L'exemestane ou la nouvelle tentative de chimioprévention du cancer du sein

On parle depuis longtemps de chimioprévention des cancers du sein …

Paul Goss et al. ont publié l’étude MAP3 qui a randomisé 4 560 femmes ménopausées avec facteur de risque de développer un cancer du sein (plus de 60 ans ou un risque de développer un cancer du sein à 5 ans supérieur à 1,66 % selon Gail ou encore un marqueur histopronostique tel que hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique, carcinome lobulaire atypique ou même carcinome canalaire in-situ traité par mastectomie) entre exemestane ou placebo en double aveugle pendant 5 ans.

Après un recul médian de 3 ans, le diagnostic de 43 cancers du sein (11 dans le bras exemestane et 32 dans le bras placebo) a déclenché cette analyse principale et la levée de l’aveugle. L’objectif de l’étude était atteint : l’exemestane avait permis de diminuer la probabilité de développer un cancer invasif du sein de 65 % passant d’un taux annuel de 0,55 % à 0,19 %.
Il avait également généré une diminution du nombre de lésions précancéreuses ou associées à risque de développer un cancer, présageant d’un effet prolongé de l’exemestane. Un nombre comparable de décès était noté dans les deux bras.
Il est trop tôt pour évaluer la compliance globale du traitement car seuls 5 % des femmes ont pour l’instant mené à terme leur traitement. Le nombre d’effets indésirables était supérieur (88 % vs. 85 %), expliquant plus d’interruptions (15 % vs. 10 %) dans le bras exemestane. Les différences significatives en termes d’effets indésirables de grade ? 2 étaient liées aux bouffées de chaleur (18 % vs. 12 %) et aux douleurs articulaires (6,5 % vs. 4 %). Les facteurs de qualité de vie relatifs à la ménopause (fatigue, insomnie…) étaient moins bons avec exemestane sans différence significative en ce qui concerne l’appréciation globale de la qualité de vie, les événements liés à l’ostéoporose, le métabolisme des lipides, la prise de poids ou à la perte de cheveux.

En conclusion, l’exemestane a montré qu’il permettait de diminuer de 65 % le nombre de cancer du sein, avec une adhésion correcte (85 % à 3 ans) et sans générer d’effets indésirables majeurs. Il n’y a cependant pas de bénéfice en survie et son appréciation dans l’avenir semble compromise par les cross-overs qui seront générés par la levée de l’aveugle.

Pour éviter un cancer du sein dans l’étude MAP3, il faut actuellement traiter 94 femmes par exemestane pendant 3 ans. Les auteurs projettent que ce nombre tombera à 26 avec 5 ans d’exemestane. Est-ce que cela participera à augmenter le recours à cette chimioprévention qui, avec le tamoxifène ou le raloxifène, est pour l’instant assez anecdotique (4 % des femmes à risque aux États-Unis et 0,08 % des Américaines entre 40 et 79 ans) et considérée comme n’apportant pas de bénéfice sur la santé globale ? Elle devra alors passer par une meilleure définition des femmes qui devraient en bénéficier le plus. L’enjeu est considérable, avec des retombées médico-économiques importantes.

Chlebowski RT, Col N, Winer EP, Collyar DE, Cummings SR, Vogel VG 3rd, Burstein HJ, Eisen A, Lipkus I, Pfister DG; American Society of Clinical Oncology Breast Cancer Technology Assessment Working Group. American Society of Clinical Oncology technology assessment of pharmacologic interventions for breast cancer risk reduction including tamoxifen, raloxifene, and aromatase inhibition. J Clin Oncol. 2002 Aug 1;20(15):3328-43.

 
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