Le syndrome d'hyperstimulation ovarienne : le point de vue du réanimateur

Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne (SHSO) est une complication iatrogène de la stimulation ovarienne, en vue de rapports programmés, d’insémination artificielle ou le plus souvent de FIV. Un SHSO moyen à sévère survient dans 3 à 8 % des cycles de FIV.

Définition et physiopathologie

Quelques jours après une ponction d’ovocytes pour FIV, la stimulation entraîne une augmentation anormale du volume ovarien avec constitution de multiples corps jaunes. La sécrétion excessive d’hormones ovariennes et de substances vasoactives (cytokines, angiotensine) induisent une augmentation de la perméabilité capillaire et/ou une vasodilatation artérielle entraînant la fuite de liquide du secteur vasculaire (d’où une hypovolémie) vers le secteur interstitiel (formation d’un 3e secteur : ascite, épanchement pleural).

Formes cliniques

3 degrés de gravité

Signes

Léger

  • Gêne ou douleur abdominale
     
  • Vomissements, diarrhées
     
  • Echographie : diamètre ovarien  < 12 cm

Moyen

  • Epanchement séreux
     
  • Hématocrite entre 40 et 55 %
     
  • Echographie : diamètre ovarien > 12 cm

Sévère(risque vital)

  • Ascite sous tension +/- épanchement pleural, dyspnée
     
  • Hypotension voire collapsus
     
  • Complications thromboemboliques
     
  • Syndrome de détresse respiratoire aigue
     
  • Hématocrite >55 %
     
  • Oligo-anurie, insuffisance rénale
     
  • Hyponatrémie, hyperkaliémie
     
  • Leucocytes > 25.000
     
  • Cytolyse hépatique

 

Facteurs de risque

La dose de gonadotrophine administrée et l’existence ou non de facteurs de risque (FDR) de réponse excessive sont à l’origine de ce syndrome, d’où l’importance du dépistage des FDR.

FDR  avant stimulation

FDR après stimulation

  • âge < 35 ans
     
  • IMC bas
     
  • Syndrome des ovaires polykystiques (OPK)
     
  • Antécédents d’allergie ou d’atopie
     
  • Antécédents de SHSO
     
  • Dosage élevé d’hormone antimüllérienne au 3e  jour du cycle
  • Taux d’œstradiol élevé en fin de stimulation (pic > 6000 pg/ml)
     
  • Nombre de follicules (> 14) en développement par ovaire
     
  • Doses fortes ou répétées d’HCG
     
  • Utilisation d’agonistes de Gn-Rh
     
  • Survenue d’une grossesse qui entretient et aggrave les symptômes par la sécrétion trophoblastique d’HCG

 

Néanmoins, un tiers environ des SHSO sévères surviennent sans FDR identifié.

Il y aurait moins de SHSO avec les protocoles utilisant des antagonistes de la Gn-Rh qu’avec des agonistes de la Gn-Rh.

L’HCG exogène ou endogène a un rôle central dans le déclenchement du SHSO et augmente le risque de forme sévère (surtout si les doses sont élevées ou répétées).

Complications

  • thromboemboliques : possibles aux trois stades, elles sont fréquentes (jusqu’à 10 % dans les formes sévères), parfois tardives, de localisation inhabituelle (veines du membre supérieur, artère cérébrale ou coronaire).
     
  • 30 % des phlébites se compliquent d’embolie pulmonaire (EP). Leur étiologie est multifactorielle (taux d’œstrogènes élevé, hémoconcentration, repos forcé en raison de la douleur, gêne au retour veineux par l’ascite). Il n’y a pas de facteur thrombogénique identifié mais toujours une activation infraclinique de la cascade de la coagulation : diminution de l’antithrombine III et /ou de la protéine S. Une cytokine augmenterait l’activation plaquettaire. Si une EP est soupçonnée, le dosage des D-Dimères est inutile car constamment augmenté dans le SHSO.
     
  • insuffisance rénale fonctionnelle (hypovolémie) parfois mécanique (compression des vaisseaux rénaux par les ovaires multikystiques). La sécrétion d’ADH secondaire à l’hypovolémie entraîne une hyponatrémie de dilution (risque de troubles neurologiques).
     
  • infections : il y a une immunodéficience relative par fuite des immunoglobulines dans le 3e secteur dans les HSHO sévères (risque d’infection liée aux soins, d’infection urinaire).
     
  • pulmonaires : infections, EP, épanchement pleural, atélectasie, rarement syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA).
     
  • dysfonction circulatoire avec hypotension, augmentation du débit cardiaque. Risque de collapsus par hypovolémie et baisse des résistances vasculaires périphériques.
     
  • diverses :
    • ovariennes : torsion, rupture hémorragique, compression d’organes voisins,
    • hépatiques : cytolyse biologique dans 30 % des cas,
    • syndrome de compartiment abdominal si l’ascite est très abondante : oligurie, hypotension, tachypnée, dyspnée, hypoxie, hypercapnie.

En conclusion, les complications qui mettent en jeu le pronostic vital sont thromboemboliques en premier lieu puis insuffisance rénale, SDRA, collapsus, hémorragie par rupture ovarienne.
 

Traitements

L’absence de traitement curatif souligne l’importance des mesures préventives.

Le traitement préventif est indiqué s’il y a des FDR.

