Les RPC sur l'infécondité du couple : une urgente nécessité

Président du Comité d'Organisation des RPC "Infécondité du Couple"

Cela faisait plus de vingt ans depuis la conférence de consensus sur la prise en charge de la stérilité conjugale présidée par MA Bruhat. Vingt ans ? Une broutille a l'échelle du temps, mais une éternité depuis le big-bang de l'avenement des techniques d'Assistance Médicale a la Procréation. Ces dernieres ont tout changé : le pronostic bien sur, mais aussi les indications, la maniere de prendre en charge, les exigences tant de la part des patients (exigences de résultat), que des pouvoirs publics (exigences de compétences démontrées). En meme temps que les techniques d'AMP se sont répandues, on a assisté au phénomene de spécialisation avec l'apparition des FIVISTES. L'émergence de cette nouvelle catégorie de praticiens résulte du phénomene naturel de la professionnalisation et des besoins d'organisation des équipes.

Mais qu'en est-il du gynécologue "de base", celui que spontanément la patiente va interroger ? Il la connait depuis longtemps parce qu'il l'a suivie pour les besoins de dépistage, de prévention, de contraception. Maintenant elle désire une grossesse. Le gynécologue n'est-il plus compétent et doit-il adresser la jeune femme a un centre spécialisé ? Il ne sait plus. Il voit certaines pratiques et se demande si elles ne sont pas désormais la norme. Il ressent la pression qui vient de la patiente (ne pas risquer de paraitre insuffisamment actif), mais aussi de ses collegues spécialisés (adressez-nous les patientes suffisamment tôt !). Or, la prise en charge de l'infécondité conjugale fait partie de son champ théorique de compétences : la Médecine de la Reproduction n'est-elle pas un des modules du programme d'enseignement de la Gynécologie-Obstétrique et de la Gynécologie Médicale ?

Certes, des écrits, il y en a eu en surabondance. Il y a meme eu des lois, des références opposables, des guides de bonne pratique qui servent de bible aux contrôleurs d'accréditations. Les sociétés savantes n'ont pas été de reste, chaque sous-groupe professionnel y allant de son point de vue, certes tres autorisé, mais dont l'étroitesse est en rapport avec l'hyperspécialisation qui prévaut désormais dans le domaine. La difficulté est de faire la part entre ce qui est sur et validé par rapport a ce qui est encore du domaine des discussions et de la recherche. Le risque est de transposer sans distinction une donnée issue de l'expérience de l'Assistance Médicale a la Procréation a la pratique quotidienne, sans avoir toutes les cartes en main pour interpréter les choses a leur juste niveau. La notion de "réserve ovarienne" est particulierement éloquente de ce point de vue. Combien de patientes ont entendu un verdict couperet asséné sur un dosage de FSH (ou meme d'AMH), alors que le diagnostic de cause de l'infécondité n'a pas été établi (et parfois meme pas recherché), le praticien confondant trop vite "réserve ovarienne" et "fécondabilité", alors que le concept ne s'applique qu'au pronostic de l'Assistance Médicale a la Procréation dans la mesure ou celle-ci nécessiterait une stimulation de l'ovulation ?

Il était donc nécessaire, et meme urgent, de faire le point, de rappeler les vérités encore intangibles, et d'introduire quelques données nouvelles dans la mesure ou elles sont aujourd'hui validées. C'est la démarche des "Recommandations pour la Pratique Clinique" : sous la responsabilité de notre College professionnel (CNGOF = College National des Gynécologues-Obstétriciens Français), explorer la littérature selon une méthodologie bien précise, de façon a faire émerger les notions qui méritent d'etre mises en avant parce qu'elle doivent toujours ou désormais faire partie de notre pratique. C'est une "evidence-based medicine", une pratique médicale basée sur les preuves, mais revue et corrigée a la française : si la Médecine doit etre de plus en plus scientifique, elle ne doit pas pour autant oublier sa vocation humaine. L'art médical résulte de la façon dont la science est utilisée pour mieux soigner. L'art sans science ne serait pas de la Médecine, mais la science sans l'art deviendrait inhumaine.

La rédaction des Recommandations pour la Pratique Clinique : prise en charge de l'infécondité du couple a été organisée de la façon suivante :

  • mise en place par le CNGOF d'un comité d'organisation (président : B. Hédon, secrétaire : JP. Ayel, méthodologiste : A. Fauconnier, et 6 autres membres représentant diverses compétences et modes d'exercices). Ce comité d'organisation a défini 9 themes qui lui ont semblé les plus importants a aborder en raison des nouveautés publiées dans la littérature et de leur importance clinique. Le comité a délibérément choisi d'orienter les Recommandations vers la prise en charge de premiere intention, et non sur une prise en charge spécialisée en Centre d'AMP, domaine déja largement couvert par les diverses sociétés savantes tres spécialisées.
  • appel a des experts qui se sont vu confier chacun un des themes avec pour mission d'explorer la littérature en recherchant plus particulierement les essais cliniques bien conduits dont les résultats peuvent etre validés. Chaque expert a rédigé ensuite un texte qui fait le point de la question, destiné a servir de base a l'écriture des Recommandations.
  • appel a des relecteurs qui ont souvent apporté des critiques tres constructives aux textes des experts.
  • puis écriture des Recommandations par le Comité d'Organisation, initialement theme par theme, puis de façon plus synthétique en se replaçant dans la logique de la pratique : pour la prise en charge de l'Infécondité du Couple, de la meme maniere que pour n'importe quel autre sujet médical, le diagnostic précede toujours le traitement; il faut réfléchir a e qui doit etre dit aux patients et a la façon de le leur dire; il faut aussi pouvoir aborder des questions aussi controversées que les criteres de prise en charge, en se basant sur des données les plus objectives possibles, ainsi que les perspectives offertes dans certains cas par les techniques de préservation de la fertilité, sans pour autant en ignorer les limites actuelles.

Les Recommandations n'ont pas la prétention de couvrir tous les sujets qu'il eut été possible d'aborder. Elles ne sont pas un traité sur la prise en charge de l'Infécondité du Couple. Elles ne sont pas non plus un cours, meme si l'enseignant, ou l'étudiant, pourra y trouver bon nombre d'éléments qui seront autant de valeurs ajoutées a son enseignement. Elles n'ont pas non plus la prétention d'etre éternelles. Elles sont valables pour aujourd'hui. Pour les vingt ans a venir ? Non, sans doute, ce ne serait pas un signe de grande vitalité de notre discipline. Mais si ces Recommandations d'aujourd'hui parviennent a redonner confiance au praticien dont la pratique était désorientée dans le maquis des nouveautés, si elles permettent d'harmoniser les pratiques en leur conférant plus d'efficience, si elles rassurent les patients en leur permettant de garder confiance et espérance, elles auront atteint leur but.

Recommandations pour la pratique clinique
Prise en charge du couple infertile

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.