Contrats des gynécologues-obstétriciens avec les établissements de santé

Il arrive fréquemment qu’un gynécologue-obstétricien rencontre moins de problèmes avec ses patientes qu’avec l’établissement de santé dans lequel il opère/accouche/consulte…

Quelques exemples tout récents de jurisprudences utiles dans de telles circonstances

  1-Légèreté blâmable de la Clinique dans l’exercice de son refus d’agrément d’un successeur de gynéco-obstétricien décédé

  2-L’absence de recrutement par la Clinique de Gynéco-Obstétriciens pratiquant les césariennes justifie que certains gynéco-obstétriciens aient résilié leur contrat

  3-Obligation pour la Clinique qui transfère sa maternité vers un hôpital d’indemniser les Gynéco-Obstétriciens faute d’avoir respecté le délai de préavis de deux ans

 4-Le droit d’usage de lits ne confère pas un droit de propriété négociable sans le contrat d’exercice

  5-Mais les Gynéco-Obstétriciens ne gagnent pas toujours leurs procès

 

Cour d’appel de Lyon, 14 avril 2011 (Chambre civile 1, n° 09/03321) :

Légèreté blâmable de la Clinique dans l’exercice de son refus d’agrément d’un successeur de Gynéco-Obstétricien décédé

Un gynécologue-obstétricien titulaire à la Clinique du T. d’un contrat d’exercice libéral cessible décède. Sa succession signe avec le Dr B. un compromis de cession de patientèle civile, sous condition suspensive de son agrément par la Clinique, pour qu’il puisse y accoucher et opérer. Il commence à exercer à titre provisoire et un anesthésiste formule des réserves sur ses pratiques médicales. La commission médicale d’établissement, dont l’avis est sollicité, s’abstient et la Clinique du T. refuse son agrément au candidat à la succession du praticien décédé. La Cour rappelle que le refus d’agrément est un droit pour la Clinique et que celui qui s’en plaint supporte la charge de la preuve d’un abus. En l’espèce, il est jugé exactement : « Les conditions dans lesquelles le refus a été pris et notifié au Dr B. et l’attitude qui s’en est suivie caractérisent une légèreté blâmable et une attitude déloyale dans l’exercice du droit de refus d’agrément, la décision ayant été prise de manière inconséquente, précipitée et pouvant apparaître, comme discriminatoire à l’égard d’un médecin contre lequel s’élevaient les médecins anesthésistes de la Clinique alors que les autres, dans sa spécialité, n’avaient aucun grief à énoncer. Cette décision de refus d’agrément prise sans aucune précaution véritable quant au fond de la controverse qui devait, par la suite, se révéler sans fondement, est une décision fautive à l’égard du Dr B. qui n’a pas pu poursuivre son activité comme il le prévoyait. […] La Clinique du T. a donc commis une faute civile dans l’exercice de son droit de refuser l’agrément au Dr B. dès lors qu’elle connaissait l’étendue de la controverse entre médecins notamment parce que son directeur avait assisté à la CME qui n’est pas une commission administrative mais une commission médicale ; elle a manqué de prudence en prenant la décision de ne pas donner son agrément et de le refuser après la CME […] sans prendre la précaution d’être mieux informée sur les compétences professionnelles de ce dernier, mises en doute par les anesthésistes. » 50 000 euros de dommages-intérêts au gynécologue-obstétricien évincé abusivement.

Cour d’appel de Lyon, 29 mars 2011 (Chambre civile 1, n° 09/02616) :

L’absence de recrutement par la Clinique de Gynéco-Obstétriciens pratiquant les césariennes justifie que certains GO aient résilié leur contrat

Toujours à Lyon, 3 obstétriciens exerçant à la Polyclinique des M. vendent leurs actions à une Mutuelle qui reprend l’établissement en en regroupant la maternité avec celle de la Clinique de la R. voisine. Tous les médecins ne pratiquant pas les césariennes, faute de qualification chirurgicale, ce qui générait un surcroît de gardes pour les médecins habilités, qui ont pris soin de faire prendre l’engagement par la Clinique « de procéder au recrutement de médecins spécialistes en gynécologie-obstétrique pour renforcer l’équipe actuelle de manière qu’elle comprenne 4 gynécologues-obstétriciens effectuant des césariennes ». L’arrêt précise : « Il ne peut être contesté que ces dispositions étaient déterminantes pour les médecins signataires de ces contrats puisque le préambule le rappelle expressément. […] Il est constant que la Polyclinique des M. n’a effectué aucun recrutement conforme à ses engagements […]. Il n’apparaît nullement des pièces produites que le non-respect de l’engagement de la Polyclinique d’effectuer l’embauche de médecins spécialistes en gynécologie-obstétrique ait pour origine l’opposition des médecins en place. […] Dès lors c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la Polyclinique des M. n’ayant pas rempli ses obligations, les Drs F. M. et M. ont pu justement résilier leur contrat et dit que l’indemnité de résiliation était due en l’absence de toute faute […]. »

