Augmentation du risque vasculaire artériel et contraception hormonale : résultats d’une étude de croisement de registres danois

Près de 250 millions de femmes dans le monde utiliseraient une contraception hormonale selon l’OMS. Toutes les contraceptions hormonales ont une efficacité similaire et satisfaisante pour éviter les grossesses non désirées. Le risque potentiel lié à l’utilisation de ces contraceptions est un point essentiel à évaluer lors de toute prescription de contraception hormonale.

Les études antérieures avaient suggéré une augmentation possible du risque d’accident vasculaire ischémique cérébral (AVCI) et d’infarctus du myocarde (IDM) associés à l’utilisation d’une contraception hormonale. La plupart de ces études ont évalué l’influence des pilules combinées sur le risque artériel, mais il existe peu de données sur les autres voies d’administration des estroprogestatifs (anneaux vaginaux et les patchs transdermiques) et sur les contraceptions progestatives seules comme les pilules progestatives, les dispositifs intra-utérins hormonaux, les implants sous-cutanés et les injections intramusculaires.

Une étude de cohorte danoise, publiée en 2012, analysait l’association des AVCI et IDM avec différents types de contraceptions hormonales et avait montré une augmentation du risque avec les contraceptifs combinés oraux et administrés par voie vaginale.

Une nouvelle étude nationale danoise prospective de croisement de registres vient d’être publiée analysant l’association des contraceptions hormonales actuelles sur le risque d’AVCI et d’IDM selon le type d’estrogènes, la dose, la voie d’administration et le type de progestatif associé dans les contraceptions combinées et le type de progestatif et son mode d’administration pour les contraceptions purement progestative. La durée d’utilisation des différentes contraceptions était aussi étudiée.

Les auteurs ont ainsi analysé toutes les femmes danoises, âgées de 15 ans à 49 ans entre les années 1996 et 2021 sans antécédent médical vasculaire, ni de cancer, de thrombophilie, d’anomalies hépatique ou rénale, d’utilisation d’anti-psychotiques, de traitement contre l’infertilité, de thérapeutique hormonale, de chirurgie ovarienne ou utérine, de syndrome des ovaires polykystiques, ou d’endométriose

Ils ont utilisé six registres nationaux différents pour avoir les informations concernant toute la population féminine, l’utilisation de leur contraception hormonale, la survenue d’AVCI ou IDM.

Un total de 2 025691 femmes âgées de 15 à 49 ans, ont ainsi été suivies représentant 22 209 697 personnes/année. Durant ce suivi, 4730, AVCI et 2072 infarctus du myocarde sont survenus. Un total de 93 femmes (2 %) ont été victimes d’un AVCI et 185 (8,9 %) ont eu un IDM, entraînant le décès dans les 30 jours suivant le diagnostic.

Concernant les contraceptions hormonales combinées:

  • Voie orale :
    • Le taux standardisé d’AVCI était de 39 pour 100 000 femmes/années (36 –  42 IC 95% ) et le taux d’infarctus de 18 pour 100 000 femmes/années (16 - 20) ce qui correspond à un risque accru d’AVCI de 2.0 (1,9 - 2,2) et de 2.0 (1.7 - 2.2) pour les IDM
    • Concernant le dosage en ethynil-estradiol : il ne semble pas y avoir de différence pour les AVCI et probablement aussi pour les IDM pour les pilules contenant 20 µg d’ E.E comparativement aux pilules plus fortement dosées à 30 ou 40 µg
    • Les données concernant les pilules contenant de l’estradiol ne permettent pas d’estimer de risque compte tenu du très faible effectif d’utilisatrices.
  • Voies non orales :
    • Voie vaginale : en comparaison aux femmes n’utilisant pas de contraception hormonale l’utilisation d’un anneau vaginal était associé à une augmentation du risque d’AVCI : RR= 2.4 (1.5 - 3.7) et de 3.8 (2.0 - 7.3) pour les IDM, correspondant à une différence de 28 cas pour les AVCI et de 41 cas pour 100 000 personnes année pour les IDM.
    • Voie cutanée ; le RR ajusté, associé à l’utilisation de patch était de 3.4 (1.3 - 9.1) pour les AVCI, alors qu’il n’a pas été noté d’IDM dans le groupe des femmes utilisant les patchs.

Concernant les contraceptions purement progestatives:

  •  Voie orale :
    • Le taux d’AVCI de 33 pour 100 000 personnes/années (25 - 44) et de 13 (8 - 19) pour l’IDM
    •  En comparaison des femmes n’utilisons pas de contraception hormonale, l’utilisation d’une contraception orale progestative était associée à un risque de 1.6 (1.3 - 2.0) pour les AVCI et de 1.5 (1.1 - 2.1) pour les IDM correspondant à une différence de 15 AVCI et de 4 IDM pour 100 000 personnes années comparativement aux non utilisatrices.
  •  Voies non orales :
    • Le DIU hormonal à 52 mg de levonorgestrel n’était pas associé à une augmentation du risque d’AVCI ou d’IDM.
    • L’utilisation d’un implant sous-cutané est associée à une augmentation du risque d’ AVCI RR 2.1 (1.2 - 3.8), ainsi que la contraception par  injections intramusculaires : RR  1.8 (0.8 - 4.4).
    • Le risque ajusté d’IDM associé à l’utilisation de l’implant ou des injections ne pouvait pas être calculé du fait du très petit nombre d’évènements et d’utilisatrices
  • Concernant la durée d’utilisation : l’augmentation du risque d’AVCI et d’IDM semble rester stable avec le temps lors de l’utilisation d’une contraception combinée orale. Il ne semblait pas y avoir non plus de différence avec la durée d’utilisation concernant les pilules progestatives

Les donnes supplémentaires montrées par les auteurs permettent de relativiser ces résultats en particulier concernant les contraceptions progestatives. Après ajustement sur les antécédents familiaux le risque devient non significatif pour les IDM et tout juste significatif pour les AVCI.

Il ne semble pas y avoir de plausibilité biologique aux résultats concernant les contraceptions progestatives et il est possible que ce type de contraceptions aient été proposées à des femmes ayant un risque artériel très élevé. Il serait très intéressant de réévaluer ces risques en tenant compte de tous les facteurs de risque artériel.

Dans cette étude de croisements de registres, l’utilisation d’une contraception hormonale (combinée orale ou non orale et progestative orale et sous-cutanée) était associée à une augmentation du risque d’AVCI et, pour certains d’entre elles, d’IDM comparativement aux femmes non utilisatrices. L’utilisation du DIU au lévonorgestrel n’était, quant à lui, pas associé à une augmentation d’un quelconque risque artériel.

Considérant les taux de base minimes des risques d’AVCI et d’infarctus parmi les femmes en âge d’utiliser la contraception, l’augmentation relative du risque artériel observée aboutit à un risque absolu très faible qu’il faut toujours mettre en balance avec les bénéfices attendus, notamment l’efficacité pour réduire le taux de grossesses non souhaitées !


Yonis H, Lokkegaard E, Kragholm K et al. Stroke and myocardial infarction with contemporary hormonal contraception: real-world, nationwide, prospective cohort study. BMJ. 2025; 12:388:e082801.

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