Nouvelle stratégie dans la prise en charge des grossesses à risque d’hyperplasie congénitale des surrénales !

L’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) est une anomalie autosomique récessive à l’origine d‘une altération de la stéroïdogénèse. Elle est due à un déficit en 21 hydroxylase dans 95% des cas et en 11 hydroxylase plus rarement, en relation avec une mutation sur les gènes CYP21A2 et CYP11B respectivement.

On décrit 2 formes du déficit en 21 hydroxylase : la forme sévère dite « classique » et la forme légère à révélation tardive. Dans la forme classique, l’excès d’androgènes, lié au déficit enzymatique, est à l’origine d’une virilisation des organes génitaux externes et d’une altération des sécrétions des gluco- et minéralocorticoïdes chez les fœtus atteints. Cette forme classique est elle-même divisée en 2 sous-groupes : une forme potentiellement grave avec perte de sel chez le nouveau-né et une forme plus simple avec uniquement une virilisation. Dans la forme non classique, la sécrétion minéralocorticoïde est normale et la virilisation in utéro des petites filles absente.

Le déficit en 11 hydroxylase entraîne quant à lui une virilisation in utéro des organes génitaux externes chez les filles, une puberté précoce chez les garçons et une HTA dans les 2 sexes.

Dans le but de prévenir la virilisation durant la vie fœtale chez les filles atteintes d’un déficit, un traitement prénatal par dexaméthasone (DXM) est proposé à la dose de 20 μg/kg/j. Cette thérapeutique est efficace si elle est administrée à la bonne dose et suffisamment précocement. Idéalement, son initiation doit se faire avant la date présumée de la sensibilité génitale aux androgènes, donc avant 7 semaines de grossesse, et être poursuivie jusqu’à la naissance. Le timing du traitement est donc essentiel à la morphologie des organes génitaux externes des filles atteintes d’HCS.

Les effets de la dexaméthasone administrée in utero sur la santé ultérieure des enfants restent controversés du fait de données animales. Chez l’homme, il semblerait ne pas y avoir de risque tératogène, avec un taux de malformations identique à celui de la population générale, mais des doutes concernant les fonctions cognitives persistent.

Ainsi, en France ce traitement reste utilisé mais son indication se veut plus ciblée : utilisation uniquement chez les filles et seulement en cas de déficit avéré. L’étude des cellules fœtales dans le sang maternel permettent la détermination très précoce du sexe fœtal (test SRY) dès 4,5 semaines de grossesse avec un résultat sous 48h. Ce test évite le traitement en cas de fœtus masculin et permet un démarrage précoce du traitement chez les filles. Un dépistage prénatal de la maladie par biopsie du trophoblaste ou amniocentèse permet ensuite d’établir le diagnostic et de poursuivre le traitement jusqu’à l’accouchement si l’atteinte est confirmée.

Une étude multicentrique française rapporte des résultats de cette approche chez des couples à risque (ayant déjà eu un enfant atteint ou en cas de mutation sévère connue du gène CYP21A2 ou CYP11B1 au sein du couple).

Un test SRY était réalisé vers 4,5 semaines de grossesse: en cas de SRY négatif, le traitement par dexaméthasone était immédiatement instauré. Un diagnostic prénatal par biopsie trophoblastique était réalisé à 9-10 semaines de grossesse permettant une analyse du caryotype et une étude moléculaire. Le traitement n’était poursuivi qu’en cas de fœtus de sexe féminin atteint. La bonne observance thérapeutique était jugée sur les prélèvements maternels de cortisol, SDHA ainsi qu’un dosage de l’estriol afin de s’assurer du bon freinage surrénalien fœtal.

L’analyse concerne  258 fœtus à risque ; parmi les 124 fœtus de sexe féminin, 112 mères avaient débuté le traitement avant 6 semaines ; 17 étaient atteints (14 de bloc en 21 et 3 de bloc en 11 hydroxylase). A la naissance, 12 petites filles présentaient des organes génitaux externes normaux à la naissance. Il était noté chez 3 filles une virilisation modérée (fusion postérieure des petites lèvres sans clitoridomégalie) nécessitant un acte chirurgical minime (DXM débuté à 4,3, 6,4 et 7 semaines de grossesse) et chez 2 une virilisation sévère (Prader stade 5 et 3). La DXM avait été débutée trop tard pour la fille née au stade Prader 5. Pour celle née au stade Prader 3, sa mère n’avait consulté qu’à 13 semaines de grossesse malgré le conseil génétique préconceptionnel.

107 filles n’étaient pas atteintes permettant l’arrêt du traitement. Pour 7 grossesses, le refus du diagnostic prénatal par la mère avait conduit à poursuivre la DXM jusqu’à a fin de la grossesse.

Le protocole proposé a permis d‘éviter le traitement chez les garçons, d’initier le traitement avant 7 semaines de grossesse et de ne le maintenir jusqu’à la fin de grossesse qu’en cas de fœtus féminin atteint, évitant ainsi la virilisation. Cette attitude impose cependant un génotype familial avant le début de la grossesse, une information préalable des futurs parents sur le traitement par DXM, une prise en charge  précoce des femmes enceintes en centre spécialisé avec réalisation rapide du test SRY, une mise en route rapide du traitement, un suivi endocrinologique et biologique durant toute la grossesse et une éducation des pédiatres afin de prendre en charge ces enfants dès la naissance pour éviter les pertes en sel chez les garçons non diagnostiqués.

Le rôle de la dexaméthasone sur les fonctions cognitives ultérieures de l’enfant reste cependant encore mal défini, les études de suivi des enfants sont attendues avec impatience.

 

Tardy-Guidollet V, Menessa R, Costa JM, et al. New management strategy of pregnancies at risk of congenital adrenal hyperplasia using fetal sex determination in maternal serum : french cohort of 258 cases (2002-2011). J Clin Endocrinol Metab 99: 1180-1188,2014.

 
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