Lecture critique d’article :
Cervical cancer prevention in transgender men : a review
S Weyers, SM Garalnd, M Cruicshank, M Kyrgiou, M Arbyn
BJOG (British Journal of Obstetrics ans Gynaecology) Octobre 2020 822-826
L’acception par les sociétés occidentales des situations transgenres nous impose une réflexion sur l’accompagnement et la surveillance gynécologique des transgenres hommes (né avec des organes génitaux féminins). Ces situations ne sont plus exceptionnelles et ne font plus partie des désordres psychiatriques (Association Américaine de Psychiatrie).
Dans ce travail, les auteurs s’intéressent aux transgenres hommes (TGM) ayant bénéficié de modifications anatomiques (induites par la chirurgie mais aussi par les traitements hormonaux) mais pouvant garder l’utérus et donc le col. Ailleurs, ces modifications amènent à un changement de nom mais aussi du sexe administratif de la personne. Le dépistage et la surveillance des pathologies cervicales dans ces situations devient alors particulièrement compliqué.
Selon une revue de la littérature, 100 à 2000 /100 000 personnes seraient concernées par l’interrogation de leur identité sexuelle (0,1 à 2%) et 1 à 30 pour 100 000 recevraient des soins pour une modification de sexe. La répartition homme/ femme est équivalente. La différence entre le nombre de personnes concernées et le nombre aboutissant à une transformation physique et identitaire est lié au délai nécessaire pour entrer dans le processus mais aussi au coût que représente la prise en charge médicale et chirurgicale.
En 2015 aux Etats Unis, sur une population de 7950 transgenres hommes, 71% recevaient un traitement hormonal mais seulement 14% avaient bénéficié d’une hystérectomie. Dans une étude allemande (1624 TGM) 72,9% recevaient un traitement hormonal (testostérone) et 83,8% de ces patients sous hormones depuis plus de 1,5 ans avaient bénéficié d’une annexectomie bilatérale. Ces éléments illustrent le fait que la majorité des TGM ont toujours leur utérus (et donc leur col utérin). L’hystérectomie n’est pas requise pour le changement d’identité dans la majorité des pays d’Europe.
Cette conservation fréquente du col avec une identité masculine rend l’organisation du dépistage du col utérin infaisable. Seule une démarche individuelle (rarement observée aujourd’hui) est envisageable pour la prévention secondaire du cancer du col.
Une étude a retrouvé une prévalence de l’HPV-HR à 16% chez les TGM (moyenne d’âge : 27,5 ans) par technique d’auto-prélèvement. Pourtant la majorité des auteurs estime que le risque d’infection HPV est probablement supérieur à la population générale du même âge du fait des pratiques sexuelles et des partenaires multiples. Ailleurs la prévalence de l’infection HIV est 3 fois plus importante dans une étude américaine. Aucune donnée exacte ne précise le risque de cancer du col dans la population TGM mais tous les éléments sont en faveur d’une augmentation significative de ce risque.
Au total même si la prévalence de l’HPV HR n’est pas significativement augmentée, l’absence de dépistage augmente le risque de développer un cancer du col (27% de dépistage pour les TGM contre 43% pour les TGF). De plus, on se souviendra que le traitement androgénique altère la pertinence de la cytologie de dépistage primaire ou de triage (prélèvement souvent insuffisant et pouvant être douloureux)
Au total, les auteurs relèvent de nombreuses difficultés rencontrées par les TGM :
- non informés sur les pathologies HPV induites et le suivi nécessaire
- non impliqués dans les programmes de dépistage si changement identité
- stigmatisation de ces situations / antécédents parfois d’abus sexuels
- salle d’attente pour les examens gynécologiques réservées aux femmes
- inconfort de l’examen gynécologique en dehors d’un préparation psychique et physique (estriol)
- aucun remboursement prévu pour les examens
A la suite de ce constat, diverses propositions sont faites pour la prévention du cancer du col :
- Information sur la pathologie HPV dans la phase d’accompagnement aux modifications
- préférence à auto-prélèvement HPV (mais nécessité de poursuivre les examens si positivité du test)
- prélèvement cytologique uniquement après une longue préparation estriol (1 mois)
- intégration de ces situations dans les programmes de dépistage
-vaccination anti HPV même au-delà des âges de recommandation (au moment des interventions chirurgicales par exemple)
Conclusion : La majorité des TGM ont un col utérin et ont un risque de développer un cancer invasif probablement supérieur à celui de la population générale ; or, le dépistage n’est ni proposé ni organisé et sans doute difficile d’accès (problème sociétal et économique). Inclure la vaccination HPV à la démarche transgenre aurait tout son sens aujourd’hui.