Chute des taux d’implantation après ICSI utilisant des spermes présentant un haut degré de fragmentation de l’ADN

Auteurs

B.E. Speyer – A.R. Pizzey – M. Ranieri – R. Joshi – J.D.A. Delhanty – P. Serhal Human Reproduction, 2010 July; 25 ; 7 ; 1609-18

À l'heure où l'on s'inquiète de la chute de la fertilité masculine dans le monde et de l'incidence éventuelle des toxiques environnementaux, la fragmentation de l'ADN spermatique représente un nouveau test dans la batterie de prescriptions à la disposition du spécialiste de l'infertilité masculine. Ce test est pour l'instant, en cours d'évaluation de même que son incidence sur les taux de grossesse en fécondation in vitro.

Dans cet article, les auteurs ont comparé 124 patients inscrits pour 192 cycles de fécondation in vitro à 96 patients inscrits pour 155 cycles d'ICSI ayant tous eu un test de fragmentation de l'ADN spermatique. Les taux de naissances après ICSI ont montré une corrélation négative significative avec la fragmentation de l'ADN spermatique, ce qui n'a pas été retrouvé dans le cadre de la fécondation in vitro classique. Le seuil auquel l'incidence de la fragmentation de l'ADN spermatique montre une différence significative en ICSI en termes de naissances est supérieur ou égal à 19%. Ce seuil n'est pas retrouvé pour les cycles de fécondation in vitro classique.

Dans la littérature, le seuil classique au-dessus duquel la fragmentation de l'ADN spermatique semble avoir un effet négatif sur les résultats de la fécondation in vitro est estimé aux alentours de 30%. Dans cette série, ces résultats ne sont pas confirmés.

De nombreuses études montrent des résultats très discordants concernant la valeur prédictive de la fragmentation de l'ADN spermatique et il est intéressant de noter que dans cette étude précise, les résultats du test semblent très sensibles dans le cadre de l'ICSI (< ou = à 19%) et beaucoup moins dans le cadre de la fécondation classique.

Les protocoles de stimulation utilisés étaient standardisés : protocole long classique si la réserve ovarienne était normale et un protocole utilisant antagonistes de la GnRH avec de fortes doses de gonadotrophines en cas de réserve ovarienne abaissée. ha réserve ovarienne était évaluée sur le compte de follicules à J2, les dosages de 1-Sil, oestradiol et hormone anti mullérienne. L'absence de corrélation entre les résultats de la fragmentation de l'ADN spermatique et le taux de grossesses évolutives en fécondation in vitro pourraient s'expliquer par la forte corrélation entre les taux élevés de fragmentation d'ADN et la diminution de la mobilité spermatique. En fécondation in vitro classique, les spermatozoïdes non fragmentés plus mobiles pourraient intervenir préférentiellement.

À l'inverse, dans l'ICSI qui s'adresse à une population masculine dont le spermogramme est fortement altéré, la fragmentation de l'ADN spermatique serait un facteur supplémentaire aggravant de façon beaucoup plus sensible les résultats en termes de grossesse évolutive. Le taux de fausses couches spontanées classiquement plus élevé lorsque la fragmentation d'ADN est élevée, n’est pas retrouvé dans cette étude.

Enfin, de façon très intéressante, l'un des buts de l'étude était d'objectiver le stade du cycle de développement embryonnaire auquel pouvaient être corrélés les effets nocifs de la fragmentation de l'ADN spermatique. Dans ce cadre, il a été constaté que les taux de fertilisation et le développement précoce embryonnaire à J3 n'étaient pas influencés par les fragmentations d'ADN élevées. Ce n'est qu'après la période du troisième jour de développement embryonnaire, stade jusqu'au terme duquel l'embryon vit des transcripts maternels pour son métabolisme et sa croissance, qu'intervient l'effet nocif de la fragmentation de l'ADN spermatique. Au 5e jour de développement, lorsque le génome embryonnaire participe au métabolisme de ce dernier, les altérations de l'ADN spermatique commencent à se faire sentir. Ceci se traduit par une réduction du nombre de blastocystes.

Cependant dans cette étude les chiffres n'atteignent, pas la significativité. De même, on constate également un effet négatif des forts taux de fragmentation d'ADN spermatique sur l'implantation embryonnaire. Tésarik nomme cet effet de la fragmentation d'ADN spermatique « the late paternal effect ». Cette nouvelle notion permet de distinguer les effets délétères qui interviennent sur le développement précoce embryonnaire avant le 3"e jour et qui ne sont pas dépendants de la fragmentation de l'ADN spermatique. D'autres études réalisées par d'autres auteurs soutiennent les conclusions de la présente analyse indiquant clairement que la fragmentation de l'ADN spermatique a peu d'effet ou pas d'effet sur les taux de fertilisation et sur la période précoce du développement embryonnaire mais commence à intervenir au stade de blastocystes et diminue les taux d'implantation embryonnaire.

