Le diagnostic préimplantatoire pour aneuploïdie en FIV/ICSI (DPI-A) (enfin) démystifié

 

Introduction
La fécondation in vitro a généré un grand nombre de concepts et de pratiques, qui ont alors fait l’objet de modes, mais qui, le plus souvent, étaient très peu, voire pas du tout étayés. Certains se sont révélés simplement inutiles.
[Dale et al.2015]. Parmi les pratiques inutiles nous pouvons citer certains critères de qualité basés sur les « profils métaboliques » embryonnaires. Les dosages du PAF et des HLA-G comme marqueurs de qualité embryonnaire basés sur de grossières mesures de la quantité de matières d’un embryon pré-implantatoire. L’éclosion assistée n’a pas survécu à la réalité des chiffres, tout comme l’IMSI (MSOME). On peut également se poser des questions sur le « time lapse » pour lequel les évaluations de la toxicité de la lumière n’ont pas été faites (Schultz 2007), mais qui est en voie de délaissement.
Ces processus/techniques employés ont cependant disparu, un peu moins rapidement qu’ils étaient apparus.
D’autres concepts se sont révélés nettement plus problématiques : la notion de « toxicité des aminoacides essentiels » de l’embryon humain développées par Gardner et al (1993) a amené à la commercialisation de milieux de culture, sans méthionine ni cystéine, ne permettant pas l’établissement d’une épigénèse normale [Market Velker et al., 2010, Menezo et al. 2010] , et en plus favorisant le stress oxydant.  La littérature scientifique rapporte de plus en plus d’observations liant les FIV/ICSI à des problèmes d’empreinte et d’épigénèse. [Choux et al. 2018, Hattori et al. 2019]

LeDPI-A . 

En première approche, l’idée du DPI-A est basé sur l’hypothèse suivante : les études sur les produits de fausses couches révélant des taux d’aneuploïdie très élevés, une sélection des embryons euploïdes aux stades précoces réduirait le taux d’échecs d’implantation et de fausses couches. Cette hypothèse se heurte au fait qu’un taux de mosaïcisme très élevé se retrouve dans un grand nombre d’embryons préimplantatoires, limitant l’intérêt de cette technique et la signification des résultats obtenus.
De fait, résultant de l’observation précédente, le prélèvement cellulaire au stade 8 cellules, pourra porter sur des cellules euploïdes ou aneuploïdes.
Les cellules à « contenu chromosomique » anormal » qui se retrouvent dans le trophoblaste puis le placenta ne poseront pas, dans la majorité des cas, de problème ultérieurement pendant la grossesse. L’embryon euploïde dans cette situation se développera normalement, l’aneuploïdie peut sans doute être considéré comme une « anecdote ». Ceci remet également en cause la signification des biopsies sur blastocyste puisque le prélèvement se fait au niveau du trophoblaste et non pas du bouton embryonnaire. Les cellules du trophoblaste pouvant être euploïdes et celles du bouton embryonnaire aneuploïdes. Il est également nécessaire de prendre en compte les processus de réparations chromosomiques permettant d’éliminer l’aneuploïdie des cellules.
Par ailleurs dans une étude pour laquelle l’éthique est vraiment problématique, les blastocystes récupérés par « lavage utérin », après conception et début de développement in vivo, montrent des taux d’euploïdie et de mosaicisme tout à fait similaires (Munne et al. 2020). Seules les morphologies semblant un peu meilleures pour les blastocystes obtenus in vivo. Ce retour au critères morphologiques n’est pas vraiment un progrès et ne nécessite pas de passer pas l’étape DPI-A.

Enfin se pose le problème de la nocivité ou de l’innocuité du prélèvement par lui-même. C’est une limite très rarement posée. A priori, la qualité de la biopsie sera « opérateur dépendante » quant au traumatisme, mais le prélèvement d’une ou deux cellules au stade 8 n’apparait pas indemne de conséquence. Cette observation est en ligne avec les résultats décevants du DPI-A (Gleicher et al. 2017a et b).

Les premiers doutes quant à la validité de la technique datent de son apparition fin 1998 au tout début des années 2000. Les démonstrations scientifiques incontournables sont apparues en 2016, quand il a été clairement démontré chez la souris que l’aneuploïdie/mosaïque, présente aux stades préimplantatoires, ne pose pas de problème pour le développement ultérieur à terme (Bolton et al. 2016). Il a été ensuite postulé, par les défenseurs du DPI-A qu’il pourrait être utile pour les femmes de plus de 35 ans, compte tenu du fait que les risques d’aneuploïdie sont naturellement plus élevés. Ces « supputations » ont été démenties (Patrizio et al. 2019, Gleicher et al. 2020). Les conclusions sont simples : un grand nombre d’embryons viables ont été non transférés donc perdus, du fait de cette technique, pour le moins inappropriée. Les mécanismes d’auto-correction chromosomique ont été clairement explicités (Yang et al. 2021). Le transfert d’embryons mosaïques au stades précoces permet d’obtenir des enfants parfaitement sains avec des taux similaires à ceux obtenus post DPI-A.

Conclusions:
La procréation médicalement assistée est une spécialité récente. Malgré des progrès assez évidents, les résultats demeurent parfois assez décevants (Patrizio and Sakkas 2009) Certains problèmes ne peuvent être résolus que par le don de gamètes même chez des patients assez jeunes. Certains concepts, des matériels « quasi magiques », qui devaient améliorer sensiblement les résultats, sont apparus. Ils étaient basés sur des idées parfois simplistes, voir erronées, qui, pour certaines « courent » encore, avec potentiellement des conséquences négatives, comme par exemple le concept de la toxicité des aminoacides essentiels, source de problèmes d’empreinte (Hattori et al. 2019). La certification des milieux de culture a totalement négligé les problèmes d’épigenèse (Market Velker et al. 2010). D’autres concept comme le DPI-A a plus que probablement réduit drastiquement les chances de succès chez certaines patientes, faute d’une étude circonstanciée sur les modèles animaux et un passage beaucoup trop rapide sur l’humain.   Le DPI-A n’est pas un outil de sélection fiable des embryons. Il est évident qu’il ne doit pas être proposé aux patients en routine quel que soit leur âge.
Le DPI-A doit rester un outil de recherche, notamment afin de mieux cerner les mécanismes de correction/régulation des problèmes d’aneuploïdie et de mosaïsisme, sur la base de plans expérimentaux et de réflexions aboutis.

Références
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Choux C, Binquet C, Carmignac V et al. The epigenetic control of transposable elements and imprinted genes in newborns is affected by the mode of conception: ART versus spontaneous conception without underlying infertility. Hum Reprod. 2018; 33:331-340

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Gleicher N, Orvieto R.J Is the hypothesis of preimplantation genetic screening (PGS) still supportable? A review Ovarian Res. 2017a; 10:21.

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Hattori, H.; Hiura, H.; Kitamura, A et al. Association of four imprinting disorders and ART. Clin. Epigenet. 2019, 11, 21.

Market-Velker BA, Fernandes AD, Mann MR. Side-by-side comparison of five commercial media systems in a mouse model: suboptimal in vitro culture interferes with imprint maintenance. Biol Reprod. 2010; 83:938-50

Menezo Y, Clément P, Dale B DNA Methylation Patterns in the Early Human Embryo and the Epigenetic/Imprinting Problems: A Plea for a More Careful Approach to Human Assisted Reproductive Technology (ART)..Int J Mol Sci. 2019 ;20:1342

Ménézo Y, Elder K Epigenetic remodeling of chromatin in human ART: addressing deficiencies in culture media. .J Assist Reprod Genet. 2020 37:1781-1788.
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