Infertilité masculine : quand faire appel à un spécialiste andrologue ?

Reasons that should prompt a referral to a reproductive urologist : guidelines for the gynecologist and reproductive endocrinologist 

Nicholas J. FARBER, Vinayak K.MADHUSOODANAN, Sabrina A. GERKOWIZ, Premal PATEL, Ranjith RAMASAMY (Department of Urology, Cleveland Clinic Foundation, The Glickam Urological & Kidney Institute, CLEVELAND OH – USA ; Department of Urology, University of Miami, MIAMI FL – USA ; IVFMD, MIAMI Fl – USA)

Nicholas J. FARBER et coll. évoquent les raisons qui doivent amener, dans le cadre d’une infertilité, à faire appel à des uro-andrologues, spécialistes en médecine et chirurgie de la reproduction.

On estime à 12 à 15 % le pourcentage de couples présentant un problème d’infertilité et parmi ces couples, un facteur masculin contribue à un problème d’infertilité dans environ
30 % des cas.

Des études récentes ont montré que l’infertilité masculine représente près de 37 % des causes amenant à un protocole de fécondation in vitro (FIV).

Aux USA – ce qui n’est pas toujours le cas en France ou en Europe – les couples qui ont un problème de fertilité consultent, dans un premier temps, des endocrinologistes spécialisés dans la médecine de la reproduction : ces derniers initient les premiers examens permettant l’évaluation de la fertilité féminine et masculine.

Il n’y a pas de recommandations claires ou de données de la littérature qui doivent guider le médecin ou les couples vers une consultation d’un spécialiste uro-andrologue en médecine de la reproduction.

Les auteurs rappellent les cas cliniques ou les anomalies biologiques pour lesquels ce type d’avis serait indiqué et profitable.

LES ANOMALIES DU SPERMOGRAMME

La première question que l’on peut se poser est : « Quels sont les critères d’un spermogramme normal en termes de fécondité ? ».

Ces critères ont été récemment modifiés. Un exemple : auparavant, l’oligospermie était définie par une concentration de spermatozoïdes de moins de 20 x 106 spermatozoïdes/ml ; elle est actuellement redéfinie comme une concentration de spermatozoïdes < 15 x
106 spermatozoïdes/ml.

Il faut bien sûr tenir compte, notamment dans les cas de résultats « borderline » qui définissent des hypofertilités masculines, de la grande variabilité du spermogramme au cours des mois, ce qui nécessite obligatoirement, dans le cadre d’un bilan, de tenir compte des résultats de deux spermogrammes réalisés à 3 mois d’intervalle.

  1. L’azoospermie

L’azoospermie représente la situation pour laquelle l’avis d’un spécialiste en fertilité masculine est obligatoire.

Les andrologues distingueront, à la suite d’examens cliniques, biologiques voire génétiques, la cause de l’azoospermie : soit une azoospermie obstructive justifiant une indication chirurgicale éventuelle de reperméation, soit une azoospermie non-obstructive (NOA) justifiant dans certains cas l’indication d’une biopsie testiculaire (TESE) permettant, dans les meilleurs cas, un recueil après dissection chirurgicale et une congélation de spermatozoïdes.

Les anomalies du caryotype masculin sont rencontrées dans 14 à 20 % des cas chez les hommes présentant une NOA. Cette situation nécessite une évaluation génétique complète.

La cause d’origine génétique la plus fréquente dans ce cas de figure est le syndrome de KLINEFELTER (caryotype 47XXY).

Les azoospermies obstructives peuvent se voir également du fait de l’absence congénitale de canaux déférents, les patients pouvant être porteurs dans ce cas du gêne CFTR, ce qui nécessite également un bilan génétique chez la conjointe.

Les autres azoospermies obstructives, souvent d’origine infectieuse, peuvent être traitées par reperméation ou microchirurgie. Dans d’autres cas, lorsqu’une FIV est envisagée, un recueil de spermatozoïdes au niveau de l’épididyme ou des testicules est possible : les paillettes de spermatozoïdes seront utilisées dans un second temps pour un traitement de FIV avec ICSI.

  1. L’oligospermie

Il est nécessaire de distinguer deux cadres biologiques :

- les oligospermies qualifiées de « modérées », lorsque le spermogramme retrouve une numération entre 5 à 10 millions de spermatozoïdes/ml. Même dans ces cas, il est utile de prendre l’avis d’un urologue, qui pratiquera un examen clinique à la recherche d’une varicocèle pouvant être confirmée par une échographie testiculaire.

L’insémination intra-utérine avec sperme de conjoint est la première option thérapeutique dans ce type d’infertilité.

- les oligospermies qualifiées de « sévères » (numération inférieure à 5 millions de spermatozoïdes/ml) justifient l’avis d’un spécialiste, une évaluation génétique car des anomalies du caryotype sont retrouvées dans 3 à 5 % des cas.

Ces oligospermies sévères s’accompagnent souvent d’une élévation de la FSH, de testicules de petit volume : en cas de varicocèle retrouvée, la cure de varicocèle par embolisation est justifiée et permet, dans plus de 50 % des cas, d’améliorer la numération des spermatozoïdes.

Dans les autres cas, l’indication d’une FIV avec micro-injection ovocytaire est justifiée.

  1. La tératospermie

Elle correspond à une augmentation du pourcentage d’anomalies morphologiques du spermatozoïde.

Avoir un pourcentage élevé de formes atypiques de spermatozoïdes (lorsque ce critère est isolé) est le résultat qui inquiète le plus les couples, qui traduisent facilement « forme atypique » en risques d’infertilité, d’anomalie embryonnaires ou de fausses couches.

