Pilule or not pilule

Dans un contexte général de défiance médicale et de controverses sur les acquis de la libération féminine, la contraception fait l’objet de nombreuses attaques via les médias et surtout les réseaux sociaux, en particulier la contraception hormonale. Chaque nouvelle publication la concernant, est médiatisée à outrance surtout si les résultats montrent un impact néfaste de la contraception. Le déchainement à la fois de quelques médias mais aussi via les réseaux sociaux participe très probablement à la méfiance des femmes  vis-à-vis de la contraception hormonale.

La publication relativement récente concernant l’impact de la contraception hormonale sur le risque de cancer du sein dans le prestigieux journal New England Journal of Medicine a ainsi été largement commentée.

Or que nous apprend cette nouvelle étude ?

Cette étude apporte des estimations de risque de cancer du sein associées aux contraceptions actuelles, qu’elles soient estroprogestatives ou progestatives (1). Ceci est possible grâce  à l’utilisation des « big data » danoises. Les classiques études épidémiologiques (de cohorte ou cas-témoins) avaient toujours beaucoup de retard, calculant des risques associés à  des contraceptions qui, en général, n’étaient plus utilisées au moment de leur publication. Ce n’est plus le cas actuellement grâce à la mise à disposition des très grandes bases de données prospectives telles qu’elles ont été mises en place au Danemark depuis de nombreuses années. 

Ces données, extrêmement intéressantes, confirment la légère augmentation du risque de cancer du sein (1.20 [1.14-1.26 ; intervalle de confiance à 95%]) antérieurement rapportée avec d’anciennes formulations dont les risques avaient été estimés à l’aide d’une importante méta-analyse en 1996 (2). De façon plus pertinente, les auteurs calculent la fraction attribuable, c’est-à-dire le nombre de cancers du sein potentiellement induit par les différents types de contraceptions s’il existait effectivement une relation causale. Cette fraction attribuable aux âges jeunes (moins de 35 ans, âge de pic de fréquence d’utilisation le plus élevé des contraceptions combinées)  est très faible (2/100 000 femmes-années utilisatrices). Par ailleurs, l’information sur les contraceptions progestatives seules confirme aussi les résultats anciens même si les données concernant le DIU au lévonorgestrel sont plus récentes. Il semble en effet exister une discrète augmentation du risque de cancer du sein associée à l’utilisation des contraceptions progestatives, de même niveau que les contraceptions combinées (1.21 [1.11-1.33 ; intervalle de confiance à 95%]).

Certains médias rapportent souvent uniquement les résultats défavorables de ces études épidémiologiques. Il est rarement évoqué l’ensemble de la balance bénéfice risque de ces contraceptions. Ainsi, en terme carcinologique, les bénéfices sur le risque de cancer de l’ovaire, de l’endomètre, du colon doivent être pris en compte et expliqués à nos patientes. La plus récente analyse évaluant le cancer de l’endomètre estime par exemple que l’utilisation de la contraception dans les pays industrialisés aurait évité environ 200 000 cancers de l’endomètre au cours des dix dernières années pour les femmes âgées de 30 à 74 ans (3). Concernant le risque de cancer de l’ovaire, les auteurs de la méta-analyse publiée en 2008 estiment à  30 000 cas par an de cancer de l’ovaire évités au niveau mondial (4).

Si les données sur les contraceptions combinées sont nombreuses vis-à-vis de la protection ovarienne et endométriale, il existe maintenant des données de pharmaco-épidémiologie  rapportant un bénéfice de même niveau associé à l’utilisation du DIU au lévonorgestrel (5). Ces résultats viennent d’être confirmés. En effet une étude épidémiologique norvégienne montre une diminution du risque de cancer de l’ovaire et de l’endomètre associée à l’utilisation du dispositif intra-utérin délivrant du lévonorgestrel, diminution de même ampleur que celle observée avec les contraceptions combinées (6)

De plus, de nombreux bénéfices secondaires importants sont publiés  en particulier concernant la gestion des troubles des règles, du syndrome prémenstruel, de l’acné…  et surtout, il ne faut pas oublier le but principal de la contraception hormonale en termes d’efficacité contraceptive qui reste le critère essentiel, celui pour laquelle les femmes ont longtemps combattu afin de maitriser leur fertilité.

Alors certes, la contraception idéale, dénuée de tout risque, n’existe toujours pas mais laissons la place qu’elle mérite à la contraception hormonale qui permet aux femmes d’avoir un large choix en l’absence de désir de grossesse.

 

1. Mørch LS, Skovlund CW, Hannaford PC, Iversen L, Fielding S, Lidegaard Ø. Contemporary Hormonal Contraception and the Risk of Breast Cancer. N Engl J Med.  2017; 377: 2228-22392.

2. Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer. Breast cancer and hormonal contraceptives: collaborative reanalysis of individual data on 53 297 women with breast cancer and 100 239 women without breast cancer from 54 epidemiological studies. Lancet. 1996; 347: 1713-27.

3. Collaborative Group on endometrial Studies on endometrial cancer. Endometrial cancer and oral contraceptives : an individual participant meta-analysis of 27 276 women with endometrial cnacers from 36 epidemiological studies. Lancet Oncol 2015 ; 16 : 1061-70

4. Collaborative Group on Epidemiological Studies of Ovarian Cancer, Beral V, Doll R, Hermon C, Peto R, Reeves G. Ovarian cancer and oral contraceptives: collaborative reanalysis of data from 45 epidemiological studies including 23,257 women with ovarian cancer and 87,303 controls. Lancet. 2008; 371: 303-14.

5. Soini T, Hurskainen R, Grénman S, Mäenpää J, Paavonen J, Pukkala E. Cancer risk in women using the levonorgestrel-releasing intrauterine system in Finland. Obstet Gynecol. 2014;124(2 Pt 1):292-9.

6. Jareid M, Thalabard JC, Aarflot M, Bøvelstad HM, Lund E, Braaten T. Levonorgestrel-releasing intrauterine system use is associated with a decreased risk of ovarian and endometrial cancer, without increased risk of breast cancer.  Results from the NOWAC Study. Gynecol Oncol. 2018: 18: 30125-2.

 

 
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