Le spermogramme ne suffit pas : impact des altérations de l’ADN spermatique

Analyse d’article

The impact of sperm DNA damage in assisted conception and beyond : recent advances in diagnosis and treatment..
Reproductive BioMédecine Online (2013) 27, 325-337.
Sheena EM Lewis, R John Aitken, Sarah J Conner, Geoffry De luliis, Donald P Evenson, Ralph Henkel, Aleksander Giwercman, Parviz Gharagozloo.

Spermogramme et spermocytogramme sont les deux examens de base de l’exploration de la fertilité masculine, avec des paramètres dont les valeurs usuelles sont régulièrement revues dans le manuel de l’Organisation Mondiale de la Santé (dernière édition en 2010). Ces valeurs étant difficiles à déterminer puisque l’on trouve une superposition des limites entre les populations fertiles et les populations infertiles. Il faut également noter que ce sont des examens dont la reproductibilité n’est pas parfaite entre les lecteurs, même au sein d’un même laboratoire.

Depuis plusieurs années, certaines équipes se sont intéressées à la qualité de l’ADN spermatique comme marqueur diagnostic de l’infertilité.  Plusieurs études ont montrées l’absence de corrélation entre les paramètres du spermogramme  - spermocytogramme et la qualité de l’ADN spermatique (Simon et al, 2010). Ceci suggère que cet examen doit être utilisé indépendamment des résultats du spermogramme, dans l’exploration de la fertilité masculine.

L’équipe de l’université de Belfast reprend dans cette publication les différentes techniques utilisées pour l’exploration de l’analyse de l’ADN du sperme (Comet analyse, Sperm Chromatine Structure Assay, Sperm chromatin dispersion, TUNEL assay), les conclusions que l’on peut en tirer et les traitements que l’on peut proposer aux patients.

Ces différentes techniques explorent soit la fragmentation de l’ADN spermatique, soit la décondensation de l’ADN (structure tertiaire), soit les deux à la fois. Les résultats montrent que des valeurs d’altération de l’ADN spermatique, supérieures à 25% peuvent être considérées comme délétères.

Les causes et les conséquences de ces anomalies (fragmentation et décondensation) ne sont pas les mêmes ce qui nécessite pour être complet, un examen des deux phénomènes.

Ces situations sont décrites comme délétères pour le développement embryonnaire précoce en Assistance Médicale à la Procréation (FIV et ICSI) et la bonne santé des enfants. (Adler, 2000 ; Zini et al, 2008), voir potentiellement responsables (conséquences montrées chez l’animal) d’apparition de pathologies tumorales dans la descendance (Fernandez-Gonzalez et al. 2008).

La fragmentation de l’ADN spermatique est principalement due à deux phénomènes : soit une action enzymatique directe au moment de la spermatogenèse et suite à un défaut de réparation de l’ADN, soit un processus oxydatif ; entrainant une cassure du brin monocaténaire de l’ADN. Les auteurs rappellent que ces situations peuvent se rencontrer dans des situations pathologiques telles que le diabète (Agbaje et al, 2008) ou d’autres pathologies entrainant un processus oxydatif.

La décondensation de l’ADN spermatique concerne la qualité de la structure tertiaire de l’ADN, celui ci devant être compacté dans le noyau du spermatozoïde grâce au remplacement des histones par les protamines. Des défauts de compaction de l’ADN sont également en cause dans les échecs de fécondation et de développement embryonnaire.

L’une des problématiques de l’interprétation de ces différents tests est la valeur à partir desquelles le résultat doit être considéré comme pathologique. En fonction des différentes techniques, il semble que le seuil de 25% puisse être retenu avec des chances de fécondation plus faible et de développement embryonnaire précoce de moins bonne qualité en cas de valeurs supérieures que ce soit en terme de fragmentation ou de décondensation de l’ADN (Simon et al, 2011 ; Sharma et al, 2010). Ceci étant, toutes les études ne retrouvent pas une valeur prédictive de l’altération de l’ADN spermatique en fonction de certaines techniques utilisées en AMP, comme par exemple l’ICSI (Zini et al, 2011), la raison étant certainement liée à d’autres facteurs au premier rang desquels la qualité ovocytaire (l’ICSI étant principalement utilisée dans les cas d’infertilité masculine) qui peut permettre une réparation enzymatiques des anomalies de l’ADN du spermatozoïde.

