Utilisation de la sonde urinaire de Foley pour le déclenchement du travail à terme

Lecture critique de l’article : Jozwiak et al. Foley catheter versus vaginal prostaglandin E2 gel for induction of labour at term (PROBAAT trial) : an open-label randomised control tria. Lancet 2011; 378: 2095-2103.

 

Les méthodes médicamenteuses et en particulier l’utilisation d’applications vaginales de prostaglandines sont aujourd’hui les techniques les plus utilisées pour le déclenchement du travail à terme en cas de col défavorable. Moins utilisées, les techniques mécaniques représentent pourtant une alternative intéressante. Si les laminaires sont relativement bien connus pour avoir été largement utilisés au siècle dernier, l’utilisation d’une sonde de Foley dans cette indication reste mal connue en France. Elle consiste à placer une sonde urinaire dans le canal cervical et à en gonfler ensuite le ballonnet dans le but de dilater le col et de permettre la stimulation cervico-uétrine et la mise en travail. Certaines équipes recommandent même de placer la sonde en légère traction. Quelle que soit la technique employée, le déclenchement du travail expose ces femmes à un risque accru de césarienne (1), ce risque pouvant en partie être expliqué par une stagnation de la dilatation en première partie de travail ou la survenue d’anomalies du rythme cardiaque foetal. Aussi, le choix de la technique utilisée dépend principalement de la mise en balance de son efficacité avec le risque d’hypertonie utérine, d’acidose fœtale, mais aussi d’autres paramètres comme le risque d’hémorragie de la délivrance, le risque infectieux maternel et néonatal.  La publication récente dans le Lancet d’un essai prospectif randomisé comparant l’efficacité de la sonde de Foley et les gels de prostaglandines E2 pour le déclenchement du travail à terme d’une grossesse monofoetale ayant des conditions cervicales défavorable apporte des données importantes quant à l’emploi des cette technique en pratique médicale courante (2).

Cette étude a été menée aux Pays-bas dans 12 maternités entre Février 2009 et Mai 2010. Ont été inclues les femmes enceintes à terme ayant une grossesse monofoetale en présentation céphalique, à membranes intactes, et dont le col était défavorable, caractérisé par un score de Bishop inférieur à 6. Les patientes ayant un antécédent de césarienne, un placenta praevia, une anomalie fœtale congénitale ou un antécédent d’hypersensibilité ou d’allergie à un des produits employés n’étaient pas inclues. Après l’inclusion, les patientes étaient randomisées entre un déclenchement à la sonde de Foley ou à l’aide d’un gel de Prostaglandines E2. Les patientes ayant été déclenchées par sonde de Foley avaient une sonde 16F ou 18F introduite dans le canal cervical lors d’un examen au spéculum après application locale d’une solution antiseptique. Le balonnet était gonflé par 30 mL de sérum physiologique ou d’eau stérile. La sonde était ensuite fixée à la cuisse, mais sans être placée en traction. Pour les patientes ayant eu un déclenchement par Prostaglandines, celles-ci recevaient un gel de 1mg (ou de 2 mg pour les nullipares) de Prostaglandines E2 (PGE2) suivies d’une nouvelle application d’un gel de 1 mg 6 heures plus tard avec un maximum de 2 gels administrés par 24 heures. La prise en charge par amniotomie et perfusion d’ocytociques était démarrée dès que le score de Bishop était supérieur ou égal à 6 ou si la sonde de Foley était spontanément expulsée. Dans le groupe recevant un gel de PGE2, la perfusion d’ocytocine n’était démarrée qu’au moins 6 heures après l’application du dernier gel. Lorsque, après 48 heures, et indépendamment de la technique de déclenchement employée, le col était toujours défavorable (Bishop < 6), un nouveau declenchement selon les mêmes modalités était redémarré après 24 heures de pause. L’échec du déclenchement était défini par un col toujours défavorable après 5 jours complets de déclenchement.