Un autre modèle expérimental va dans ce sens. Il s'agit des études concernant les dommages réalisés à l'ADN spermatique sous l'influence d'une irradiation gamma (Alimadi et NG 1999, Fatehi et collègues 006). Dans ce cadre il n'a pas non plus été trouvé de différences significatives dans les taux de fertilisation et dans le développement précoce et le clivage de l'embryon mais plutôt à un stade plus tardif de blastocystes ainsi que sur l'implantation embryonnaire.

La relation inverse entre la fragmentation d'ADN spermatique et la mobilité est bien établie (Zini et collègues 2001). Ceci, comme nous l'avons vu, peut contribuer à l'absence de corrélation négative entre des taux élevés de fragmentation d'ADN spermatique et le résultat de la fécondation in vitro. En effet, dans ce cas de figure, la fécondation nécessite des capacités spermatiques et, en particulier, une mobilité dans les limites de la normale expliquant que les spermatozoïdes à mobilité normale fécondent préférentiellement l'ovocyte mature. Dans le cadre de l'ICSI, l'embryologiste choisit au mieux le meilleur spermatozoïde mais des altérations invisibles au microscope conventionnel peuvent exister. L'utilisation de microscope à haute magnification utilisée dans la technique d'IMSI permet une meilleure sélection morphologique du spermatozoïde et peut apporter un élément positif supplémentaire (Bartoov et collègues 2002). Ceci pourrait orienter vers cette technique lorsque la fragmentation d'ADN est élevée.

Enfin, dans cette série, il est montré une corrélation positive très forte entre la fragmentation de l'ADN spermatique et les anomalies de la pièce intermédiaire des spermatozoïdes utilisés dans les cycles d'ICSI. Les anomalies de la pièce intermédiaire du spermatozoïde sont actuellement largement étudiées ainsi que leur impact sur la fécondante spermatique et les résultats de la fécondation in vitro en termes de grossesse. Fn pratique, dans cette étude, il apparaît que des chiffres de mobilité basse combinés à des anomalies élevées de la pièce intermédiaire retrouvées lors de l'examen de routine du spermogramme doivent conduire à suspecter un taux élevé de fragmentation de l'ADN spermatique.

Enfin, si les taux élevés de fragmentation d'ADN spermatique semblent intervenir sur la deuxième phase du développement embryonnaire et l'implantation, les effets à long terme sur le développement de la grossesse et la santé des nouveaux-nés ne sont pas connus. Dans ces conditions, les auteurs conseillent autant que possible, avant toute tentative d' ICSI, lorsque les taux de fragmentation d'ADN sont retrouvés élevés, un traitement anti oxydant afin de diminuer au maximum ces taux ainsi que leur impact sur le développement embryonnaire.

En conclusion, dans cette étude, les taux de fragmentation de l'ADN spermatique au-delà de 19% donc nettement plus bas que les taux de 30% généralement admis dans la littérature, sont corrélés avec une diminution des grossesses évolutives en ICSI. Ces constatations ne sont pas retrouvées en fécondation in vitro où le spermatozoïde fécondant est choisi naturellement.

Dans ce cadre, on estime que les spermatozoïdes atteints par une fragmentation de leur ADN ont nettement moins de chances de féconder l'ovocyte mature, alors qu'ils pourraient être choisis par le biologiste lors d'une ICSI utilisant un microscope classique ne visualisant pas l'ensemble des altérations spermatiques. Le microscope à haute magnitïcation de Bartoov pourrait apporter une amélioration dans le choix des spermatozoïdes lorsque la fragmentation de l'ADN spermatique est retrouvée élevée et en particulier supérieure à 19%.

Cette étude confirme par ailleurs que les taux élevés de fragmentation ADN spermatique n'ont pas de conséquence sur les taux de fécondation mais interviennent au-delà du 3eme jour de développement embryonnaire, stade à partir duquel l'embryon n'utilise plus les transcripts d'origine maternelle. Cette constatation explique la diminution du taux de blastocystes obtenus à partir de spermatozoïdes fragmentés ainsi que la diminution des taux d'implantation. Enfin, il est retrouvé dans cette étude une corrélation forte entre les taux de fragmentation d'ADN spermatique et la chute de la mobilité des spermatozoïdes ainsi que les anomalies de la pièce intermédiaire retrouvées dans le spermocytogramme. Ces deux anomalies, chute de mobilité et anomalies de la pièce intermédiaire spermatique, doivent pour ses auteurs faire suspecter et rechercher un taux élevé de fragmentation d'ADN spermatique.

 
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