Contraception estroprogestative chez les adolescentes pourrait diminuer l’acquisition du pic de masse osseuse

La contraception par estroprogestatifs (COP) représente le moyen le plus utilisé chez les adolescentes offrant une grande efficacité et une sécurité d’emploi tout à fait satisfaisante. L’association COP et modification de la minéralisation osseuse a été documentée dès le milieu des années 90. L’adolescence est une phase clé de l’acquisition de la masse osseuse (BMD), alors même qu’une bonne minéralisation osseuse est en relation avec une diminution du risque d’ostéoporose ultérieur et de fractures par fragilité. Le pic de masse osseuse se situe entre 16 et 19 ans au niveau fémoral et s’achève entre 33 et 40 ans au niveau vertébral.

La génétique compte pour plus de 50% du pic de masse osseuse (PMO) ; ainsi, une histoire familiale de fracture ostéoporotique est associée à une plus grande fragilité osseuse avant même l’apparition de la carence estrogénique de la ménopause. D’autres facteurs comme des apports calciques et nutritionnels suffisants, une activité physique en charge et des cycles réguliers influencent aussi le PMO.

Le rôle de la COP dans l’acquisition du PMO semble non négligeable chez les adolescentes. Les estrogènes diminuent le turn over osseux et ralentissent la résorption osseuse représentant un effet positif pour les femmes en carence estrogénique. Mais la dynamique osseuse est tout à fait différente à l’adolescence. L’éthinyl estradiol (EE) à doses supra-physiologiques, contenu dans les contraceptifs, peut aboutir à une diminution de la croissance osseuse en supprimant la résorption osseuse, or ces 2 processus sont liés. Les marqueurs biochimiques du métabolisme osseux sont d’ailleurs diminués lors de l’utilisation de COP y compris pour des faibles dosages en EE (20mg).

Une revue systématique avec méta-analyse a été réalisée par une équipe canadienne afin d’évaluer les modifications de BMD chez les adolescentes lors d’une première utilisation de COP. Ainsi, 9 publications ont été retrouvées (8 portant sur 12 mois et 5 sur 24 mois de suivi). Elles ont inclus des adolescentes âgées de 12 à 19 ans utilisant une COP pour la première fois.

A 12 mois, la BMD vertébrale a été évaluée dans 8 études  chez 1535 adolescentes. Comparativement aux non utilisatrices, il apparaissait une différence au niveau vertébral de -0.02 (-0.05 à – 0.00) g/cm2 (p=0.04).

A 24 mois, 5 études ont permis d’évaluer la BMD vertébrale chez 885 adolescentes. Une diminution de la BMD était constatée -0.02 (-0.04 à -0.01) g/cm2 (p<0,0006) comparativement aux non utilisatrices. Pour les 4 études où existent des données à 12 et 24 mois, on assiste à une augmentation de la différence lors de la 2ème année d’utilisation : passant de -0.333 (-0.675 à 0.009) g/cm2 à 12 mois à -0.832 (-1.422 à-0.242)g/cm2  à 24 mois.

Seules 4 études ont évalué la BMD fémorale. Elles semblent montrer un gain de BMD fémorale à la fois chez les non utilisatrices de COP et chez les utilisatrices mais à un moindre degré.

Deux études se sont intéressées à la BMD au niveau du corps entier. Elles retrouvent une acquisition de BMD au niveau des mesures du corps entier inférieure lors de l’utilisation de COP par rapport aux non utilisatrices. Dans la première de ces études, lors de l’utilisation d’une COP à 30 mg d’EE, la différence était de -0.58% (- 1.29 à -0.13) à 24 mois comparativement aux adolescentes non utilisatrices. Pour la seconde étude, à 12 mois, la différence était de -0.30% pour les utilisatrices de COP par rapport à +3.8% pour les non utilisatrices.

Il s’agit donc de la première méta-analyse évaluant les changements de BMD lors de la première utilisation d’une COP chez des adolescentes. La BMD y apparait significativement plus basse au niveau vertébral comparativement aux adolescentes non utilisatrices.

Par ailleurs, une seule étude montre que la BMD ne retrouve pas des niveaux normaux après arrêt de la COP, contrairement à ce qui avait été retrouvé avec le depo-provera.

Les limites de cette méta-analyse sont, bien sûr, l‘absence d’études randomisées versus placebo ! mais aussi l’absence d’ajustement aux autres facteurs connus pour leur rôle dans l’acquisition de la BMD (IMC, poids, tabac, ethnie…). A noter par ailleurs la grande hétérogénéité des études rendant délicate l’interprétation de ces résultats. De plus, le rôle de cette modification d’acquisition de la BMD sur le risque fracturaire n’est pas évalué ; mais on sait que chez les femmes ménopausées, 1% de plus de BMD est associé à 8% de moins de fractures…

Le rôle de la COP sur l’acquisition de la BMD peut intervenir dans la décision thérapeutique chez les très jeunes patientes. En effet, une solution alternative doit être discutée, si possible, lorsque la COP est envisagée dans d’autres indications que la contraception.

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Goshtasebi A, Brajic TS, Scholes D et al. Adolescent use of combined hormonal contraception and peak bon mineral density accrual : a meta-analysis of international prospective controlled studies. Clinical Endocrinology. 2019;90:517-524.

 
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