  • Utiliser de faibles doses de gonadotrophines en cas d’antécédents d’OPK, de SHSO ou excès folliculaire ;
     
  • Diminuer les doses de gonadotrophines en cas de réponse excessive ;
     
  • Coasting si le taux d’œstradiol est trop élevé en fin de stimulation ;
     
  • Utiliser des doses d’HCG faibles pendant une courte durée pour déclencher l’ovulation ou d’un agoniste de la Lh-Rh ;
     
  • Utiliser la progestérone exogène à la phase lutéale à la place d’HCG ;
     
  • Si suspicion importante de SHSO, pas d’HCG ou bien, si HCG, ponction d’ovocytes et congélation embryonnaire car la grossesse représente un risque de SHSO grave ;
     
  • Utiliser l’albumine à 25 % lors du transfert (efficacité controversée) ;
     
  • Certains traitements sont à l’étude :
    • L’aspirine (100 mg) administrée aux patientes à risque dans une étude randomisée a fait baisser le risque SHSO de 8,4 à 0,25 % ;
    • Le gluconate de calcium IV le jour de la ponction et les trois jours suivants semble diminuer l’ascite et l’hématocrite ;
    • La cabergoline (agoniste dopaminergique) débutée le jour de l’HCG  durant une semaine diminue l’incidence de SHSO moyen de 44 à 20 % (étude randomisée) ;
    • La maturation ovocytaire in vitro permet d’éviter les gonadotrophines exogènes.

En conclusion, il faut insister sur l’importance des protocoles individualisés et monitorés.
 

Prise en charge et surveillance

Gravité du SHSO

Modalités

Surveillance et traitements

légère

Ambulatoire

  • Bi-hebdomadaire : poids, périmètre abdominal
     
  • Bi-hebdomadaire : taux HCG
     
  • Antalgiques
     
  • Bas anti-thrombose (BAT)

Moyenne

Hospitalisation

  • Quotidienne : poids et diurèse
     
  • Bi-hebdomadaire : ajouter hématocrite, plaquettes, ionogramme sanguin et créatinine. Echographie pelvienne
     
  • Antalgiques plus puissants, antiémétiques, repos, alimentation hyperprotéinée, boisson II en hiver, 2I en été
     
  • BAT et HBPM prévention forte, par ex : Lovenox 40 mg/j 6 semaines

Sévère

USI

  • Surveillance rapprochée (collapsus, détresse respiratoire, recherche de thromboses)
     
  • Remplissage vasculaire échoguidé
     
  • Surveillance quotidienne des paramètres biologiques et échographie abdominale
     
  • BAT et HBPM prévention forte

 

Traitement spécifique : traitement symptomatique des complications

  • Restaurer la volémie par remplissage et apport hydrique (pas de restriction), et surveiller l’efficacité par mesure de la diurèse (objectif > 20 ml/h) et de la tension. Le remplissage va majorer le 3e secteur du fait de l’augmentation de la perméabilité capillaire. Le soluté de choix est du sérum physiologique avec ou sans glucose. Pas de potassium car insuffisance rénale. Dans les formes sévères, l’albumine a été utilisée mais son emploi n’est plus recommandé (risque biologique des produits humains et coûts) ce d’autant que l’hydroxy-ethyl-amidon semble donner de meilleurs résultats.
     
  • Eviter les diurétiques qui majorent l’hypovolémie et l’hémoconcentration. Ils restent indiqués en cas d’hyperkaliémie ou de dyspnée sévère.
     
  • Prévention thromboembolique : les BAT seuls sont insuffisants dès la forme moyenne. Il faut ajouter des HBPM à dose préventive forte. Pour mémoire, en cas d’insuffisance rénale sévère, on utilise l’héparine et si l’IMC est > 30 ou l’hématocrite > 45 %, on majorera la dose d’HBPM.
     
  • En cas ce cumul d’un risque thromboembolique (thrombophilie, obésité, antécédent de phlébite, maladie inflammatoire chronique) et d’un risque de SHSO, il faut débuter les anticoagulants dès la stimulation par HCG pour une durée minimale de six semaines. Si cela n’a pas été fait lors de l’implantation, on discute l’association à un antiagrégant plaquettaire car les thromboses artérielles ne sont pas rares.
     
  • La ponction évacuatrice d’ascite est indiquée en cas d’inconfort majeur, de détérioration respiratoire, d’oligurie, d’instabilité hémodynamique, toujours sous contrôle échographique. Il est recommandé de préférer la voie transabdominale car le risque infectieux est majoré par  voie transvaginale. La fréquence et la quantité des ponctions ne sont pas clairement établies (en fonction de la tolérance respiratoire et hémodynamique de la diurèse). Il y a un risque d’hypoprotidémie si les ponctions sont fréquentes.
     
  • L’épanchement pleural régresse le plus souvent à la suite de la ponction d’ascite.

 

Evolution

Les signes diminuent avec la chute d’HCG (environ 8 jours). Les formes sévères peuvent persister deux à quatre semaines, surtout en cas de grossesse.

Influence sur la grossesse

Un SHSO sévère majore le risque de grossesse multiple, de FCS, de prématurité, d’HTA gravidique et de diabète gestationnel.

Conclusion

Le SHSO est une complication iatrogène de la PMA. L’absence de traitement étiologique souligne l’intérêt de la prévention. C'est-à-dire le dépistage systématique des FDR avant le début de la stimulation ovarienne.

Le risque majeur est l’accident thromboembolique qui justifie une anticoagulation prophylactique précoce et prolongée, associée à l’aspirine. En pratique, la surveillance de l’hématocrite (corrélé à l’hémoconcentration) est un indicateur simple de la sévérité du syndrome du risque de thrombose.

Le syndrome d’hyperstimulation ovarienne – A. LE GOUEZ, B. NAUDIN, M. GRYNBERG, FJ. MERCIER – Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 30 (2011) 353-362

 
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