La prolactine : un nouveau facteur de risque thrombo-embolique ?

Diverses situations induisant une hyperprolactinémie comme la grossesse, le post-partum, la prise de pilule estro-progestative sont associées à un risque thrombo-embolique. Bien que le rôle joué par les estrogènes soit démontré, certains posent la question d’un rôle propre de l’hyperprolactinémie. En effet, l’incidence de pathologies thrombo-emboliques apparait augmentée en cas de prolactinomes et il semblerait que des taux élevés de prolactine favoriseraient une hypercoagulabilité. Par ailleurs des chiffres plus élevés de prolactine ont été trouvé dans certains cas de phlébites non liées à un facteur congénital ou acquis. Enfin, le risque de thromboses est augmenté sous psychotropes dont certains, en bloquant les récepteurs dopaminergiques, induisent une hyperprolactinémie.

Toutes ces raisons ont motivé la réalisation d’une étude cas-contrôle visant à évaluer l’association entre thrombo-embolique et le taux de prolactine.

Ainsi, des auteurs hollandais ont comparé différents paramètres chez 187 patients ayant présenté un premier épisode thrombotique à 374 contrôles sans phlébite objectivée lors d’examens réalisés pour suspicion de thrombose. La moyenne d’âge (57 ans) et le sexe (58% de femmes) étaient identiques pour les 2 populations. Pour les cas, il s’agissait de 152 phlébites profondes, 12 au niveau du mollet et 23 phlébites superficielles. Pour 66% des patients présentant une thrombose, on retrouvait au moins un facteur de risque acquis connu  (grossesse, chirurgie, immobilisation…). 24% des cas et 14% des contrôles étaient sous traitement connus pour entrainer une hyperprolactinémie (contraception orale, THM ou autre…). La moyenne des taux de prolactine était significativement plus élevée chez les patientes présentant une phlébite que chez les contrôles (6.7mg/L versus 5.6 mg/L), les femmes présentant dans les 2 groupes des chiffres plus hauts. Après ajustement pour le sexe, il apparaissait une relation entre le risque thrombo-embolique et les taux de prolactine : pour des taux supérieurs au 75e percentile le risque relatif était de 1.7 comparativement à celles se situant en dessous du 50e percentile. Ce chiffre passait à 4.7 pour des taux supérieurs au 97,5e percentile. Le risque le plus élevé apparaissait dans le sous-groupe des femmes  non ménopausées, cela même après ajustement sur divers facteurs de risque comme la prise de pilule, le BMI, la chirurgie…

Cette étude semble donc montrer une relation plus ou moins linéaire entre le taux de prolactine et le risque  thrombo-embolique, principalement chez les femmes avant la ménopause. Jusqu’à présent, la propension de la grossesse, de la pilule et de certains THM à favoriser les pathologies thrombo-emboliques était principalement attribuée aux modifications des estrogènes circulants et ses conséquences sur la synthèse des protéines de la coagulation. La prolactine pourrait également par elle-même favoriser les thromboses ; cette association pouvant être estrogène-dépendante. Les relations entre prolactine et estrogènes sont complexes : les estrogènes favorisant la sécrétion de prolactine qui en retour diminue les taux d’estrogènes. De plus, les estrogènes sont impliqués dans la régulation positive de la synthèse des récepteurs prolactiniques et favorise la liaison de la prolactine à son récepteur au niveau hépatique diminuant les taux circulants. Quelques éléments existent de plus dans la littérature laissant penser que la prolactine pourrait avoir un rôle direct sur les facteurs de coagulation. Ainsi, la prolactine pourrait intervenir par elle-même dans la physiopathologie d’évènements thrombotiques de différentes manières :

  •  Elle induirait des phénomènes inflammatoires avec une infiltration lymphocytaire et une adhésion de cellules mononuclées à l’endothélium.
  • Elle favoriserait la synthèse de prothrombine et augmenterait le facteur XII chez le rat ; cet effet direct de la prolactine sur des facteurs de coagulation a également été retrouvé dans une étude cas-contrôles chez des patients atteints de prolactinome.
  • Il pourrait exister un rôle de la prolactine sur la fonction plaquettaire.

Le stress que constitue une thrombose pour expliquer l’augmentation de la prolactine mais l’absence de relation entre la prolactinémie et des taux de CRP va contre cette hypothèse. Il est difficile de conclure si la prolactine joue un rôle propre favorisant les thromboses ou s’il existe des inter-relations complexes avec d’autres facteurs de risque. Il est certain que ces données sont tout à fait préliminaires et nécessitent, bien sûr, d’autres études pour évaluer le lien de causalité de cette relation.

B van Zaane, A Squizzato, A Reuwer, A van Zanten, M Twickler, O Dekkers, S Cannegieter, H Buller, V Gerdes, D Brandjes. Prolactin and venous thrombosis: indications for a novel risk factor. Arterioscler Thromb Vasc Biol.2011;31:672-677.

 
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