Alimentation et fertilité

En France, un couple sur huit consulte chaque année pour infertilité (données Inserm). L’alimentation est aujourd’hui clairement identifiée comme étant l’un des facteurs pouvant potentiellement modifier la fertilité (1). S’il n’y a pas encore de recommandations officielles, plusieurs pistes sont à suivre.

Etat des lieux

De plus en plus études insistent sur le fait qu’une alimentation équilibrée en période de pré-conception améliore la fertilité autant chez la femme que chez l’homme (2).

En 2008, Jorge Chavarro et Walter Willet publient les bases du « fertility diet » (3), le régime de la fertilité.

Une large étude prospective américaine, la NHS II (Nurses’ Health Study II) qui inclut plus de 115 000 femmes, a utilisé ces recommandations alimentaires et en a conclu qu’elles sont associées à un moindre risque d’infertilité (2).

Le « Fertility Diet » (3,4) propose d’augmenter la consommation des protéines d’origine végétale (légumineuses, oléagineux, tofu) au moins une fois par jour pour remplacer la viande et diminuer la consommation des protéines d’origine animale.
Pour Jorge Chavarro et al (5), qui ont mené une étude chez des femmes âgées de plus de 32 ans, une consommation importante de protéines animales est reliée à un risque accru d’infertilité alors que les protéines végétales diminuent l’infertilité d’origine ovarienne.

En ce qui concerne les graisses, le régime de la fertilité (3) prône un faible apport d’acides gras trans, ces graisses issues de la transformation industrielle des graisses végétales par hydrogénation partielle (chips, gâteaux du commerce…) et de graisses saturées pour lutter contre l’inflammation chronique de bas grade. En revanche, il favorise les graisses mono-insaturées (comme dans l’huile d’olive) et poly-insaturées (huiles végétales, poissons…), en particulier les oméga 3. Ces oméga 3 sont présents dans certaines huiles végétales, dans les oléagineux mais également dans les poissons gras. Or, pour ces derniers, il faudra encore d’autres d’études pour statuer sur la relation entre une exposition aux contaminants environnementaux présents dans ces aliments et la fertilité.

Les glucides choisis ont un index glycémique faible ou modéré et sont associés à des fibres afin de mieux contrôler le pic glycémique.
Une étude menée sur 438 femmes présentant une infertilité due à une anomalie de l’ovulation retrouve une association positive entre la consommation totale de glucides, la charge glycémique et l’infertilité. Quant à l’index glycémique, il est positivement relié à l’infertilité d’origine ovulatoire uniquement chez les nullipares (6)

Les auteurs favorisent des sources de fer non héminique (haricots blancs ou rouges, épinards, potiron, tomates et betteraves)

Ils n’éliminent pas les produits laitiers de vache mais excluent les laitages à 0%. A ce jour, la littérature ne montre pas d’évidence scientifique sur le fait que les produits laitiers puissent être responsables d’infertilité.

C’est le même constat pour le soja. En fait, le soja et les compléments à base de soja semblent même améliorer la fertilité chez les femmes en cours de traitement (7, 8).

L’eau doit fournir une hydratation suffisante. Le thé, le café et l’alcool sont proposés avec modération. Alcool et caféine ont été longtemps mis en cause dans l’infertilité mais de nouvelles études remettent ces faits en cause (7,9,10,11)

Cette alimentation, assez proche du régime méditerranéen (à part les produits laitiers) a été étudié dans de nombreuses autres publications scientifiques (en Espagne, en Italie ou en Grèce..). Si elle améliore la fertilité chez la femme, elle a également un impact sur la fertilité de l’homme. Une alimentation riche en fibres, en folates (vitamine B9), en lycopène est corrélée avec la qualité du sperme. Elle améliore la mobilité des spermatozoides et leur concentration (4,7,8, 12,13)

Pour résumer, on conseille :

  • Une consommation variée en fruits et en légumes, en céréales complètes et en légumineuses pour l’apport de fibres, en antioxydants (vitamines, minéraux, polyphénols, caroténoides…) et l’un index glycémique modéré.
  • Des graisses insaturées avec des huiles végétales (olive, colza, noix…) et des oléagineux
  • Des protéines végétales sous forme de légumineuses, de soja mais aussi des protéines animales qui ne disparaissent pas complètement même si elles sont moins représentées avec de la volaille, des poissons bio pour limiter les contaminants, des fruits de mer et des produits laitiers qui ne sont pas à 0%.
  • Au moins 1 litre à 1,5 litre d’eau par jour

A l’opposé, une consommation trop importante de graisses saturées (particulièrement en cas d’excès de consommation de viandes rouges), d’acides gras trans des aliments du commerce et d’excès de sucres diminue la fertilité.

Le poids, un indice majeur

Pour l’équipe de Harvard initiatrice du Fertility diet (3), l’IMC (index de masse corporelle) idéal se situe entre 20 et 24.

Chez la femme, l’obésité, définie par un index de masse corporelle supérieur à 30 (IMC = Poids (Kg)/taille2 (m2)) est un facteur de risque indéniable d’infertilité. L’insuffisance pondérale (IMC<20) l’est également (2,4).
Selon l’étude NHS II (Nurses Health Studies), le surpoids et la dénutrition favorisent les troubles de l’ovulation (14-15)
Chez l’homme, l’obésité (16) augmente le risque d’infertilité dû à un dysfonctionnement endocrinien.
Les études interventionnelles randomisées chez les femmes obèses ou en surpoids tendent à prouver qu’une alimentation équilibrée associée à un exercice physique régulier en vue de normaliser l’index de masse corporelle améliore la fertilité. Chez l’homme en revanche, les études sont moins nombreuses. L’une d’elles, cependant, retrouve une amélioration du degré de la fragmentation de l’ADN des spermatozoides grâce au régime et au sport (17).
Des anomalies métaboliques (associées ou non à l’obésité) sont aussi en cause dans l’infertilité. Ainsi, le diabète est associé avec un risque accru d’oligoménorrhée et de ménopause précoce (3,4)

Intérêt de la complémentation ?

