Analyse critique de l’article : Mac Arhur C. et al. « EPIDURAL ANAESTHESIA AND LONG TERM BACKACHE AFTER CHILDBIRTH » B.M.J. 1990; 301 :9-12 et 1992; 304 :1280

Il est intéressant et parfois surprenant de se pencher 21 ans plus tard sur un article accepté pour publication dans le B.M.J.  Celui-ci concerne le domaine de la péridurale et ses éventuels effets secondaires à type de céphalées chroniques. Le développement exponentiel de son utilisation en clinique obstétricale, mais aussi les évolutions majeures en termes de méthodologie des essais cliniques, justifient donc une nouvelle analyse.

L’objectif de cette étude était d’étudier les relations entre la péridurale et les céphalées chroniques post-natales, leur nature et leur prévalence. A cet effet, un questionnaire avait été rédigé puis adressé aux femmes ayant accouché à la maternité de Birmingham U.K. entre 1978 et 1985. Un total de vingt-cinq différents symptômes y était proposé.

Sur les 33 096 femmes répertoriées ayant donné naissance à leur dernier bébé, 11 701 femmes ont retourné leur questionnaire. L’article analyse de façon comparative la relation entre la péridurale et les céphalées chroniques à partir de ces 11 701 femmes, dont 4 766 avaient eu une péridurale et 6 935 n’en avaient pas eu. Environ 23%, soit 2 730 femmes, ont rapportées l’existence de céphalées apparues dans les trois mois et ayant persistées plus de six semaines. Mais 1 096 avaient déjà ces symptômes préalablement à leur accouchement et les femmes ayant signalé l’advenue de céphalées chroniques post-natales sont donc au nombre de 1 634.

Une association décrite par les auteurs comme « significative » a été trouvée entre la péridurale et les céphalées, soit 903 sur 4 766 femmes ayant eu une péridurale (18,9%) et 731 sur 6 935 femmes n’en ayant pas eu (10,5%).

Les auteurs concluaient qu’une relation entre la survenue de céphalées chroniques post-natales et la pose d’une péridurale est probable. L’hypothèse qu’ils évoquaient est celle d’une concordance entre les effets mécaniques de l’analgésie péridurale sur la statique rachidienne pendant l’accouchement, perturbée par la relaxation musculaire et l’abolition de la douleur. Ils proposaient de procéder, après concertation avec leurs collègues orthopédistes et physiothérapeutes, à un essais de prévention axé sur la posture pendant le travail.

La lecture de cet article et le sérieux de la revue auraient pu avoir un impact très négatif sur le développement de l’analgésie obstétricale, telle que nous l’utilisons couramment aujourd’hui. Il n’en a heureusement rien été.

Presque deux ans plus tard, des éléments complémentaires sur cette étude dont les populations étudiées, absentes de la publication princeps, étaient publiés dans le B.M.J. On a pu alors noter l’existence de différences majeures entre les caractéristiques des deux groupes, (groupe I / péridurale - groupe II / sans péridurale) :

48,8% de primipares dans le groupe I contre 26,8% dans le groupe II (p<0,001),

2,3% de grossesses multiples dans le groupe I contre 0,8% dans le groupe II (p<0,001)

12,9% d’hypertension dans le groupe I contre 6,4% dans le groupe II (p<0,001),

19,8% de travail déclenché dans le groupe I contre 7,1% dans le groupe II (p<0,001),

30,1% de forceps dans le groupe I contre 6,1% dans le groupe II (p<0,001),

18,5% d’hémorragies du post-partum dans le groupe I contre 8,8% dans le groupe II (p<0,001).

Une quinzaine d’autres critères, dont certains tout aussi majeurs, révélaient des différences significatives entre ces groupes, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’étaient pas homogènes.

On peut également arguer du fait qu’il s’agissait alors d’une étude rétrospective et non prospective, basée sur le volontariat de réponse et dont le questionnaire ne semblait pas avoir été préalablement testé. Autant d’éléments critiquables aujourd’hui compte tenu des Bonnes Pratiques d’Essais Cliniques adoptées au niveau scientifique international.

En conclusion, les auteurs ont eu l’excellente idée de s’intéresser en 1990, soit vingt ans après l’adoption de la péridurale pour accouchement ou césarienne, aux complications possibles liées à son usage. Toutefois, la méthodologie utilisée et les us de cette époque en termes d’essais cliniques rendent évidemment caduques aujourd’hui leurs hypothèses et conclusions.

En 2011, soit encore une vingtaine d’années plus tard, la survenue de céphalées chroniques reste une des complications des ponctions péridurales, mais en nombre limité grâce à la bonne formation des praticiens. En dépit de cette complication, dont le traitement par blood patch s’est largement développé (1), l’utilisation et le service rendu par l’analgésie péridurale, tant pour la parturiente que pour l’équipe obstétricale, semblent justifier aujourd’hui sa large utilisation .

(1) Wrobel J., Blood patch et traitement des céphalées, Le Praticien en anesthésie réanimation (2011)15,128-132