Taux de naissances vivantes après cycles naturels modifiés vs protocoles antagonistes chez les mauvaises répondeuses

Live birth rates after modified natural cycle compared with high-dose FHS stimulation using GnRH antagonists in poor responders.

Lainas T G, Sfountouris I, Venetis C A, Lainas G T, Zorzovilis I Z, Tarlatzis B C, Kolibianakis E M.

Human Reproduction, Vol 30, N°10 pp.2321-2330, 2015.

Les médecins de la reproduction sont souvent confrontés à des couples chez lesquels la femme répond mal à la stimulation ovarienne des protocoles d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP). Devant ces situations, une solution est de proposer aux couples un don d’ovocytes, mais certains refusent l’idée d’un enfant obtenu avec des gamètes de donneurs, ne voulant pas d’un enfant ne possédant pas leur matériel génétique. D’autres couples, avant d’accepter cette solution du don, souhaitent tenter une dernière tentative d’AMP avec leurs propres gamètes.

Pour répondre à ces couples, une solution est de leur proposer les protocoles classiques de stimulation ovarienne utilisant soit des agonistes, soit des antagonistes du GnRH, sans que ceux ci aient réellement faits la preuve de leur efficacité (Polyzos et Devroey, 2011).

Une autre solution chez ces femmes, est de réaliser une stimulation sous forme d’un cycle naturel modifié.

Les auteurs de cette étude rétrospective, ont repris leurs résultats entre janvier 2008 et décembre 2011, pour des patientes définies comme « mauvaises répondeuses » en respectant strictement les critères de Bologne (Ferraretti, 2011).

Les auteurs ont ainsi pu intégrer dans leur étude rétrospective, 106 « mauvaises répondeuses » ayant reçu un traitement par 161 cycles naturels modifiés et 136 « mauvaises répondeuses » ayant reçues 164 protocoles antagonistes avec de fortes doses de FSH.

Les cycles naturels modifiés  commençaient au 6ème jour du cycle, avec échographie, et dosages de la LH, oestradiol et progestérone. Lorsqu’un follicule atteignait la taille de 14 mm, 150 UI de FSH recombinante et 0,25 mg d’antagoniste du GnRH  étaient donné chaque jour à la patiente jusqu’au jour du déclenchement par 10 000 UI d’HCG.

Les protocoles antagonistes commençaient au 2ème ou au 3ème jour du cycle avec une dose de départ de 300 UI de FSH  et l’introduction de l’antagoniste du GnRH (0,25 mg) lorsque la moyenne des follicules atteignaient 14 mm et/ou lorsque le taux de LH devenait supérieur à 10 UI/l, et ceci jusqu’au jour du déclenchement.

Les ovocytes obtenus à la ponction étaient mis en fécondation soit en Fécondation In Vitro classique (FIV), soit en FIV avec micro-injection (ICSI), en fonction des caractéristiques du sperme. Les embryons étaient transférés soit à J2 soit à J3, avec une supplémentation de la phase lutéale par administration de progestérone.

Les caractéristiques de patientes sont les suivantes
 

 

Cycles naturels modifiés

Protocoles antagonistes

Âges des femmes

41,3+/-0,4

40,7+/-0,3

BMI

22,8+/-0,4

23,4+/-0,4

Durée infertilité

3,2+/-0,2

3,7+/-0,3

Nb tentatives précédentes

3,5+/-0,1

3,2+/-0 ,1

Causes infertilités (%)

 

 

Réserve ovarienne faible

9,3%

7,9%

RO faible + facteur masculin

13,7%

17,7%

RO faible + endométriose

5,6%

8,5%

RO faible + age >=40 ans

60,9%

54,3%

RO faible + facteur tubaire

10,6%

11,6%

Les caractéristiques des deux stimulations montrent des quantités de FSH, des taux d’oestradiol, des nombres de follicules présents le jour du déclenchement et des nombres d’ovocytes obtenus et fertilisés, ainsi d’un nombre d’embryons de bonne qualité disponibles significativement plus faible en cas de cycles naturels modifiés par rapport aux protocoles antagonistes. Il faut toutefois noter qu’un nombre significativement plus faible de cycles étaient annulés en cas de cycle naturel modifié.