Comme l’oligospermie, les critères de tératospermie ont été récemment revus à la baisse. Les auteurs, pour simplifier leurs recommandations, posent comme critère de tératospermie un pourcentage de l’ordre de 4 % de formes atypique sur un spermocytogramme.

Les études les plus récentes (KOHN et all., PATEL et all.) ont étudié le retentissement de la tératospermie sur les chances de grossesse spontanée et les résultats des inséminations avec sperme de conjoint.

Selon les travaux de PATEL et coll., les résultats confirment ces données précédentes, lorsqu’il existe une tératospermie de 96 % de spermatozoïdes, il n’y a pas d’effets significatifs sur le taux de grossesse (12,3% en cas de tératospermie importante / 13,6 % en cas d’hypofertilité modérée ou de taux de grossesses menées à terme chez 501 couples traités par 984 cycles d’insémination intra-utérine avec sperme de conjoint).

Les auteurs notent également que même dans les cas de tératospermie majeure, les couples présentent 30 % de chance de conception naturelle. Ces cas-là ne nécessitent donc pas, lorsque la tératospermie est isolée, d’avoir recours à la fécondation in vitro.

L’anomalie majeure pouvant requérir l’avis d’un urologiste spécialisé ou d’un conseil génétique est représentée par la globozoospermie posant l’indication, quand elle est techniquement possible d’une fécondation in vitro avec ICSI (JENSEN et coll. 2018 ; Scand. J. Urol.).

FAUSSES COUCHES RÉPÉTÉES SANS CAUSE RECONNUE

Faut-il recourir à un examen de spermogramme dans le cadre de fausses couches répétées idiopathiques, ce qui affecte 2 à 5% des couples ?

De nombreux travaux suggèrent que l’intégralité du DNA spermatique peut être considérée comme un facteur masculin dans les fausses couches répétées.

On sait que l’ovocyte est capable de « réparer » une fragmentation de DNA spermatique élevée, mais une augmentation importante de cette fragmentation peut être irrréparable et incompatible avec un développement embryonnaire, notamment lorsque les femmes ont un âge plus avancé.

La recherche de la fragmentation du DNA spermatique ou d’une augmentation de la décondensation de la chromatine, est justifiée dans les cas de fausses couches répétées et l’avis d’un urologue spécialisé est important.

Dans ce cadre, la recherche de facteurs oxydants (consommation en tabac, recherche de varicocèle…) permettra un traitement anti-oxydant dont l’efficacité est reconnue sur la survenue de grossesses spontanées et l’amélioration de ce paramètre biologique (SMITS et coll. Antioxidant for male subfertility. Cochrane Database Syst Rev.2019 -3-CD007411).

L’aneuploïdie de spermatozoïdes ou des anomalies structurelles des chromosomes sont un facteur additionnel à rechercher dans les fausses couches répétées. Les auteurs proposent la recherche d’aneuploïdie par test de FISH, ce qui peut impliquer un conseil génétique, et dans certains cas, lorsque l’aneuploïdie est importante, on peut discuter de l’indication d’une fécondation in vitro avec diagnostic pré-implantatoire d’embryon après FIV.

LA VARICOCELE

La varicocèle correspond à une dilatation veineuse au niveau des cordons spermatiques et peut affecter la fonction testiculaire par un effet d’augmentation de « température locale ».

Elle est présente chez environ 40 % des hommes présentant une infertilité.

L’avis d’un urologue spécialisé est important : il permettra, après un examen d’échographie de diagnostiquer et de poser l’indication d’une cure de varicocèle, notamment en cas de varicocèle de grade III, lorsqu’elle est associée à des anomalies des paramètres spermatiques.

Les effets bénéfiques de la cure de varicocèle ont été largement étudiés et sont nombreux :

- l’étude de KIRBY et all. a réalisé une méta-analyse sur 1241 patients présentant une azoospermie ou une oligospermie sévère : après cure de varicocèle, l’étude a montré une augmentation significative d’amélioration du spermogramme et après insémination avec sperme de conjoint ou FIV, une augmentation notable des taux de grossesse menées à terme.

- l’étude d’ESTEVES a montré que chez 43 % des hommes présentant une azoospermie, la cure de varicocèle entraînait le retour à une spermatogénèse (moyenne de numération de spermatozoïdes : 1,821806), ce qui permet la pratique d’une FIV.

Dans ce cadre là, l’intérêt d’une consultation et de l’avis d’un urologue spécialiste en médecine de la reproduction est très important, puisqu’il permet de modifier les indications de l’assistance médicale à la procréation, notamment d’éviter le passage trop rapide à un protocole de fécondation in vitro.

ASSOCIATION DE L’INFERTILITÉ MASCULINE AVEC DES FACTEURS DE COMORBIDITÉ

Les auteurs rappellent que l’infertilité masculine peut être souvent associée à des facteurs de comorbidité, notamment l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie, des maladies auto-immunes et bien sûr l’hygiène diététique, notamment la consommation en tabac.

Prendre en considération ces facteurs et éventuellement les traiter, permet d’améliorer, dans un pourcentage significatif de cas, les problèmes éventuels d’infertilité masculine.

EN CONCLUSION

Selon les auteurs, l’assistance médicale à la procréation dans les problèmes de fertilité du couple demande une collaboration pluridisciplinaire entre médecins et biologistes spécialisés dans la reproduction et l’uro-andrologue, a toute sa place dans une décision pluri-disciplinaire au bénéfice de la recherche de la meilleure indication et de la prise en charge du couple.

 
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