Le traitement hormonal de ménopause a-t-il un effet cardioprotecteur ?

Le rôle du traitement hormonal de la ménopause (THM) en termes de cardioprotection fait l’objet de très nombreux débats en raison de l’abondante littérature pour tenter d’en expliquer les contradictions. Alors que la cohorte observationnelle de la Nurses’Health Study rapportait un résultat positif en termes de protection des coronaropathies associée à l’utilisation d’un THM (avec un risque relatif ajusté à l’âge de 0.5 par rapport aux non utilisatrices), la Framingham Heart Study notait, à l’inverse, un risque accru de maladies coronariennes estimé à 1.76 chez les femmes traitées.

La fameuse étude WHI (essai randomisé) ne trouvait, quant à elle, pas de bénéfice cardiovasculaire à l’utilisation d’un THM. Plusieurs explications associant l’âge des femmes, le type de THM et surtout le délai de mise en route de l’hormonothérapie (fenêtre d’intervention ou « timing hypothesis ») ont été rapportées. Ainsi, plusieurs essais cliniques se sont appuyés sur cette « timing hypothesis » avec des résultats variables mais laissant ouverte l’hypothèse que des bénéfices sur le système cardiovasculaire pourraient être espérés en cas d’initiation précoce au début de la ménopause et/ou en relation avec l’âge « jeune » de la femme (moins de 60 ans).

Dans une nouvelle publication du Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, l’équipe de Gordon et al évalue l’effet d’un THM, proche du modèle français, chez 172 femmes âgées de 45 à 60 ans en fin de périménopause ou début de ménopause. Les femmes étaient randomisées pour recevoir le THM (0,1 mg/j d’estradiol transdermique associé à 200 mg/j de progestérone micronisée par voie orale sur 12 jours) versus  placebo. Les participantes étaient évaluées sur des marqueurs dynamiques de leur fonction artérielle. Le critère principal était un score composite de la réponse au stress à 6 et 12 mois. Les critères secondaires mesuraient la fonction endothéliale, la sensibilité du réflexe de barorécepteur et l’existence d’un syndrome métabolique (pression artérielle, fractions lipidiques, insulinorésistance…).

Les femmes du bras THM révélaient une meilleure réponse artérielle au stress à 6 et 12 mois comparativement à celles du groupe placebo. Par ailleurs, dans ce dernier groupe, apparaissait une détérioration de la dilatation artérielle et de la réactivité artérielle au stress liée à l’âge non retrouvées dans le bras assigné au THM. Chez les femmes utilisant le THM, on notait également une diminution de la pression artérielle diastolique de repos, du LDL-cholestérol, de l’insulinémie à jeun, une amélioration de l’insulinorésistance et de la sensibilité baroréflexe durant l’épreuve de stress.

Les données complémentaires confirmaient, de plus, les données antérieures avec une diminution de la sévérité des bouffées vasomotrices (p<0.001)  chez les femmes traitées par l’association estroprogestative.

Bien que les doses d’estrogènes utilisées soient le double de celles proposées dans la majorité des autres études, il semble que la fonction vasculaire propre, et pas uniquement son anatomie, soit en quelque sorte préservée offrant une place prometteuse pour résoudre le problème de la discordance entre les études de cohortes et les essais randomisés. Le stress vasculaire, librement défini par les auteurs, semble pour ces derniers, un indice précieux pour les pathologies cardiovasculaires chez la femme en particulier. Les auteurs placent ce concept au premier plan et l’intègre dans le contexte de la « timing hypothesis ».

Diverses questions restent cependant en suspens : ce rôle est-il limité dans le temps ? Quelles sont les posologies optimales et quelle est la durabilité de cet effet ? Chez les femmes en début de ménopause, le THM semble préserver la fonction endothéliale mais cet effet persiste-t-il avec le délai depuis la ménopause et/ou avec l’âge ? Les actions positives retrouvées dans cette étude lors de l’utilisation du THM aboutissent-elles en une diminution de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaire? Toutes ces questions méritent la poursuite de la recherche dans ce domaine et la confirmation de ces résultats par d’autres auteurs.

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Gordon JL, Rubinow DR, Watkins L et al. The effect of perimenopausal transdermal estradiol and micronized progesterone on markers of risk for arterial disease. J Clin Endocrinol Metab 105 :1-11,2020.

Santoro N. Does hormone therapy protect the heart? it is a stressful question. J Clin Endocrinol Metab 105 :1-2,2020.

 

 
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