Fausse couche tardive : quelle prise en charge ? Bilan des dernières recommandations pour la pratique clinique du CNGOF

INTRODUCTION

Chaque année, les journées nationales du CNGOF sont l’occasion de présenter les recommandations pour la pratique clinique (RPC) éditées par différents groupes de travail. Ces recommandations ont une réelle importance pour notre pratique clinique car elles permettent d’adapter notre prise en charge aux données actuelles de la littérature médicale en fonction des niveaux de preuve donnés par celle-ci. Si elles sont utilisées par les Gynécologues Obstétriciens dans leur pratique quotidienne, elles servent également de référentiel pour es experts devant les tribunaux en cas de problème médico-légal. Lors des dernières journées du CNGOF qui se sont tenues début décembre, ont été présentées les RPC sur les « Pertes de grossesse » (1). Ce texte apporte des précisions importantes sur la manière optimale de prendre aujourd’hui en charge une fausse-couche tardive (FCT). Comme toujours, ces RPC sont exprimées en grades (A, B ou C) selon les niveaux de preuve dont on dispose dans la littérature. Pour mémoire, on retiendra qu’un niveau de preuve A correspond à une preuve scientifique établie. Un niveau de preuve B correspond à une présomption scientifique et un niveau de preuve C correspond à un faible niveau de preuve.

DÉFINITION ET FACTEURS DE RISQUE

La définition de la FCT retenue par le CNGOF est l’expulsion spontanée d’une grossesse entre 24 SA et 22SA (2). Globalement, on retiendra que la FCT concerne moins de 1 % des grossesses (3). Par ailleurs, les facteurs de risque démontrés de FCT sont : un âge maternel extrême (<16 ans et >35 ans), le fait de vivre seul ou de ne pas être mariée, la privation de sommeil, un faible niveau d’éducation, un antécédent de fausse-couche précoce, de FCT ou d’accouchement prématuré, l’existence d’une malformation utérine, un antécédent de trachélectomie, l’existence d’une vaginose bactérienne, la réalisation d’une amniocentèse (surtout si elle est réalisée après 18 SA), un col court (longueur cervicale échographique  <25 mm) au second trimestre de la grossesse et enfin un col ouvert que la poche des eaux soit dans le vagin ou non (1, 3).

PRISE EN CHARGE D’UNE MENACE DE FCT

Celle-ci est définie par la présence de modifications cervicales éventuellement associée à la présence de contractions utérines survenant à partir de 14 SA et avant 22 SA, quel que soit l’état de la poche des eaux (rompue ou non) (4). Pour ces patientes, le bilan initial doit comprendre un examen au spéculum cherchant à préciser sir la poche des eaux est visible (Grade B), la réalisation d’un bilan infectieux (Grade B) comportant la mesure de la température maternelle, du pouls maternel, la recherche de contractions utérines, une NFS et un dosage de la CRP. L’interrogatoire est un temps important de la prise en charge de ces patientes et il recherche en particulier un antécédent de FCT et/ou d’accouchement prématuré (Grade A). Concernant la prise en charge de ces patientes, les RCP distinguent deux situations cliniques.

Pour les patientes présentant une menace de FCT imminente caractérisée par un col ouvert, qu’il soit associé ou non à une protrusion de la poche des eaux dans le vagin à l’examen au spéculum, un cerclage selon la technique de Mc Donald,  est indiqué uniquement si l’on s’est assuré de l’absence de rupture de la poche des eaux et/ou de chorioamniotite (Grade C). La chorioamniotite sera éliminée grâce aux résultats du bilan : absence de contractions utérines, patiente apyrétique, ayant un pouls normal et ayant un bilan infectieux négatif. Le cerclage sera alors réalisé en urgence et devra être combiné à une tocolyse par Indométacine et à une antibiothérapie (Grade C). On notera que la réalisation d’un cerclage combiné à une tocolyse par indométacine et à une antibiothérapie pour ces patientes, est une recommandation de grade C, car basée sur uniquement quelques essais prospectifs, dont un seul a été randomisé avec de tous petits effectifs (niveaux de preuve faibles).

Pour les patientes ayant une menace de FCT caractérisée par un col court isolé (longueur cervicale échographique <25 mm), on indiquera un traitement par progestérone vaginale quotidienne (90-200 mg par jour) jusqu’à 34 SA après avoir éliminé la présence de contractions utérines dont la présence contre indiquera cette prise en charge. Il s’agit ici d’une recommandation de grade A (4). Cette recommandation soulève bien évidemment la question de l’intérêt du dépistage avec mesure systématique de la longueur cervicale au cours de la grossesse. Il est important de souligner, que ces RCP n’indiquent pas la réalisation de ce dépistage systématique mais qu’une telle prise en charge pourra être proposée lors de la découverte fortuite d’un col court chez une patiente enceinte. Si la progestérone vaginale a fait la preuve d’un réel bénéfice pour ces patientes, le cerclage n’est par contre pas indiqué (4). Il ne sera indiqué chez une patiente ayant un col court que si elle a un antécédent de FCT et/ou d’accouchement prématuré (5). Il s’agit alors d’une recommandation de grade A.