Les solutions comme l’IMSI ou l’utilisation de l’acide hyaluronique pour améliorer le choix du spermatozoïde parmi ces spermatozoïdes déficients en AMP n’ont pas totalement faits la preuve de leurs efficacités. Il est donc nécessaire devant ces situations délétères d’essayer de trouver des solutions thérapeutiques permettant d’améliorer la qualité de l’ADN spermatique.

Les auteurs présentent alors les possibilités thérapeutiques pour améliorer la qualité de l’ADN spermatique (fragmentation et/ou décondensation). Ces traitements ont fait l’objet de nombreuses recherches dans les dix dernières années (Gharagozloo and Aitken, 2011). Les auteurs insistent sur la complexité de la mise en place de ces traitements, dans la mesure où une molécule anti-oxydante peut également être, dans certaines situations, pro-oxydante. Il est donc fondamental de ne pas utiliser des préparations anti-oxydantes mal définies et à des concentrations mal identifiées. Il faut également noter qu’un processus oxydatif est nécessaire à une action physiologique des spermatozoïdes au moment de la fécondation.

Les auteurs rappellent également que traiter l’un des problèmes peut avoir des conséquences délétères. Ainsi les traitements anti-oxydants pour améliorer la fragmentation de l’ADN du spermatozoïde peuvent entrainer une augmentation de la décondensation de celui ci (Menezo et al, 2007).

Analyse d’article

L’analyse de la qualité de l’ADN du spermatozoïde, dans la mesure où il semble y avoir corrélation limitée avec le spermogramme (pour la majorité des paramètres de celui ci) et où son altération a des conséquences directes sur la baisse de la fertilité masculine, doit maintenant être considérée comme un examen très important dans l’exploration du couple infertile. Cette étude est intéressante car elle reprend les différentes techniques à notre disposition pour cette exploration et les valeurs seuils de leurs interprétations. Elle précise également les conséquences de ces altérations non seulement pour la fertilité du couple, mais également pour les enfants.  Il est également important de noter que les traitements permettant d’améliorer la qualité de l’ADN spermatique passent souvent par des solutions qui doivent être parfaitement connues et maitrisées des professionnels. Ces conditions ne sont pas simples à remplir dans la mesure où ces produits thérapeutiques n’ont généralement pas le statut de médicament, ce qui nécessite d’être très prudent dans leurs utilisations. Dans ces conditions, l’analyse de ces paramètres, même si elle n’est pas réalisée en première intention diagnostic, doit être assez rapidement envisagée devant des échecs d’Assistance Médicale à la Procréation.
 

Références.

Adler I.D. (2000).

Spermatogenesis and mutagenicity of envirenmental hazards : extrapolation of genetic risk from mouse to man.

Andrologia 32, 233-237.

Fernandez-Gonzalez R., Moreira P.N., Perez-Crespo M. et al. (2008).

Long terme effects of mouse intracytoplamic sperm injection with DNA-fragmented sperm on health and behavior of adult offspring.

Biol. Reprod. 78 , 761-772
 

Gharagozloo P., Aitken R.J. (2011).

The role of sperm oxidative stress in male infertility and the significance of oral antioxydant therapy.

Hum. Reprod. 26, 1628-1640.

Menezo Y.J. et al (2007).

Antioxidants to reduce sperm DNA fragmentation : an unexpected effect.

Reprod. Biomed. Online 14, 418-421.

Simon L, Lutton D, McManus J. et al (2010)

Clinical significance of sperm DNA damage in reproductive outcome.

Hum. Reprod. 25, 1594-1608

 

Sharma R.K., Sabanegh E., Mahfouz R., et al. (2010).

TUNEL as a testfor sperm DNA damage in the evaluation of male infertility.

Urology 76, 1380-1386.

 

Simon L, Lewis L.E. (2011).

Sperm DNA damage or progressive motility : wich on is beter predictor of fertilization in vitro ?

Syst. Biol. Reprod. Med. 57, 133-138.

 

Zini A, Boman J.M., Belzile E., Ciampi A (2008)

Sperm DNA damage is associated with an increased risk of pregnancy loss afetr IVF and ICSI : systematic review and meta-analysis.

Hum Reprod. 23, 2663-2668.

 

Zini A. (2011).

Are sperm chromatine and DNA defects relevant in the clinic ?

Syst. Biol. Reprod. Med. 57, 78-85.

 
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