Radiothérapie intraopératoire du cancer du sein : Targit A trial a-t-il atteint sa cible

Se passer du mois et demi de radiothérapie postopératoire, après chirurgie conservatrice, le rêve ? est ce possible ?

Voici la première grande étude randomisée (28 centres, 9 pays) comparant une radiothérapie externe conventionnelle couvrant l’ensemble du sein (1119 patientes) à une radiothérapie intra-opératoire par Intrabeam (50kV, 20 Gy à la surface de l’applicateur, 5 à 7 Gy à 1cm) en une séance (1113 patientes) chez des patientes de plus de 45 ans pour qui une chirurgie conservatrice mammaire était indiquée pour un carcinome canalaire infiltrant unifocal.

Les caractéristiques des patientes incluses témoignent cependant d’une sélection plus stricte (environ 85% avaient >55 ans, pT1, grade 1-2, sans embole vasculaire, HER2-, RH+). Dans le bras TARGIT, 77% des patientes n’ont reçu que TARGIT. Les patientes (13%) qui présentaient, à l’analyse histologique définitive, des facteurs de risque de récidive locale (composante lobulaire infiltrante, carcinome intra-canalaire étendu ou tout autre facteur considéré comme tel par chaque centre) ont eu une radiothérapie externe sur le sein à l’exclusion de la zone traitée par radiothérapie intra-opératoire.  Le nombre de toxicités majeures était comparable entre les deux bras. Il n’existait pas non plus de différence significative en termes de contrôle local. Plusieurs points sont cependant assez décevants. Cette étude, présentée comme « pragmatique », ne donne aucune information sur la radiothérapie externe - dose médiane au sein, au lit de tumorectomie, fractionnement et autre étalements ne sont pas précisés. La vraie déception vient surtout du très court suivi des patientes. Dans la mesure où,  dans les 5 premières années, les récidives locales surviennent électivement à proximité du lit de tumorectomie, l’objectif principal de l’étude de non-infériorité à 5 ans (différence en risque absolu <2,5%) semblait déjà beaucoup trop précoce. Les différences risquent en effet d’apparaître au-delà de 5 ans avec, théoriquement, un risque de cancers ailleurs dans le sein, supérieur chez dans le bras avec irradiation partielle du sein (Freedman, Anderson et al. 2005; Gujral, Sumo et al. 2010). Les qualificatifs « robuste » et « mature » employés par les auteurs de cette étude rapportée avec un suivi médian (non précisé par les auteurs) autour de 2 ans sont donc très exagérés. Les taux de rechute locale (1,2% dans le bras TARGIT vs. 1% dans le bras externe) sont ceux actuariels à 4 ans, alors que moins de 20% des patients avaient un suivi de 4 ans !  Les arguments défendus par les partisans de la radiothérapie (ou curiethérapie) per-opératoire sont indéniables : absence de délai de mise en route de la radiothérapie, absence de risque d’erreur géographique. Les problèmes auxquels elle expose aussi : difficulté d’adapter au statut histologique définitif et surtout méconnaissance de l’efficacité et de la tolérance à long terme.

Hâtons-nous lentement ! D’autres études et des suivis plus longs sont nécessaires pour bien évaluer le ratio bénéfice/risque et d’éventuellement proposer la radiothérapie accélérée et partielle du sein comme un standard thérapeutique.

Freedman, G. M., P. R. Anderson, et al. (2005). "Pattern of local recurrence after conservative surgery and whole-breast irradiation." Int J Radiat Oncol Biol Phys 61(5): 1328-36.

Gujral, D. M., G. Sumo, et al. (2010). "Ipsilateral Breast Tumor Relapse: Local Recurrence Versus New Primary Tumor and the Effect of Whole-Breast Radiotherapy on the Rate of New Primaries." Int J Radiat Oncol Biol Phys.

Targeted intraoperative radiotherapy versus whole breast radiotherapy for breast cancer (TARGIT-A trial): an international, prospective, randomised, non-inferiority phase 3 trial
Jayant S Vaidya, David J Joseph, Jeffrey S Tobias, Max Bulsara, Frederik Wenz, Christobel Saunders, Michael Alvarado, Henrik L Flyger, Samuele Massarut, Wolfgang Eiermann, Mohammed Keshtgar, John Dewar, Uta Kraus-Tiefenbacher, Marc Sütterlin, Laura Esserman, Helle M R Holtveg, Mario Roncadin, Steffi Pigorsch, Marinos Metaxas, Mary Falzon, April Matthews, Tammy Corica, Norman R Williams, Michael Baum.
Lancet 2010,6736(10)60837-9

 
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