Pour le pessaire, il n’existe actuellement pas de données permettant d’indiquer sa pose chez une patiente ayant une menace de FCT. Il en est de même pour le traitement par antibiothérapie d’une vaginose bactérienne en cas de menace de FCT. Concernant la mise au repose des patientes, il n’existe à ce jour aucune étude ayant évalué sont bénéfice spécifique en cas de menace de FCT. Il n’est donc pas recommandé d’indiquer des mesures de repos spécifiques en dehors des règles de bon sens à donner dans cette situation.

PRISE EN CHARGE D’UNE PATIENTE AYANT UN ANTÉCÉDENT DE FCT

Parce qu’une patiente ayant déjà fait une FCT est à risque d’en faire un autre, une prise en charge adaptée et en particulier un bilan post-FCT s’impose (5). Celui-ci devra tout d’abord éliminer la présence d’une malformation utérine et plus particulièrement un utérus à fond arqué, un utérus cloisonné ou un utérus bicorne (Grade C). Pour cela, on réalisera au choix soit une échographie 2D ou 3D, ou une hystéroscopie, ou une IRM pelvienne ou une hystérosonographie. Si un de ces examens est indiqué, il est impossible aujourd’hui d’en recommander un plus particulièrement. Par contre, l’hystérosalpingographie n’est pas indiquée ici car ses performances diagnostiques sont, dans ce contexte, moins bonnes que celles des examens suscités (Grade A).  La découverte d’une cloison utérine fera indiquer sa section par hystéroscopie opératoire (Grade C). La réalisation d’une métroplastie d’agrandissement de la cavité utérine peut se discuter chez la patiente ayant un utérus en T mais n’est pas indiquée de principe.  Pour les anomalies acquises de la cavité utérine (myome, polype, synéchie…), leur correction chirurgicale ne sera indiquée que chez a patiente ayant au moins trois antécédents de fausse-couche précoce ou tardive (Grade C). Enfin, et ce point est important, les RCP soulignent que le terme d’incompétence cervicale ne doit pas être utilisé car il n’existe aucun consensus permettant de la définir et ce terme désigne des situations cliniques très différentes les unes des autres dans la littérature. Il n’existe donc pas de consensus pour définir ce concept et pas suffisamment de preuves pour indiquer la réalisation d’un test à la bougie ou tout autre test de ce type dans le bilan post-FCT (5).

Concernant la prise en charge d’une patiente ayant une nouvelle grossesse après une FCT, la réalisation d’un cerclage de principe n’est pas indiquée (Grade A). On indiquera par contre la réalisation d’une mesure de la longueur cervicale échographique entre 15 et 24 SA (Grade B). Un cerclage ne sera indiqué que si on met en évidence un col court (<25 mm) avant 24 SA (Grade A) (5). Le cerclage prophylactique sera finalement indiqué qu’après la survenue de 3 FCT ou de 3 accouchements prématurés (Grade B). On réalisera préférentiellement dans ces cas un cerclage selon la technique de Mc Donald (Grade C). Le cerclage cervico-isthmique est à réserver aux patientes ayant eu un échec d’un cerclage conventionnel (Grade A). Chez les patientes ayant un antécédent de FCT, l’utilisation de pessaire ne peut pas être recommandée du fait de données de la littérature contradictoires et encore insuffisantes. Concernant la prescription d’un traitement par progestérone, même si la littérature suggère qu’un tel traitement permette de diminuer la prévalence des accouchements prématurés et de la morbi-mortalité néonatale, il est encore malheureusement impossible de recommander une molécule particulière, une quelconque voie d’administration, un dosage optimal, une durée de traitement (5).

CONCLUSION

Ces RPC apportent des indications nouvelles et surtout des précisons quant aux bonnes indications du cerclage. On retiendra que celui-ci est indiqué « à chaud » chez la patiente ayant une menace de FCT caractérisée par un col ouvert, qu’il soit associé ou non à une protrusion de la poche des eaux dans le vagin à l’examen au spéculum, en  l’absence de rupture de la poche des eaux et/ou de chorioamniotite. Il sera alors combiné à une tocolyse par Indométacine et à une antibiothérapie. Le cerclage n’est par contre pas indiqué chez une patiente chez laquelle on met en évidence un col court isolé (<25 mm) avant 24 SA ; dans cette situation, on indiquera la prescription d’un traitement par progestérone vaginale. Finalement, le cerclage ne sera indiqué chez une patiente ayant un col court que sil elle a déjà un antécédent de FCT et/ou d’accouchement prématuré.
 

POUR EN SAVOIR PLUS

  1. Huchon et al. Pertes de grossesses : recommandations pour la pratique clinique – Texte court. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):918-928.
  2. Delabaere et al. Standardisation de la terminologie des pertes de grossesse : consensus d’experts du Collège Nationale des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF). J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):756-763.
  3. Delabaere et al. Epidemiologie des pertes de grossesse. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):764-775.
  4. Carcopino X et al. Menace de fausse-couche tardive. Recommandations françaises. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):842-855.
  5. Capmas et al. Prise en charge d’un antécédent de fausse-couche tardive (14 à 22 SA). J Gynecol Obstet Biol Reprod 2014;43(10):856-864.

 
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