Coelioscopie opératoire en gynécologie : quel avenir, et vers quel futur ?

On ne peut pas parler de cœlioscopie opératoire et de son avenir sans la situer dans le cadre de la chirurgie gynécologique et sans la distinguer de la chirurgie robotique.

- Tous les domaines de la chirurgie gynécologique ont progressé ces dernières années grâce aux avancées techniques acquises dans les blocs opératoires modernes. La principale est certainement la généralisation progressive des “blocs opératoires intégrés”, qui offrent un grand nombre d’avantages. Les avantages des nouveaux blocs sont l’ergonomie, la fonctionnalité, et l’amélioration de l’asepsie indispensables aujourd’hui à la sécurité des patientes, au confort de l’équipe soignante, et au rendement de chaque salle. Sans parler de la possibilité d’archivage des images prises en per-opératoire et des utilisations faciles pour l’enseignement des jeunescollégues et pour la formation continue. Toute la chirurgie profite aussi des nouvelles tables opératoires, des nouveaux scialytiques et des nouveaux outils d’électrochirurgie (informatisation, thermofusion, ultrasons)…Pour être valables, tous ces progrès doivent toujours répondre aux trois règles, que d’ailleurs nos Maîtres nous avaient apprises, qui sont d’améliorer la qualité de vie et de santé des femmes, de permettre la réalisation de techniques opératoires simples, rapides et peu risquées et enfin d’assurer un bon équilibre “qualité-prix”. La chirurgie gynécologique n’est qu’une, indivisible, réalisée par des chirurgiens gynécologues complets, connaissant bien les principales voies d’abord et toutes les techniques de traitement des pathologies pelviennes. Le chirurgien gynécologue est à l’image du chirurgien urologue ou colorectal. Il a la maîtrise des différents accès pelviens, afin de pouvoir choisir la voie d’abord la plus adaptée à la pathologie, voir de les associer (voie coelio-vaginale).

- Il est certain que la voie vaginale pourra être choisie en premier lieu lorsqu’elle est possible. Elle permet d’avoir accès à beaucoup de pathologies pelviennes, comme nous l’a montré Daniel Dargent. Sauf pour les cancers de l’ovaire et les fibromes dépassant l’ombilic. Elle peut être hautement performante lorsqu’elle s’associe à la coelioscopie opératoire. Citons plusieurs exemples, du plus simple au plus compliqué. L’association coelio-vaginale est très utile dans certaines endométrioses rectovaginales avec atteinte rectale comme l’a montré Arnaud Wattiez. Elle est souvent indispensable dans certains prolapsus atteignant les trois compartiments. Elle est facille pour extraire certaines pièces opératoires (utérus, myomes, ovaires). Elle est nécessaire pour réaliser une suture vaginale de qualité lorsque les conditions de suture par cœlioscopie ne sont pas adéquates (les désunions de cicatrice du fond vaginal se voient surtout après hystérectomie coelioscopique et suture coelioscopique, très rarement par voie vaginale ou par laparotomie).

- La chirurgie abdominale par laparotomie est toujours là, imperturbable, constante, nous sauvant maintes fois de difficultés et de complications sévères. Elle est toujours là pour les tumeurs malignes abdomino-pelviennes. Elle est aussi là pour récupérer des complications survenues après cœlioscopie opératoire: plaie vasculaire, péritonite digestive, urinôme par atteinte urétérale après échec de montée de sonde JJ, etc…. Je ne cacherai pas que je fais encore des minilaparotomies avec microchirurgie traditionnelle pour la reperméabilisation des trompes, car elle offre d’excellents résultats, surtout si l’on ne pratique pas la reperméabilisation tubaire coelioscopique plusieurs fois par mois…

- La cœlioscopie opératoire n’est pas non plus de toute première jeunesse. Rappelons-nous les premières biopsies ovariennes pour dystrophie, les stérilisations tubaires par électrocoagulation et les adhésiolyses péri-tubo-ovariennes régulièrement pratiquées par Raul Palmer vers les années 60, puis plus tard les salpingotomies, les salpingectomies, les salpingoplasties, les kystectomies élaborées par l’équipe de Clermont-Ferrand, nous-mêmes et d’autres collègues français vers la fin des années 70… Dès les premiers temps, nous avions tous vite compris les avantages de la cœlioscopie opératoire par rapport à la laparotomie, ou même la minilaparotomie : suites très simples et peu douloureuses, sortie rapide, arrêt de travail adapté et raccourci et cicatrices esthétiques… tout comme la chirurgie vaginale. D’ailleurs, très vite, les chirurgiens généralistes nous ont suivi avec la laparoscopie, de plus en plus expérimentés, grâce à des formations telles l’IRCAD, Davos... Progrès majeur, la vidéochirurgie a acquis un haut niveau de qualité avec l’apparition du système camera HD et maintenant de la 3 D. Les images opératoires obtenues sur grand écran sont excellentes. Certes, les instruments n’ont pas beaucoup progressé. La pince de Hubert Manhès est toujours le “gold standard”. En revanche, l’apparition des manipulateurs utérins (J. Hourcabie, A. Wattiez, M. Hohl) a simplifié la technique de l’hystérectomie totale par cœlioscopie, en évitant beaucoup de complications. De même, le morcélateur électrique a transformé la technique de myomectomie et d’hystérectomie subtotale. L’électrochirurgie est plus sécurisée, la thermofusion et les ultrasons sont apparus, mais leur précision et leur efficacité peuvent devenir redoutables lorsqu’on est proche d’organes sensibles tels l’intestin ou l’uretère.  Attention aux brûlures “modernes” qui ne se révèlent plusieurs jours après la sortie. La coeliochirurgie progresse donc pas à  pas, évolution tranquille, sans rien de spectaculaire. Les progrès vont de pair avec les progrès de l’imagerie : échographie 3 D, scanner, et surtout IRM. Grâce à l’imagerie, la sélection des indications de la cœlioscopie a permis de diminuer, en partie, les complications et aussi la laparoconversion qui devrait être exceptionnelle.

