Génomique et cancer du sein

INTRODUCTION

Le Graal du cancérologue moderne est de personnaliser la prise en charge thérapeutique du cancer du sein, entité aux facettes multiples qui recouvre différents types tumoraux mais aussi un large spectre de situations cliniques.

La génomique, qui consiste en la caractérisation du nombre de copies, des mutations ou du niveau d'expression des gènes de la tumeur ou du patient, a été rendue possible grâce à la conjonction de la publication de la séquence du génome humain en 2001 et du développement de technologies d’analyse moléculaire à haut débit. Elle peut aujourd'hui guider la décision thérapeutique en aidant à mieux définir :
1/ les facteurs pronostiques, qui traduisent la probabilité de poursuite évolutive du cancer (voire à préciser le type de métastase) en l'absence de traitement et,
2/ prédictifs tumoraux, qui permettent d'évaluer la probabilité de réponse ou, a contrario, de résistance aux traitements.
Elle permet aussi de chercher les facteurs prédictifs, liés aux patients, d’efficacité ou de tolérance à ces mêmes traitements.

GÉNOMIQUE TUMORALE ET FACTEURS PRONOSTIQUES DU CANCER DU SEIN

Depuis la définition des classes (sous-types) moléculaires par Perou, Sorlie et al. en 2001, de nombreuses signatures génomiques liées à l'expression génique des tumeurs (appelées alors transcriptomiques), ont été corrélées au pronostic métastatique du cancer du sein.
Trois d'entre elles, validées sur des séries indépendantes, ont un développement commercial :
1/ Mammaprint, commercialisé par la compagnie Agendia (Amsterdam, Pays-Bas), est réalisé à partir d’une puce mesurant l’expression de 70 gènes d’intérêts sur du matériel frais ou congelé.
2/ le Recurrence Score commercialisé sous le nom d’Oncotype DX par la société Genomic Health (Redwood, États-Unis) repose sur la PCR quantitative pour mesurer l’expression de 16 gènes d’intérêt et 5 gènes de calibration sur des prélèvements fixés et conservés en bloc de paraffine. Il a été considéré à l’ASCO en 2007 comme un marqueur de risque de récidive suffisamment convainquant pour recommander son utilisation en pratique de routine.
3/ Le Grade Génomique, commercialisé sous le nom de Mapquant DX par la compagnie Ipsogen (Marseille, France) nécessite l’analyse d’expression de 97 gènes sur échantillons congelés.

Des études portant sur plusieurs milliers de patientes sont en cours pour savoir dans quelle mesure ces signatures génomiques apportent un bénéfice cliniquement perceptible en termes de pronostic et de recours à la chimiothérapie. Ces signatures historiques, même si elles n'ont que peu de gènes en commun, semblent cependant apporter une information assez redondante puisqu'elles reposent toutes sur un trépied portant sur les voies :
1/ des récepteurs aux estrogènes,
2/ du gène ERBB2 (protéine HER2) et,
3/ de la prolifération.
Le bénéfice des signatures transcriptomiques pourrait ainsi être surtout lié à l'uniformisation des procédures pré-analytiques et analytiques qui font parfois défaut aux études immuno-histochimiques correspondantes (ER, HER2, Ki67).

Les nouvelles signatures transcriptomiques évaluant des processus biologiques tels que la cicatrisation, l'invasivité tumorale, l'hypoxie cellulaire ou encore la radiorésistance, peuvent également être liées au pronostic du cancer du sein en situation adjuvante.

GÉNOMIQUE TUMORALE ET FACTEURS PRÉDICTIS DE SENSIBILITÉ DU CANCER DU SEIN

Les auteurs ont également cherché à prédire la réponse tumorale à un traitement, tel que la chimiothérapie. La situation des traitements médicaux néoadjuvants, préopératoires sont ici un modèle privilégié pour définir une « signature de réponse tumorale ». La plupart des études ont porté sur la réponse à la chimiothérapie. Une étude, menée au NKI (Amsterdam, Pays-Bas), à l'IGR (Villejuif, France) et au Carolinska (Stockholm, Suède) est également en cours pour rechercher une signature de réponse à la radiothérapie.

Le but ultime est de pouvoir définir le traitement « sur-mesure » du cancer du sein, particulièrement à son stade métastatique. Von Hoff et al. ont ainsi montré que la caractérisation moléculaire (TargetNow, commercialisé par Caris Life Sciences, Phoenix, États-Unis) des cancers du sein au stade métastatique devrait permettre d'augmenter les chances de contrôle de la maladie.

GÉNOMIQUE PATIENT ET FACTEURS PRÉDICTIS D'EFFICACITÉ TUMORALEOU DE TOXICITÉ DES TRAITEMENTS

La pharmacogénétique est l'étude de l’influence du génotype sur la variabilité de la réponse à un traitement médicamenteux, lié le plus souvent à un métabolisme inhabituel de ce médicament. En présence d’une dose standard de médicament, certains individus vont donc s’éloigner de la réponse attendue, en présentant soit une diminution ou une absence d’efficacité soit des effets indésirables ou une toxicité.
Deux exemples illustrent ceci dans le cancer du sein : le tamoxifen et le 5FU.
Le tamoxifen peut en effet être considéré comme une pro-drogue ; il est transformé par une enzyme hépatique, le cytochrome P450 2D6, en hydroxy-tamoxifen qui a beaucoup plus d'affinité pour le récepteur à l'œstradiol que le tamoxifen lui-même. L'effet du génotypage du cytochrome sur la probabilité d'efficacité ou de toxicité du tamoxifen est toujours débattu .
Le 5FU est quant à lui un médicament de chimiothérapie métabolisé par la Dihydropyrimidine dehydrogenase (DPD). La déficience dans l'activité de cette enzyme, qui frapperait jusqu'à 8 % de la population, a été associée à un risque élevé de développer des toxicités, parfois sévères, au 5FU et fait discuter sa mesure systématique dans le bilan pré-chimiothérapie.

La radiogénomique, est le pendant de la pharmacogénétique pour la radiothérapie. Elle a pour but de découvrir les facteurs de risque génétiques de développer une toxicité induite par la radiothérapie. Un nombre croissant d’articles rapportent des associations entre des variants génétiques fréquents comme les polymorphismes d’un simple nucléotide (SNPs) et l’altération de l’expression ou de la fonction de gènes qui peuvent ainsi contribuer à modifier la radiosensibilité individuelle . Ces variations génomiques peuvent également être corrélées à modifications de tests fonctionnels tels que l'apoptose radio-induite de lymphocyte CD8.

CONCLUSION

La génomique tumorale et du patient semble, à l'évidence, un outil précieux dans la décision thérapeutique du cancer du sein. Cela ne signifie par pour autant qu'en l'absence de cette aide, toute velléité de faire du « sur-mesure » est vaine ! Un effort doit être fait pour intégrer dès à présent les facteurs pronostiques ou prédictifs de réponse thérapeutique validés (Ki67, HER2, UPA/PAI1) dans les modèles (tels qu'AdjuvantOnline) ou les arbres de décision thérapeutique. De la même façon, malgré l'absence de données SNP, le radiothérapeute doit être en mesure d'adapter le fractionnement et la dose totale de radiothérapie en fonction de données morphologiques ou médicales de la patiente.

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