augmentent significativement le risque thromboembolique veineux. Les contraceptions estroprogestatives les plus récentes (3ème ou nouvelle génération et les voies extradigestives) multiplient par 2 ce risque par rapport aux associations contenant un progestatif de 2ème génération.

Le risque de maladie thromboembolique étant déjà augmenté dans la période du post-partum, il est recommandé de ne pas utiliser une contraception combinée estroprogestative quelle que soit la voie d’administration, la molécule d’estrogène, la molécule de progestatif et leurs doses avant 6 semaines en post-partum.

 Passée cette période critique des 6 semaines et parfois jusqu’à 12 semaines, une évaluation individuelle précise de la balance bénéfice-risque est indispensable.

Par la suite, lorsqu’une contraception estroprogestative est choisie, elle doit faire l’objet des recommandations habituelles: respect des contre-indications, réévaluation des facteurs de risque veineux, préférence pour une association contenant un progestatif de 2ème génération ou du norgestimate  même si la femme utilisait antérieurement une autre association bien tolérée sans jamais avoir essayé les contraceptions de 2ème génération.

 

Peut-on utiliser les contraceptions progestatives en post-partum ?

 Oui, car les contraceptions progestatives non injectables (microprogestatifs, implant, dispositif intra-utérin au lévonorgestrel) n’augmentent pas le risque veineux. Seul un évènement thromboembolique récent peut faire différer son utilisation d’un délai dépendant de la date et de la localisation de cet évènement.

 

Peut-on utiliser la contraception intra-utérine en post-partum ?

Oui, la contraception intra-utérine est une bonne option après un accouchement en l’absence d’évènement infectieux.

L’idéal est de procéder à son insertion lors de la visite post-natale habituellement 6 à 8 semaines après l’accouchement. Il convient donc d’avoir anticipé cet acte en confiant une ordonnance à la femme lors de sa sortie de maternité.

Une pose du dispositif intra-utérin est également possible, dans certaines circonstances, en post-partum immédiat mais il existe alors un risque accru d’expulsion et de perforation.

L’allaitement ne représente pas une contre-indication à la contraception intra-utérine mais il constitue le principal facteur de risque de perforation.

 

Existe-t-il des particularités de la contraception en cas d’allaitement ?

Oui et non…

Non, car l’allaitement ne représente pas une méthode contraceptive en dehors de la MAMA avec aménorrhée sur les 6 premiers mois. 70% des enfants en France vont être allaités à la naissance mais la durée médiane de l’allaitement exclusif n’est que de 3 ½ semaines. Il est donc logique de prodiguer à toutes les femmes, y compris celles qui initient un allaitement, les mêmes conseils et prescriptions.

Oui, car la question du rôle des hormones contenus dans les contraceptions hormonales sur la qualité et la quantité de lait maternel se pose. D’anciennes études semblent montrer un impact plutôt négatif sur la poursuite de l’allaitement exclusif en cas d’utilisation de contraceptions estroprogestatives. A ce jour, en l’absence de nouvelles données, toutes les sociétés savantes internationales recommandent de ne pas utiliser de contraception estroprogestative avant 6 mois en cas d’allaitement. Les contraceptions progestatives (en dehors des contraceptions macroprogestatives) n’apparaissent pas modifier les paramètres de l’allaitement et peuvent donc être utilisées en post-partum immédiat.

Oui, car les hormones contenus dans les contraceptions hormonales passent dans le lait maternel et la question de leur impact sur la santé de l’enfant se pose. Peu d’études évaluent l’impact de ces hormones sur la santé de l’enfant et leurs données semblent tout à fait rassurantes. Ainsi, la grande majorité des recommandations internationales autorisent l’utilisation des progestatifs (microprogestatifs oraux, implant ou dispositif intra-utérin au lévonorgestrel) en cas d’allaitement.

 

Les contraceptions locales et naturelles sont-elles adaptées en post-partum ?

Non, car d’importantes modifications anatomiques et physiologiques liées à l’accouchement les rendent inadaptées à cette période. Seul le préservatif masculin peut être utilisé sans restriction permettant parfois de patienter avant l’instauration de la contraception choisie.

 

Faut-il privilégier les contraceptions de longue durée ?

Oui, les contraceptions dites de longue durée d’action (implant, dispositifs intra-utérins) sont très intéressantes en post-partum en raison de leur efficacité supérieure aux autres méthodes contraceptives. Cette efficacité reste, bien sûr, la même pour une utilisation courante et parfaite puisque indemnes de tout risque d’erreurs d’utilisation.

Des études ont bien montré leur supériorité comparativement aux autres méthodes notamment dans certaines populations à risque de grossesse rapprochée et ayant le moins facilement accès aux soins (notamment les adolescentes et les populations de bas niveau socio-économique).

Il est alors possible d’en proposer la mise en place avant la sortie de la maternité, en particulier chez les femmes qui peuvent être perdues de vue en post-partum.

 

Faut-il proposer systématiquement  une contraception d’urgence en post-partum ?

Non, il n’existe pas à l’heure actuelle d’argument scientifique pour recommander la délivrance systématique d’une contraception d’urgence à la sortie de la maternité. Bien sûr, cela peut se discuter avec chaque femme en fonction de ses souhaits et habitudes.

La contraception du post-partum mérite une réflexion au cas par cas avec la femme, ou le couple, afin de l’adapter au mieux à ses désirs tout en respectant les contraintes liées à cette période. Anticipation, respect des contre-indications et des souhaits de la femme sont les clés de la mise en route d’une contraception efficace, aux risques maitrisés.

 

Références complètes dans :

Raccah-Tebeka B, Plu-Bureau G. Post-partum contraception/ guidelines for clinical practice. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2015 Dec ;44(10) : 1127634. Doi : 10.1016/j.jgyn.2015.09.021 

 
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