- La cœlioscopie opératoire des années 2015-2020 va hériter de plus de trente années d’expérience. On connait parfaitement ses indications. La cure de prolapsus et le traitement de l’endométriose profonde par cœlioscopie, l’hystérectomie totale radicale type Wertheim sont de pratique courante en cœlioscopie. On sait choisir aujourd’hui de façon sereine la voie d’abord pour une hystérectomie, sans conflit d’école ni d’intérêt. La cœlioscopie opératoire a un avenir majeur. Le coût en salle d’opération est à peu de choses près le même que la laparotomie. La cœlioscopie opératoire permet une chirurgie ambulatoire avec peu de risque. Une hystérectomie coelioscopique bien contrôlée en per-opératoire (absence d’hémorragie, contrôle des uretères et de l’intestin) peut rentrer à domicile à 24 heures (ou moins…). Cette acceptation de racccourcir la durée d’hospitalisation même pour un prolapsus ou une endométriose sévère va intervenir dans la politique économique de la santé… Aujourd’hui, on essaie d’être loin de l’hospitalisation d’une semaine pour laparotomie et  hystérectomie!

- Mais l’effort pour développer et généraliser la cœlioscopie opératoire de demain est un challenge pour la nouvelle génération. La formation continue du chirurgien d’aujourd’hui et de demain est impérative. Les workshops et les formations (IRCAD, CICE, Collège) sont indispensables. Le recours aux sites internet (GEC, gyneco-online,etc…) facilite beaucoup la formation.

Le gynécologue-obstétricien ne peut plus faire tout dans la spécialité comme avant et être aussi bon en échographie prénatale, en grossesse à hauts risques, en salle de naissance et en chirurgie. Il doit choisir…

 - La cœlioscopie assistée par le robot sera-t-elle la cœlioscopie du futur? En toute logique certainement. En réalité, ce n’est pas encore pour demain. Certes, un certain nombre d’hôpitaux et de cliniques sont équipés. Entre mille et deux milles robots ont été vendus dans le monde, destinés aux principales spécialités chirurgicales dont la gynécologie. Quatorze robots fonctionnent en Suisse, dont six à Genève. Plusieurs centaines de milliers d’interventions assistées de robot ont été faites dans le monde depuis 2007. Toutes les publications qui les concernent insistent sur l’ergonomie avec en particulier une diminution de la fatigue pour le chirurgien qui est assis. Elles insistent aussi sur la précision du geste chirurgical liée à la disparition du tremblement de la main du chirurgien amorti par le robot, à la qualité de la vision 3 D et aux nouveaux instruments utilisés qui ont une possibilité de rotation supérieure à celle de la main (70 degrés versus 30). Tout cela constitue un avantage majeur sur la coeliochirurgie standard. Mais beaucoup de coeliochirurgiens qui l’ont essayé ont réfléchi et sont revenus à la cœlioscopie opératoire standard… Pourquoi? La plupart du temps ils n’ont rien contre le robot lui-même qui facilite le geste chirurgical. Les critiques s’orientent plutôt vers la perte de temps avec la préparation et le champtage de la colonne et des bras du robot. Aussi vers le fait que le toucher par les instruments assistés est inexistant, ce qui pose un problème en cas de chirurgie du prolapsus, de l’endométriose profonde ou du cancer pelvien. Enfin, la survenue d’une complication majeure per-opératoire, telle une hémorragie artérielle n’est pas facile à gérer derrière le pupitre. Faudra-t-il réserver le robot à la chirurgie gynécologique majeure? Il n’y a pas encore de réponse. Enfin il reste à aborder le versant économique qui sera décisionnel. A ce jour, le coût du robot est d’environ 2 millions d’Euros avec une maintenance de 160’000 Euros par an. Une hystérectomie assistée du robot coûte 6'500 US$ de plus qu’une hystérectomie coelioscopique standard. Qui voudra payer? La Clinique pour le prestige? Les assurances? Le chirurgien, déjà ennuyé par les forfaits maladie? Ou la patiente…

 
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