Cour d’appel d’Aix en Provence, 26 janvier 2010 (Chambre civile 1, n° 08/19445) :

Obligation pour la Clinique qui transfère sa maternité vers un hôpital d’indemniser les GO faute d’avoir respecté le délai de préavis de deux ans

L’arrêt ne porte que sur la réparation du non respect par la Clinique la R. d’un délai de préavis de deux ans avant la fermeture de sa maternité et juge : « La Clinique la R. s’oppose au principe du paiement en invoquant, par son appel incident, le fait que la rupture du contrat de collaboration est imputable aux torts exclusifs du Dr A. […] ; Attendu que la lettre de rupture adressée le 24 décembre 2001 informant le Dr A. qu’il serait mis fin au contrat à compter du 31 janvier 2002 n’invoque aucun grief de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les problèmes auxquels la Clinique la R. a été confrontée face aux exigences de l’Agence Régionale d’Hospitalisation ayant abouti à la décision de fermeture de la maternité et à son transfert vers l’hôpital Saint-Joseph étaient de nature structurelle et généraux, sans aucune faute caractérisée de la part du Dr A. ». La Cour ordonne l’indemnisation du gynécologue-obstétricien en prenant en considération le nombre d’accouchements annuels réalisés dans l’établissement, dès lors qu’il avait un cabinet en ville et une activité non exclusive à la Clinique la R.

Cour d’appel de Limoges, 8 juin 2010 (Chambre civile, n° 09/0833) :

Le droit d’usage de lits ne confère pas un droit de propriété négociable sans le contrat d’exercice

Une GO, le Dr C., est titulaire d’un contrat de gynécologie-obstétrique, cessible, avec usage prioritaire de quatre lits et interdiction pour la Clinique S.-G. de laisser d’autres praticiens de la même spécialité venir exercer dans l’établissement, à l’exception de 3 nommés, qui constituent ultérieurement une SCP. Le contrat prévoit que lorsqu’elle cessera son exercice, elle peut présenter deux successeurs dans un délai de 6 mois, et, si la Clinique n’en agrée aucun, elle doit à son tour présenter au praticien 2 successeurs dans les 6 mois. Le Dr C. ne présente finalement personne à la Clinique, mais réclame le prix de cession « de ses 4 lits de gynécologie-obstétrique » que la Clinique concède après le départ du Dr C. à la SCP. Contrairement au jugement du tribunal de Brive qu’elle annule, la Cour de Limoges retient qu’il n’est pas établi que le Dr C. ait effectivement présenté deux successeurs à la Clinique S.-G. dans le délai prévu de 6 mois. « Que dès lors elle a perdu tout droit sur l’usage prioritaire de 4 lits de GO et n’est pas fondée à se plaindre de ce que cet usage prioritaire aurait été ultérieurement accordé à la SCP ». Le Dr C. affirme que c’est la SCP qui lui a demandé de ne pas céder son droit d’usage prioritaire afin de lui permettre de prendre un nouvel associé. « Que si ce fait est de nature à engager la responsabilité délictuelle de la SCP, encore faut-il que la preuve en soit rapportée car il est expressément contesté par celle-ci. […] Attendu que le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait. » Le Dr C. est déclarée mal fondée et déboutée.

Mais les Gynéco-Obstétriciens ne gagnent pas toujours leurs procès :

La Cour d’appel de Montpellier (chambre 1, n° 09/02100) a débouté, par un arrêt du 17 mars 2010, une gynécologue-obstétricienne dont la Clinique ND de l’E. avait résilié le contrat verbal d’exercice libéral sans préavis et qui demandait des dommages-intérêts pour rupture abusive. L’arrêt expose : « Il résulte des nombreuses attestations versées au dossier, émanant de sages femmes, d’infirmières et de médecins ayant travaillé avec la requérante que cette dernière de manière habituelle manquait totalement d’hygiène et ne respectait pas les principes de base en matière d’asepsie tant en salle d’accouchement qu’au bloc opératoire. Toutes les attestations font état de fortes odeurs corporelles, d’urine et d’excréments de chats […] La Clinique produit deux articles de presse faisant état de la découverte dans un immeuble appartenant à la requérante de 45 chiens, 15 chats et 35 cadavres d’animaux. […] La situation est allée en se dégradant pour atteindre son paroxysme en 2005 à tel point que les sages femmes et un médecin anesthésiste ont manifesté leur refus de travailler avec le Dr P. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la rupture sans préavis des relations contractuelles n’est pas fautive, la Clinique ne pouvant courir le risque de voir sa responsabilité engagée par les conséquences de tels manquements. »

La Clinique ND de l’E. ce n’est pas la SPA !...

 
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