Traitement hormonal de la ménopause en prévention primaire : des effets positifs et négatifs !

L’âge de survenue de la ménopause coïncide avec une élévation de risque de survenue de nombreuses maladies chroniques, évitables pour certaines, comme les maladies cardio-vasculaires, l’ostéoporose et ses conséquences en termes de fractures, les troubles des fonctions cognitives et certains cancers. Avant la publication de la WHI en 2002, le traitement hormonal de la ménopause (THM) était volontiers prescrit chez les femmes, avec ou sans syndrome climatérique, dans un but de prévention primaire de certaines de ces maladies. Déjà en 1998, les résultats de la HERS study avaient semé le doute montrant l’absence de diminution du risque coronarien et une augmentation du risque thromboembolique veineux et d’anomalies vésiculaires lors de l’utilisation de ce traitement. La WHI a mis un terme à la large prescription du THM retrouvant des risques plus élevés de cancer du sein, coronaropathie, AVC et accidents thromboemboliques chez les femmes traitées par une association estroprogestative et ce en dépit des bons résultats sur les plans fracturaire et colorectal.

Plus récemment, la notion de fenêtre d’intervention distingue les effets du THM en fonction du délai d’instauration ; ainsi, seul le traitement initié précocement, à l’entrée dans la ménopause, pourrait réduire les risques cardiovasculaires et de démence avec un impact favorable sur la mortalité globale.

Une nouvelle revue systématique des études randomisées versus placebo (18 essais concernant 40 058 femmes âgées de 53 à 79 ans) est proposée dans le nouveau numéro du JAMA afin d’actualiser les données et de repréciser la place du THM en répondant à 3 questions :

 

1. Quels sont les bénéfices du THM lorsqu’il est utilisé en prévention primaire ?

Pour un THM associant estrogène et progestatif, est retrouvée une diminution des risques de:

  • fractures ostéoporotiques : RR 0.80 (0.68-0.94)
  • diabète : RR 0.84 (0.72-0.97)
  • cancer colorectal : RR 0.64 (0.44-0.91), seul ce bénéfice persiste après l’arrêt du traitement

Pour un traitement par estrogènes seuls (femmes hystérectomisées), est notée une diminution des risques de:

  • fractures ostéoporotiques : RR 0.73 (0.65-0.80)
  • diabète : RR 0.87 (0.77-0.98)
  • cancer du sein : RR 0.79 (0.61-1.01), seul ce bénéfice persiste après l’arrêt des estrogènes

 

2. Quels sont les risques du THM lorsqu’il est utilisé en prévention primaire ?

Pour un THM utilisant une association estroprogestative, est retrouvée une augmentation des risques de :

  • cancer invasif du sein : RR 1.27 (1.03-1.56)
  • de démence : RR 1.97 (1.16-3.33)
  • de pathologies vésiculaires : RR 1.59 (1.29-1.97)
  • d’incontinence urinaire : RR 1.39 (1.27-1.52)
  • d’évènements thromboemboliques : RR1.95 (1.54-2.47)
  • d’AVC : RR 1.39 (1.09-1.77)

Pour un THM par estrogènes seuls, est notée une augmentation des  risques de :

  • pathologies vésiculaires : RR 1.63 (1.33-2.00)
  • d’AVC : RR 1.33 (1.06-1.67)
  • de pathologies thromboemboliques veineuses : RR 1.43 (1.11-1.85)
  • d’incontinence urinaire : RR 1.53 (1.37-1.71)

Aucun de ces risques ne persiste après arrêt des estrogènes.

 

Globalement, au vue de ces résultats il semble que la balance bénéfice risque de l’estrogénothérapie seule est équilibrée alors qu’en cas d’association estroprogestative les risques sont supérieurs aux bénéfices avec 20 évènements négatifs supplémentaires sur 10 000 personnes/années.

Il n’apparait, en revanche, aucune différence en termes de mortalité toute cause confondue quel que soit le THM utilisé (RR 1.01 (0.88-1.17).

 

3. Les bénéfices et les risques sont-ils différents pour certains sous-groupes (ethnie, type de ménopause, durée et type de THM) ou selon le délai d’initiation ?

  • selon les sous-groupes : aucune différence n’a pu être mise en évidence pour la plupart des sous-groupes étudiés selon l’âge, l’ethnie ou l’association à diverses pathologies
  • selon le délai d’initiation : aucune différence n’a été retrouvée en termes de pathologies coronariennes pour les estrogènes seuls ; en revanche pour le traitement associant estrogènes et progestatifs, le risque d’IDM était significativement inférieur pour une initiation du THM dans les 10 années suivant la ménopause plutôt que 20 ans après

 

Cette nouvelle publication concernant les traitements hormonaux de la ménopause semble confirmer les bénéfices et risques connus sur l’incidence de nombreuses pathologies, même si les THM évalués utilisent des molécules et voies d’administration différentes des habitudes françaises. La notion de qualité de vie n’est pas du tout mise en balance dans cette revue mais reste un élément essentiel de la décision thérapeutique. Le principe actuel proposant de restreindre la prescription des THM aux femmes en début de ménopause symptomatiques semble adéquat. Cette revue confirme que ces traitements n’ont pas leur place en prévention primaire, à exception peut-être de la santé osseuse.

 

 

 

Gartlehner G, Patel SV, Feltner C et al. Hormone therapy for the primary prevention of chronic conditions in postmenopausal women. Evidence report and systematic review for the US Preventive Services Task Force. JAMA 2017;318(22):2234-2249. doi:10.1001/jama.2017.16952

 
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