Un test sanguin pour le dépistage de 50 cancers ?

Un test sanguin permettant la détection précoce et fiable d’une tumeur dès le début de son développement serait d’un intérêt considérable du fait qu’il est bien démontré que les tumeurs dépistées précocement ont un meilleur pronostic, passant de 89 % à 21 % de survie à 5 ans selon que la tumeur a été dépistée à un stade précoce ou disséminé.

Plusieurs qualités majeures sont requises pour qu’un tel test puisse être utilisé en clinique. Il lui faut une grande spécificité et surtout une grande valeur prédictive positive (la probabilité pour que le patient dont le test est positif soit réellement porteur d’une tumeur) car sinon le risque est d’entrainer de nombreuses explorations inutiles chez un patient pour lequel le test aurait été positif. Il lui faut également une grande sensibilité car s’il ne détecte qu’un faible pourcentage de tumeurs ou qu’il les détecte à un stade tardif, le test n’a pas d’intérêt. Une qualité supplémentaire serait d’identifier l’origine tissulaire de la tumeur à partir du prélèvement sanguin.

Liu et coll présentent dans les Annals of Oncology des résultats déjà présentés à l’ASCO 2019 et à l’ESMO 2019 portant sur la mise au point d’un test sanguin fondé sur la détection d’une signature tumorale détectable dans l’ADN tumoral circulant.  Les auteurs sont issus des prestigieux instituts tels que la Mayo clinic de Rochester, le Dana Farber Institute de Boston, la Cleveland Clinic, le Francis Crick Institute de Londres.  C’est une étude qui s’intègre dans un vaste programme consistant à rechercher par séquençage à haut débit des anomalies dans l’ADN tumoral circulant permettant la mise au point d’un test de dépistage en s’aidant de l’intelligence artificielle (le Circulating Cell-free Genome Atlas, consortium CCGA).

Plusieurs milliers de patients et de sujets contrôles ont été inclus dans cette étude prospective. Au lieu de rechercher des mutations ponctuelles ou des variations du nombre de copies de gènes ou encore d’utiliser le séquençage du génome complet de l’ADN tumoral circulant, le test décrit ici exploite les anomalies de méthylation de l’ADN tumoral qui peuvent être détectées par séquençage à haut débit de l’ADN tumoral circulant. C’est en traitant l’ADN circulant (tumoral et non tumoral) par du bisulfite de sodium que l’on peut identifier les sites d’ADN méthylés ou non méthylés car la cytosine est plus sensible à la déamination par le bisulfite que la 5-methylcytosine. Le test s’appuie sur l’analyse d’un panel de sites de méthylation du génome sélectionnés en capturant les fragments de l’ADN génomique portant ces séquences. Ce panel représente plus de 17 millions de paires de bases et plus de 1 million de de sites de méthylation potentiels (les dinucléotides cytosine-guanine CpGs).

Deux groupes de patients ont été créés, un premier groupe (1531 cancers et 1521 contrôles) servant à l’apprentissage dans le processus de « machine learning » et un deuxième groupe de taille similaire servant à la validation des résultats obtenus sur le groupe d’apprentissage.

La spécificité du classificateur (terme consacré de l’intelligence artificielle) obtenu est grande car elle est à plus de 99% dans les deux groupes.

La sensibilité du test, autre paramètre majeur d’un test de ce type, n’est pas au même niveau selon que l’étude porte sur un groupe prédéfini de 12 cancers fréquents ou bien sur tous les types de cancer (plus de 50 types).

Cette sensibilité est de 39% dans les cancers au stade I avec l’analyse sur le panel prédéfini de cancers mais que de 18% sur l’analyse portant sur tous les cancers.

Pour les stades II, ces chiffres de sensibilité sont de 69% et 43% respectivement pour les deux types d’analyse. La sensibilité augmente avec le stade pour passer à 92 % et 93 % pour le stade IV où les cancers sont de toute façon symptomatiques.

La sensibilité dépend également du type de tumeur : quasi nulle pour le sein au stade I, faible pour l’utérus également au stade précoce, élevée en revanche pour le pancréas dès le stade I. L’information n’est pas disponible pour l’ovaire.

Le test est performant pour identifier le tissu d’origine de la tumeur à plus de 90% lorsqu’un signal est détecté.

En conclusion, ce test est prometteur dans son principe mais son utilisation en routine en oncologie gynécologique n’est pas de mise aujourd’hui du fait de son déficit de sensibilité pour les stades précoces. De nouvelles études seraient nécessaires pour étudier si la combinaison de ce test avec d’autres pourrait améliorer le dépistage précoce, notamment chez les personnes à risque élevé de cancers par prédisposition héréditaire.

Il faut noter, d’une part, que cette étude a été financée par GRAIL inc, une biotech californienne qui exploite le test et qui en fait la promotion, et d’autre part, que les auteurs de l’article ont des liens d’intérêt avec cette société.
 

Commentaire sur « Sensitive and specific multi-cancer detection and localization using methylation signatures in cell-free DNA”. Liu et al . Annals of Oncology, in press.

 
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