Les principales caractéristiques des cycles sont les suivantes
 

 

Cycles naturels modifiés

Protocoles antagonistes

p

Nb follicules/jour HCG

1,9+ /-0,1

3,2+/-0,2

0,001

Nb ovocytes ponctionnés

1,1+/-0,1

2,4+/-0,1

0,001

Nb ovocytes fécondés

0,7+/-0,1

1,4+/-0,1

0,001

Nb embryons transférés

0,7+/-0,1

1,4+/-0,1

0,001

Nb embryons de bonne qualité transférés

0,6+/-0,1

0,8+/-0,1

0,003

 

 

 

 

Méthode FIV

38,4%

31,5%

0,33

Méthode ICSI

61,6%

68,5%

 

 

 

 

 

Transfert J2

71,1%

82,8%

0,059

Transfert J3

28,9%

17,2%

 

Les résultats bruts montrent 12 naissances vivantes dans le groupe cycle naturel modifié (7,5% ; intervalle de confiance à 95% : 3,1-11,8) et 5 naissances vivantes dans le groupe protocole antagoniste (3,1% ;  intervalle de confiance à 95% : 0,4-5,7). En utilisant une régression logistique binaire selon les caractéristiques de patientes, ces différences sont significativement plus importantes pour le groupe cycle naturel avec un odds ratio de 4,01 (intervalle de confiance 95% : 1,14-14,09), et ceci malgré la différence significative en terme de nombre d’embryons transférés (y compris d’embryons de bonne qualité) en faveur du protocole antagoniste.

Les résultats de cette étude rétrospective montre que les chances d’avoir une naissance en FIV chez des patientes présentant les critères de Bologne de « mauvaises répondeuses » sont quatre fois plus importantes en utilisant un cycle naturel modifié par rapport à un protocole antagoniste et ceci y compris en ajustant ces données sur le taux de FSH de base, la cause de l’infertilité associée et l’âge de la femme.

Ceci étant, les auteurs précisent qu’il est bien sur difficile de tirer des conclusions certaines de cette étude dans la mesure où ce n’est pas une étude prospective randomisée, bien que l’analyse multivariée ait annulé certains biais.

Les auteurs font l’hypothèse que ce taux de naissance plus élevé en cas de cycle naturel modifié peut s’expliquer à la fois par une meilleure réceptivité endométriale en cas de taux d’oestradiol plus faible (Devroey, 2004) ainsi que par une moins bonne qualité ovocytaire en cas de forte dose de FSH utilisées pour la stimulation forte par FSH (Reyftmann, 2007).

Cette étude est intéressante, car même si elle n’est pas prospective randomisée, elle tend à prouver que, pour les patientes « mauvaises répondeuses » qui ne souhaitent pas avoir recours au don d’ovocytes, et si l’équipe pluridisciplinaire du centre d’AMP accepte de leurs proposer une nouvelle tentative, il n’est, à priori, pas inutile et en tout cas pas délétère de leurs proposer un protocole avec un cycle naturel modifié. Cette solution présente aussi l’avantage d’un coût très inférieur, pour un résultat en terme de naissance vivante au moins aussi bon, bien qu’il reste très faible.

Références

Live birth rates after modified natural cycle compared with high-dose FSH stimulation using GnRHantagonists in poor responders.
Lainas TG, Sfontouris IA, Venetis CA, Lainas GT, Zorzovilis IZ, Tarlatzis BC, Kolibianakis EM.
Hum Reprod. 2015 Oct;30(10):2321-30

ESHRE consensus on the definition of 'poor response' to ovarian stimulation for in vitro fertilization: the Bologna criteria.
Ferraretti AP, La Marca A, Fauser BC, Tarlatzis B, Nargund G, Gianaroli L; ESHRE working group on Poor Ovarian Response Definition.
Hum Reprod. 2011 Jul;26(7):1616-24

A systematic review of randomized trials for the treatment of poor ovarian responders: is there any light at the end of the tunnel?
Polyzos NP, Devroey P.
Fertil Steril. 2011 Nov;96(5):1058-61

Reproductive biology and IVF: ovarian stimulation and endometrial receptivity.
Devroey P, Bourgain C, Macklon NS, Fauser BC.
Trends Endocrinol Metab. 2004

[Natural cycle in vitro fertilization cycle in poor responders].
Reyftmann L, Déchaud H, Loup V, Anahory T, Brunet-Joyeux C, Lacroix N, Hamamah S, Hédon B.
Gynecol Obstet Fertil. 2007 Apr;35(4):352-8

 
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