La communication du Docteur Benjamin MERLOT, faite à l’occasion des XXème Journées d’Assistance Médicale à la Procréation (Hôpital Américain de PARIS, NEUILLY, novembre 2019), a porté sur les indications actuelles de la chirurgie dans les endométriomes ovariens.
1/ Sur le plan physiopathologique
Selon la théorie de HUGHESDON et BROOSENS, la constitution d’un kyste endométriosique se fait :
- soit à partir d’implant d’endomètre dans la fossette ovarienne,
- soit à partir d’une inversion et invagination du cortex ovarien.
2/ Quel est le retentissement de l’endométriose ovarienne sur la fertilité ?
Outre les syndromes algiques liés à l’endométriose, les principaux effets délétères en cas d’endométriose ovarienne portent :
1. Sur la folliculogénèse :
- le nombre de follicules ovariens antraux peut être réduit du fait de la présence du kyste, d’où une diminution au niveau ovarien du compte de follicules antraux (cfa) et de l’hormone anti-müllerienne (AMH, reflet quantitatif du nombre de follicules antraux présents à chaque cycle),
- des phénomènes inflammatoire locaux ovariens et péri-tubo-ovariens peuvent également être source d’infertilité par le biais d’adhérences pelviennes.
2. L’endométriose altère-t-elle la fonction ovulatoire ? :
Probablement sur une ovulation spontanée, mais la qualité ovocytaire ne semble pas être altérée.
3. Les conséquences principales sont donc liées au fait que la densité des follicules primordiaux dans le cortex adjacent aux kystes endométriosiques est significativement réduite par rapport au cortex des ovaires controlatéraux normaux, comparativement à ceux présentant des kystes non endométriosiques.
Une perte focale de la densité folliculaire liée à l’endométriome peut donc causer une dysrégulation de la folliculogénèse avec une augmentation du recrutement et de l’atrésie folliculaire, résultant en une baisse globale de la réserve ovarienne.
3/ L’endométriose réduit-elle les résultats de la fécondation in vitro ?
- En termes de réponse ovarienne à l’induction d’ovulation, la plupart des études retrouve une diminution du nombre de follicules stimulés d’où une diminution du recueil ovocytaire.
Mais dans la plupart des études, les auteurs ne retrouvent pas de retentissement en termes de qualité ovocytaire, de qualité embryonnaire ou de taux d’implantation embryonnaire.
- Dans la communication réalisée par le Professeur D. de ZIEGLER (XXème Journées d’AMP, Hôpital Américain de Paris) : le Professeur de ZIEGLER, rappelant une étude réalisée par JUNEAU et coll. (Fertil. Steril. 2017), a montré que les taux d’aneuploïdie ovocytaire et/ou embryonnaire sont identiques en cas d’endométriose et chez les femmes contrôle du même âge.
4/ Place de la chirurgie dans l’endométriose ovarienne
1. L’acte chirurgical doit être discuté en tenant compte de plusieurs paramètres :
- caractère uni ou bilatéral de la lésion,
- taille du kyste ovarien,
- âge de la patiente,
- résultat du bilan spermatique qui, en cas d’atteinte sévère, conduira de façon préférentielle à la fécondation in vitro,
- enfin, la présence de phénomènes algiques doit être impérativement prise en compte dans la décision chirurgicale.
2. Quel type de chirurgie et quels retentissements à court et moyen termes ?
- la prise en charge chirurgicale doit être le plus souvent réalisée par kystectomie ovarienne par voie coelioscopique,
- plusieurs types de techniques ont été développés pour limiter l’impact du traitement chirurgical du kyste sur le cortex ovarien : l’hémostase du tissu ovarien, quand elle est nécessaire, doit se faire a minima ; il faut limiter la coagulation bipolaire afin de limiter l’atteinte du cortex ovarien,
- la vaporisation de l’endométriome par énergie plasma : l’énergie plasma permet une vaporisation sélective et peu profonde des tissus, ce qui permettrait de mieux préserver le tissu ovarien sain, situé au regard du kyste endométriosique.
Cette technique serait moins délétère pour l’ovaire et peut donc avoir un intérêt chez les patientes à haut risque de diminution de la réserve ovarienne ou en présence de kystes ovariens bilatéraux,
- la sclérothérapie à l’éthanol est une technique intéressante, elle montre un taux de récidive inférieur à celui de la ponction simple, et qui reste inférieur à 15 %.
- Elle est utilisée principalement dans le traitement des kystes endométriosiques récidivants, de taille inférieure à 7 cm ou avant une prise en charge en fécondation in vitro. Il n’existe néanmoins pas d’essais randomisés dans la littérature permettant de la comparer à la kystectomie.
