Cancer du col : les différents algorithmes de dépistage dans le monde

Le dépistage du cancer du col en France et dans le monde a beaucoup évolué au cours de ces dernières années, en effet on est passé au cours des années 1990 du frottis avec étalement sur lame, au frottis en suspension liquide (ou encore appelé en couche mince) puis depuis 2019 au dépistage par le test HPV.

En fait on est passé de la recherche des anomalies cytologiques liées au virus HPV, à la recherche de la présence de leur cause, c’est-à-dire à la recherche de la présence ou non du papilloma virus (ou HPV).

La sensibilité du test HPV a montré dans toutes les études, une augmentation du dépistage des lésions précancéreuses malpighiennes mais également glandulaires (si difficiles à dépister par la cytologie seule), et grâce à cela une diminution à plus long terme des cancers invasifs du col utérin.

Mais la fréquence de sa positivité avant 30 ans (entre 20 & 30 %) rend sa recherche potentiellement alarmante et peu discriminante pour un virus dont la clearance naturelle dans cette tranche d’âge est importante. Cependant si la valeur prédictive négative du test HPV (VPN supérieure à 99 %) permet de rassurer les patientes (HPV neg.) et d’espacer les tests tous les 5 ans (en France), sa valeur prédictive positive faible (VPP de l’ordre de 7 %) ne permet pas d’explorer toutes les patientes HPV positives et demande donc de « trier » ou sélectionner celles qui seront adressées en colposcopie afin d’identifier une éventuelle lésion cervicale (ou parfois vaginale).

En France l’HAS a choisi d’envisager un dépistage toujours cytologique entre 25 & 29 ans tous les 3 ans après 2 frottis négatifs (soit à 25, 26 puis 29 ans) puis un dépistage par le Test HPV (à la recherche des seuls HPV dits à haut risque :  16,18,31,33,39,45,51,56,59,66 &68) tous les 5 ans entre 30 & 65 ans.

  • Entre 25 & 29 ans une colposcopie est indiquée en cas de cytologie : ASCUS HPV hr+ ; AGC HPV hr+ ; LSIL, ASC-H, Haut grade ou Adénocarcinome.
  • Entre 30 & 65 ans en cas d’HPV hr positif un triage secondaire est réalisé par cytologie :
    • Si la cytologie est négative un nouveau test HPV sera réalisé après un an et en cas de négativité la patiente retourne dans le dépistage si en revanche l’HPV reste positif après 1 an elle sera adressée en colposcopie
    • Si la cytologie montre une anomalie, la patiente sera dès lors adressée en colposcopie

Cette stratégie ne tient pas compte du génotypage des HPV dits à haut risque dont tous n’ont possiblement pas le même potentiel et par ailleurs repose sur un examen réalisé par un professionnel de santé sur un prélèvement cervico-utérin (avec mise en place d’un speculum et visualisation du col) autorisant seul une cytologie secondaire dite de « triage ».

D’autres pays qui ont bénéficié d’une large couverture à la fois de dépistage et de vaccination comme l’Australie ont mis en œuvre depuis 2017 une stratégie un peu différente avec un seul dépistage virologique (test HPV avec génotypage partiel 16/18) entre 25 & 70 ans tous les 5 ans. La vraie différence repose en fait surtout sur l’algorithme de triage vers la colposcopie. Les premiers résultats publiés (sur plus de 3 Millions de frottis de première intention) montrent un taux de positivité globale des HPVhr de 8.6 % dont 2 % d’HPV 16/18 et 6.6 % d’HPV hr non 16/18. Les algorithmes semblent montrer l’importance du génotypage partiel en effet les patientes HPV 16/18+ ont un risque global de présenter une lésion de CIN2+ de 19.8 % et 0.98 % de cancer invasif et ceci sans tenir compte du résultat cytologique (risque de CIN2+ en cas de cytologie ASCUS ou LBG= 17.2 %). En revanche les patientes présentant un test HPV HR positif non 16/18 et une cytologie ASCUS ou bas grade ont un risque de CIN3+ de 3.4 % et représentent pourtant 62 % des indications de colposcopie qui pourraient être (selon les auteurs australiens) dès lors reportées après un an en cas de persistance de positivité.

D’autres pays comme les USA semblent réfléchir (sans pour l’instant le recommander) à l’utilisation du test CINTec (double immunomarquage p16 et Ki 67) dans le triage des HPV positifs qui ne seront adressés en première intention (pour une colposcopie) qu’en cas de positivité du double immunomarquage sans tenir compte de l’analyse morphologique cytologique. D’autres encore comme les pays bas semblent favoriser la pratique des autotests afin d’améliorer le taux de couverture du dépistage qui demandera donc en cas de positivité d’un test HPV, de pratiquer un prélèvement cervico-utérin de qualité afin de réaliser un triage cytologique, à moins de décider d’adresser d’emblée la patiente pour une colposcopie en cas d’HPV 16/18 positif ? mais également d’espacer tous les 10 ans les tests de dépistage…

La mise en place récente dans la plupart des pays à fortes ressources économiques du test HPV comme dépistage de première intention a bouleversé notre approche de la prévention du cancer du col utérin

Avec comme première donnée -qu’il faut savoir partager avec nos patientes- un test HPV positif ne signifie pas la présence d’une lésion précancéreuse ou cancéreuse et qu’il est nécessaire parmi celles-ci de savoir sélectionner celles qui seront adressées en colposcopie. La seconde est qu’une patiente HPV négative peut espacer les tests de dépistage (en France tous les 5 ans).

Enfin il faut insister sur l’organisation du dépistage (nationale ou régionale) qui permettra de solliciter les femmes dans la tranche d’âge décidé par chaque pays (en France entre 25 & 29 puis 30 & 65 ans) afin de leur proposer de bénéficier du test choisi. Cette organisation permettra également de recontacter les femmes « réfractaires ou réticentes » au dépistage mais également de suivre et reconvoquer (ou mobiliser) celles qui seraient perdues de vue après un test positif et ainsi d’améliorer globalement la prévention qui est le but premier de notre action avec la vaccination pour laquelle on ne saurait jamais assez insister…

Références

BMJ 2022 Mar 30;376:e068582. doi: 10.1136/bmj-2021-068582.

National experience in the first two years of primary human papillomavirus (HPV) cervical screening in an HPV vaccinated population in Australia: observational study

Megan A Smith 1Maddison Sherrah 2Farhana Sultana 3 4Philip E Castle 5Marc Arbyn 6 7Dorota Gertig 3 4Michael Caruana 2C David Wrede 8 9Marion Saville 9 10Karen Canfell 2 11

https://www.has-sante.fr/jcms/p_3192618/fr/depistage-du-cancer-du-col-de-l-uterus-le-test-hpv-hr-recommande-chez-les-femmes-de-plus-de-30-ans#:~:text=La %20HAS %20pr %C3 %A9conise %20de %20maintenir,de %2030 %20 %C3 %A0 %2065 %20ans.

https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/recommendation/cervical-cancer-screening

https://acsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.3322/caac.21628

https://www.acog.org/clinical/clinical-guidance/practice-advisory/articles/2021/04/updated-cervical-cancer-screening-guidelines

 

 
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