Mutations de BRCA et déficit de la recombinaison homologue dans le cancer de l’ovaire : quand et comment les rechercher ?

Malgré une incidence et une mortalité en baisse, le cancer de l’ovaire reste responsable de 3500 décès par an en France. En raison de l’absence de symptômes aux stades précoces et de dépistage efficace, une majorité des cancers des ovaires reste diagnostiquée à un stade avancé.

Le traitement de référence de ces stades avancés repose sur la chirurgie complète quand elle est possible, la chimiothérapie par carboplatine et paclitaxel, et l’anticorps anti-VEGF bevacizumab. Les principales avancées thérapeutiques ces dernières années sont liées à l’avènement des inhibiteurs de poly-(ADP-ribose) polymérase (PARP). La prescription de ces médicaments est conditionnée par l’identification d’altérations moléculaires prédictives de la sensibilité à ces molécules : mutations de BRCA 1 ou BRCA 2 ou déficit de la recombinaison homologue (HRD).

On sait depuis les années 1990 que les mutations constitutionnelles des gènes BRCA 1 ou BRCA 2 sont les principales causes de prédisposition au cancer de l’ovaire. Ces gènes codent pour des protéines impliquées dans le système de réparation des cassures double-brin de l’ADN par recombinaison homologue. On sait maintenant que cette voie de réparation peut aussi être inactivée par des événements somatiques (retrouvés uniquement au sein de la tumeur, non héréditaires). Il peut s’agir de mutations somatiques de BRCA 1 ou BRCA 2 ou d’autres anomalies moléculaires non liées à BRCA. Les mutations de BRCA 1 ou BRCA 2 sont présentes dans 20 à 22% des cas de cancers ovariens dont 13 à 15 % de mutations germinales et 7 % de mutations somatiques. Au total, il est estimé que la moitié des cancers épithéliaux ovariens présente un déficit de la recombinaison homologue, lié ou non à une mutation BRCA.

Avec l’élargissements des indications d’inhibiteurs de PARP conditionnées par la biologie moléculaire (Tableau), la recherche de biomarqueurs moléculaires est donc passée d’un objectif de conseil génétique à un objectif théranostique.

Selon les recommandations Européennes1, la recherche de des mutations de BRCA 1 et BRCA 2 doit être effectuée au moment de la prise en charge initiale de tout carcinome épithélial ovarien en particulier les tumeurs infiltrantes de haut grade non mucineuses. Compte tenu de l’implication thérapeutique, le résultat doit être rendu avant la fin de la chimiothérapie de 1ère ligne. Selon l’organisation des circuits locaux l’analyse peut être faite sur tissu tumoral (analyse somatique) ou dans le sang (analyse constitutionnelle) en général sur prescription du clinicien (circuit mainstreaming, sans consultation d’oncogénétique préalable). En pratique l’analyse moléculaire est souvent demandée sur le tissu tumoral dès le premier échantillon prélevé (biopsie ou annexectomie le plus souvent). L’échantillon tumoral doit être fixé et inclus en paraffine (ou éventuellement congelé) et son traitement pré-analytique doit respecter des critères stricts afin que l’analyse en biologie moléculaire soit réalisable. La recherche des mutations de BRCA 1 et BRCA 2 est réalisée sur les plateformes de génétique moléculaire à l’aide de techniques de séquençage à haut débit (NGS).

En cas de mise en évidence d’une mutation somatique de BRCA 1 ou BRCA 2, la patiente doit être adressée en oncogénétique et un prélèvement de sang doit être analysé à la recherche de cette mutation dans l’ADN lymphocytaire, signant l’origine constitutionnelle. En l’absence de mutation de BRCA 1 ou BRCA 2, une recherche mutationnelle élargie sur un panel de gènes de prédisposition au cancer de l’ovaire (MSH6, MSH2, MLH1, PMS2, RAD51C/D, BRIP1, PALB2, et BARD1 notamment) peut être proposée à la patiente sans débouché thérapeutique établi actuellement.

Parallèlement, voir consécutivement, à la recherche de mutation de BRCA, doit être réalisé un test à la recherche d’un déficit de la recombinaison homologue. Un test, basé sur la technologie du score d’instabilité génomique, est mis gratuitement à disposition des patientes Françaises depuis janvier 2021, en partenariat avec le laboratoire pharmaceutique le commercialisant. Les échantillons tumoraux doivent pour cela être transmis anonymement par le biais des plateformes de biologie moléculaire aux Etats-Unis où les analyses sont réalisées. Une positivité de ce test HRD, y compris en l’absence de mutation de BRCA, est un facteur prédictif de réponse aux inhibiteurs de PARP. Les résultats du test doivent donc être disponibles à la fin de la première ligne de chimiothérapie au moment où la maintenance par inhibiteurs de PARP est prescrite. La positivité du test HRD, en l’absence de mutation de BRCA, n’est pas un facteur de prédisposition aux cancers et ne peut pas être utilisée pour le conseil génétique.

La recherche de mutations de BRCA et de déficit de la recombinaison homologue fait donc maintenant partie intégrante du parcours de soins de toute patiente traitée pour un cancer de l’ovaire avancé. Les circuits de testing moléculaires doivent être fluides et efficaces pour permettre un rendu dans les délais adéquats pour l’initiation des traitements par inhibiteurs de PARP. Tout cliniciens prenant en charge ces patientes doit maintenant être en mesure de communiquer des informations claires et intelligibles sur les tenants et les aboutissants de ces tests.

Tableau : indications des inhibiteurs de PARP au 15/10/2022 (source : VIDAL)
 

  1ère ligne Récidive
OLAPARIB En monothérapie pour le traitement d'entretien des patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial avancé (stades FIGO III et IV) de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif avec mutation des gènes BRCA1/2 (germinale et/ou somatique) et qui sont en réponse partielle ou complète à une première ligne de chimiothérapie à base de platine.
En association au bévacizumab pour le traitement d'entretien des patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial avancé (stades FIGO III et IV) de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif et qui sont en réponse partielle ou complète à une première ligne de traitement associant une chimiothérapie à base de platine au bévacizumab et dont le cancer est associé à un statut positif de la déficience en recombinaison homologue (HRD), défini par une mutation des gènes BRCA1/2 et/ou une instabilité génomique
En monothérapie pour le traitement d'entretien des patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif avec mutation des gènes BRCA1/2 (germinale et/ou somatique), récidivant et sensible au platine et qui sont en réponse (complète ou partielle) à une chimiothérapie à base de platine.
NIRAPARIB En monothérapie pour le traitement d'entretien de patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial avancé (stades FIGO III et IV) de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, qui sont en réponse (réponse complète ou partielle) à une première ligne de chimiothérapie à base de platine En monothérapie pour le traitement d'entretien de patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial séreux de haut grade de l'ovaire, des trompes de Fallope ou péritonéal primitif, sensible au platine et récidivant, qui sont en réponse (réponse complète ou partielle) à une chimiothérapie à base de platine
RUCAPARIB   En monothérapie pour le traitement d'entretien de patientes adultes atteintes d'un cancer épithélial de l'ovaire, de la trompe de Fallope ou péritonéal primitif, de haut grade, récidivant, sensible au platine, qui sont en réponse (complète ou partielle) à une chimiothérapie à base de platine.

 

1Vergote I, González-Martín A, Ray-Coquard I, et al. European experts’ consensus group. European experts consensus: BRCA/homologous recombination deficiency testing in first-line ovarian cancer. Ann Oncol. 2022 Mar;33(3):276-287.

 
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