Peut-on protéger la réserve ovarienne des femmes jeunes en cas de chimiothérapie pour cancer du sein ?

La survenue d’un cancer du sein invasif chez la femme jeune impose souvent un recours à la chimiothérapie dont l’impact délétère sur la fonction ovarienne est bien connu. A ce jour, aucun traitement n’a vraiment démontré une efficacité en termes de préservation de la fertilité. Aussi, des méthodes de cryopréservation de l’embryon ou des ovocytes sont actuellement  proposées à ces jeunes patientes avant la mise en route de la chimiothérapie. L’utilisation des analogues de la LHRH lors de la chimiothérapie a fait l’objet de nombreuses études mais l’impact à long terme sur la fertilité et le taux de grossesse reste mal évalué. De plus, certains auteurs émettent un doute sur l’altération possible du taux de survie sans récidive en cas d’association aux analogues de LHRH en raison du moindre pourcentage d’aménorrhée chimio-induite.

L’étude multicentrique randomisée italienne PROMISE-GIM6 (Prevention of Menopause Induced by Chemotherapy)  étudie les données en termes de fertilité et survie sans progression de femmes non ménopausées, âgées de 18 à 45 ans, traitées pour un cancer du sein (RH+ ou RH-). Ces patientes bénéficiaient d’une chimiothérapie associée à un traitement par agonistes de la LHRH pour la moitié d’entre elles.

En 2011, les premiers résultats  montraient une meilleure récupération de la fonction ovarienne à 1 an chez les patientes sous analogues de LHRH.

L’analyse publiée fin 2015 dans le JAMA, concerne l’impact à plus long terme dans une population de 281 femmes : 133 sous chimiothérapie seule, 148 sous chimiothérapie et analogues. 93% d’entre elles bénéficiait d’un traitement anti-estrogène à l’issue de la chimiothérapie. Les résultats à plus long terme (7,3 ans de suivi médian) sur la fonction ovarienne, le taux de grossesse et de survie sans récidive sont les suivants:

  • La reprise des cycles s’observait chez 72,6% des femmes sous analogues versus 64% sous chimiothérapie seule : globalement non significatif (HR : 1.28, IC à 95% 0.98-1.68) mais devenant significatif après ajustement sur l’âge (HR : 1.48, IC à 95% 1.12-1.95)
  • 5 enfants sont nés dans le groupe avec analogues et 3 dans le groupe placébo : non significatif (HR : 2.56, IC à 95% 0.68-9.60) y compris après ajustement sur l’âge
  • Le taux de survie sans progression était de 80,5% avec analogues et 83,7% dans le groupe chimiothérapie seule : non significatif (HR : 1.17, IC à 95% 0.72-1.92) avec une légère tendance à une meilleure survie sans progression dans le sous-groupe des patientes RH-

L’adjonction d’analogues de LHRH à la chimiothérapie en cas de cancer du sein (RH+ ou RH-) avant la ménopause semble associée à une tendance bénéfique en termes de reprise de la fonction ovarienne sans modification évidente du taux de grossesse. Il ne semble pas apparaitre non plus d’altération sur la survie sans progression. D’autres études de plus grande puissance statistique et surtout un plus long recul sont nécessaires pour préciser au mieux l’impact des analogues de la LHRH dans cette indication.

Compte tenu des données actuelles de la littérature, la majorité des sociétés savantes ne recommandent pas l’utilisation systématique des analogues de la LHRH lors de la chimiothérapie pour cancer du sein chez les femmes non ménopausées.

M Lambertini, L Boni, A Michelotti et al for the GIM Study Group. Ovarian suppression with triptorelin during adjuvant breast cancer chemotherapy and long-term ovarian function, pregnancies, and disease-free survival. A randomized clinical trial. Jama, 2015; 314(24):2632-2640. Doi:10.1001/jama.2015:17291

 
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