L’alimentation est-elle suffisante pour fournir tous les nutriments nécessaires ?

Dans le cas du fertility Diet, une complémentation par des multi-vitamines spécifiques pour la grossesse complète les conseils diététiques.

Il y a aussi des faits établis.

Tout d’abord, la prise d’acide folique à des doses supérieures à celles recommandées est associée à une fréquence moins importante d’infertilité, à une diminution du risque de fausse couche et à un succès accru du traitement contre l’infertilité comme le confirment encore des études récentes (4,7)

En revanche, il n’y a pas de résultat probant du rôle de la supplémentation en vitamine D sur la fertilité (7,8,18).

Concernant les antioxydants, les résultats sont controversés.  Si Certaines études (2) évoquent le stress oxydatif comme un co-facteur d’une mauvaise maturation des ovocytes, nombreuses sont celles qui concluent au manque de résultat de la complémentation en antioxydants chez la femme lors du traitement contre l’infertilité (7,19,20).
Controverse encore sur le fait que cette complémentation soit bénéfique quand l’homme est supplémenté (7,20) On ne sait pas quel antioxydant entraine un bénéfice ni à quelle dose (7).

Les oméga 3 souvent conseillés semblent améliorer la fertilité chez la femme (4, 7, 8). Chez l’homme, une récente méta-analyse indique que la supplémentation en oméga 3 chez des hommes infertiles améliore significativement la mobilité des spermatozoides (21)
Mais il reste une inconnue, comme pour la consommation des oméga 3 alimentaires (poissons gras), celle du risque de l’exposition aux toxiques (7) qui pourrait avoir un effet néfaste et limiter les bénéfices.

En conclusion, l’alimentation de type méditerranéenne associée à la pratique régulière d’une activité physique semble bénéfique pour améliorer les chances de grossesse. Mais, il faudra encore de nouvelles études randomisées pour établir de véritables recommandations chez les femmes qui souhaitent améliorer les chances de grossesse.

Références

1 - Harris JA et al. Geographic access to assisted reproductive technology health care in the United States: a population-based cross-sectional study. Fertil Steril. 2017;107:1023–27
2 – Panth N et al. The Influence of Diet on Fertility and the Implications for Public Health Nutrition in the United States. Front Public Health. 2018 ;6 :211
3 – Chavarro JE et al. The fertility diet: Groundbreaking research reveals natural ways to boost ovulation & improve your chances of getting pregnant. J Clin Invest 2008 Apr 1 ;118(4) :1210
4 – Silvestris E et al. Nutrition and Female Fertility : An independant Correlation. Front Endocrinol. 2019 ;10 :346
5 - Chavarro JE et al. Protein intake and ovulatory infertility. Am J Obstetr Gynecol. (2008) 198:210 e1–7.
6 – Chavarro JE et al. A prospective study of dietary carbohydrate quantity and quality in relation to risk of ovulatory infertility. Eur J Clin Nutr. 2009 ;63(1) :78-86
7 – Gaskins AJ et al. Diet and fertility : a review. Am J Obstet Gynecol 2018 ;218(4) :379-389
8 – Chiu YH et al. Diet and female fertility: doctor, what should I eat? Fertil Steril 2018 ;110(4) :560-569
9 – Lyngso J et al. Low-to-moderate alcohol consumption and success in fertility treatment: a Danish cohort study. Hum Reprod 2019 8 ;34(7) :1334-1344
10 – Mikkelsen EM et al. Alcohol consumption and fecundability: prospective Danish cohort study. BMJ 2016 ;354 :i4262
11 – Lyngso J et al. Association between coffee or caffeine consumption and fecundity and fertility: a systematic review and dose–response meta-analysis. Clin Epidem 2017;9 :699-719
12 – Gaskins AJ et al. Dietary patterns and outcomes of assisted reproduction. Am J Obstet Gynecol 2019 ;220(6) :567.e1-567.e18
13 – Karayiannis D et al. Association between adherence to the Mediterranean diet and semen quality parameters in male partners of couples attempting fertility. Hum Reprod. 2017, 32(1) :215-222
14 – Chavarro JE et al. Contributions of the Nurses’ Health Studies to Reproductive Health Research. Am J Public Health. 2016, 106(9) : 1669-1676
15 - Chavarro JE et al. Diet and lifestyle in the prevention of ovulatory disorder infertility. Obstet Gynecol. (2007) 110:1050–8.
16 -  Hammoud AO et al. Impact of male obesity on infertility: a critical review of the current literature. Fertil Steril. (2008) 90:897–904.
17 - Best D et al. How effective are weight-loss interventions for improving fertility in women and men who are overweight or obese? A systematic review and meta-analysis of the evidence. Hum Reprod Update (2017) 23:681–705. 
18 – Pilz S et al. The Role of Vitamin D in Fertility and during Pregnancy and Lactation: A Review of Clinical Data. Int J Environ Res Public Health. 2018, 12 ;15(10)
19 – Smits RM et al. Antioxidants in fertility: impact on male and female reproductive outcomes. Fertil Steril. 2018,110(4) :578-580
20 – Antioxydants for male subfertility. Cochrane Database Syst rev 2019 03 14 ; 3 :CD007411
21 – Hosseini B et al. The Effect of Omega-3 Fatty Acids, EPA, and/or DHA on Male Infertility: A Systematic Review and Meta-analysis. Journal of Dietary Supplements, 2019, Vol 16- Issue 2

 
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