Dans sa communication, le Docteur MERLOT, dans son expérience, décrit une prise en charge associant, lorsque l’indication opératoire est posée, un drainage avec sclérothérapie par alcoolisation, un traitement médical oestroprogestatif ou progestatif, puis une chirurgie complète à 3 mois.
3. Quel est le retentissement de la chirurgie sur la fertilité ultérieure ?
- Le traitement par chirurgie de l’endométriose pelvienne et ovarienne augmente indéniablement les chances de conception naturelle.
- Cependant, la chirurgie de l’endométriose fait courir le risque d’altérer la réserve ovarienne en hypothéquant les chances de succès d’une AMP ultérieure.
- Par ailleurs, il existe, en dehors des complications éventuelles inhérentes à tout acte chirurgical, un risque de récidive d’endométriose ovarienne non négligeable.
Conclusion
Prise en charge d’un kyste ovarien ou fécondation in vitro ? Les indications dépendent largement de paramètres tels que la douleur pelvienne éventuellement engendrée par le kyste, d’une dissémination des lésions endométriosiques plurifocales ; en effet, il est rare que l’endométriose ovarienne soit limitée.
- Il est impératif de réaliser un bilan d’extension complet, notamment par l’échographie pelvienne qui étudiera le compte de follicules antraux, et l’IRM pelvienne qui permettra un bilan complet de localisation des lésions endométriosiques.
- L’âge de la patiente et le bilan spermatique seront également des éléments déterminants du choix thérapeutique.
Il s’agit d’une décision pluridisciplinaire qui nécessite une concertation entre les spécialistes de la chirurgie pelvienne et les spécialistes de l’assistance médicale à la procréation.
L’information à la femme et au couple doit être complète : résultats et risques de la chirurgie pelvienne, résultats et risques de la fécondation in vitro.
Mot clés : fécondation in vitro – endométriose ovarienne - AMH – chirurgie pelvienne -
Prise en charge de l’endométriose ovarienne :
recommandations de bonne pratique
(HAS – CNGOF)
Décembre 2017
Grade des recommandations :
Grade A : Preuve scientifique établie
Grade B : Présomption scientifique
Grade C : Faible niveau de preuve
Grade AE : Avis d’expert
Recommandation 5.4 : traitements hormonaux avant chirurgie de l’endométriose :
Grade AE : avant chirurgie, il n’y a pas de preuve permettant de recommander systématiquement un traitement hormonal pré-opératoire dans le but de prévenir le risque de complications chirurgicales, de faciliter la chirurgie ou de diminuer le risque de récidive de l’endométriose (avis d’expert).
Recommandation 5.5 : traitements hormonaux après chirurgie de l’endométriose :
- Recommandation de grade B : pour prévenir le risque de récidive des endométriomes opérés, en l’absence de désir de grossesse et de contre-indications, il est recommandé de prescrire une contraception oestro-progestative en post-opératoire.
- Les agonistes de la Lh-Rh ne sont pas recommandés en post-opératoires dans les seul but de prévenir une récidive d’endométriome (recommandation de grade B).
- En post-opératoire d’une chirurgie de l’endométriose, la contraception orale oestroprogestative ou le dispositif intra-utérin au Lévonorgestrel, sont recommandés (recommandation de grade B).
Endométriome ovarien :
- Recommandation de grade A : la kystectomie intra-péritonéale coelioscopique est la technique recommandée pour la prise en charge chirurgicale des endométriomes.
- Avis d’expert : en raison d’un taux réduit de récidive des kystes par rapport à la ponction simple, la sclérothérapie à l’éthanol peut être proposée chez les patientes présentant des endométriomes récidivants.
Principe de la prise en charge en FIV en cas d’endométriose :
- Avis d’expert : l’endométriose n’est pas une indication pour privilégier l’ICSI par rapport à la FIV classique en première intention.
- Recommandation de grade C : les données de la littérature ne permettent pas de recommander le choix d’un protocole agoniste ou d’un protocole antagoniste chez les patientes atteintes d’endométriose.
- Taille de l’endométriome et résultat de la FIV : il n’y a pas d’impact des endométriomes (de taille inférieure à 6 cm) sur la qualité des embryons et les résultats finaux de la FIV.
Il n’y a pas de données suffisantes dans la littérature pour les endométriomes de plus de 6 cm.
Cependant (avis d’expert), on constate une tendance à une diminution de la réserve ovarienne avec un nombre d’ovocytes ponctionnés diminué. - Recommandation de grade B : le traitement chirurgical des endométriomes dans le seul but d’améliorer les résultats de la FIV n’est pas recommandé.
- Les études sur la stimulation de l’ovulation pour FIV ne montrent pas d’aggravation des symptômes liés aux lésions d’endométriose, ni d’accélération de son évolution ou d’augmentation du taux de récidive de l’endométriose.
Argumentation scientifique de ces recommandations téléchargeable sur www.has-santé.fr