Au total, ce sont 824 patientes qui ont été inclues dans cet essai : 412 ont eu un déclenchement par sonde de Foley et 412 par PGE2. Les caractéristiques des patientes étudiées dans les deux groupes étaient tout à fait comparables, que ce soit pour l’âge, l’IMC, la parité, le score de Bishop initial, l’age gestationnel et l’utilisation d’analgésiques et/ou de l’anesthésie péridurale pendant le travail. Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes en terme de mode d’accouchement. En particulier, le taux de césarienne était comparable dans les deux groupes : 23 % dans le groupe sonde de Foley et 20 % dans le groupe PGE2 (p=0,38). Par contre, le taux de césarienne pour stagnation de la dilatation était significativement plus élevé pour les patientes ayant été déclenchées par sonde de Foley : 12 % vs. 8 %, respectivement (p=0,0218). De plus, le taux d’extraction pour anomalies du rythme cardiaque fœtal, qu’il s’agisse d’une césarienne ou d’une extraction instrumentale, était significativement plus élevé chez les patientes ayant été déclenchées par PGE2 : 12 % vs. 18 %, respectivement (p=0,0218). Les patientes ayant été déclenchées par sonde de Foley avaient besoin significativement plus fréquemment d’une augmentation des doses d’ocytocine durant le travail : 86 % vs. 59 %, respectivement (p<0,001) ; ces patientes avaient un délai entre le déclenchement et la naissance significativement plus long : temps médian de l’indication à la naissance de 29 heures (IC à 95 % : 15-35) vs. 18 heures (IC à 95 % : 12-33), respectivement (p<0,001). Concernant l’évaluation de la morbidité maternelle, aucune différence n’a été observée entre les deux groupes pour ce qui est du taux d’hémorragie de la délivrance, de transfusion sanguine ou d’infection maternelle du post-partum. En particulier, le taux de cas d’hypertonie utérine était comparable entre les deux groupes : 2 % vs. 3 %, respectivement (p=0,36). Enfin, pour ce qui est de l’évaluation de la morbidité néonatale, les nouveau-nés des deux groupes avaient un taux équivalent de score d’Apgar  <7 à 5 et 10 minutes de vie équivalent, et un taux équivalent de pH au cordon <7,10. Enfin, si les nouveau-nés du groupe PGE2 étaient significativement plus fréquemment admis en néonatologie (12 % vs. 20%, respectivement, p=0,0019), le taux d’admission en réanimation pédiatrique était comparable entre les deux groupes (p=0,73).

Cette étude apporte des informations clés sur les performances et les risques du déclenchement du travail à l’aide d’une sonde de Foley d’une patiente ayant une grossesse monofoetale à terme en présentation céphalique dont les conditions locales sont défavorables. Par rapport à l’utilisation d’un gel de PGE2, cette technique ne permet pas de réduire le risque de césarienne et expose à un risque d’hypertonie utérine et à une morbidité materno-fœtale comparables à ceux d’un gel de PGE2. En fait, le principal défaut de l’utilisation d’une sonde de Foley pour le déclenchement du travail est que celle-ci ne stimulera pas le moteur utérin de façon aussi marquée que le gel de PGE2 ; l’effet de cette technique semble être avant tout limité à la dilatation mécanique du col. Ceci aboutit à un délai moyen de prise en charge beaucoup plus long et à une consommation d’ocytocique plus importante. Si la surconsommation d’ocytocine chez ces patientes ne représente probablement pas un réel problème du fait de l’absence de sur risque hémorragique observé, l’augmentation de la durée du travail est, par contre, la principale limite à l’utilisation de cette technique dans nos maternités. On ne peut que regretter que cette étude n’ait pas évalué l’acceptabilité des patientes de ces différentes techniques de déclenchement. Néanmoins, avec un délai moyen entre le moment du déclenchement et la naissance plus long de 10 heures par rapport à celui observé en cas de déclenchement par gel de PGE2, il est probable que celle-ci soit moins bonne avec l’utilisation de la sonde de Foley. A ceci s’ajoutent les surcoûts et les modifications d’organisation engendrés par un tel rallongement de la durée de la prise en charge de ces femmes.

Pour en savoir plus :

  1. Alfirevic Z, Kelly AJ, Dowswell T. Intravenous oxytocin alone for cervical ripening and induction of labour. Cochrane database of systematic reviews (Online). 2009(4):CD003246.
     
  2. Jozwiak M, Oude Rengerink K, Benthem M, van Beek E, Dijksterhuis MG, de Graaf IM, et al. Foley catheter versus vaginal prostaglandin E2 gel for induction of labour at term (PROBAAT trial): an open-label, randomised controlled trial. Lancet.  Dec 17;378(9809):2095-103.

 
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