Nouvelles modalités de prévention rhésus pour les IVG, les fausses couches et métrorragies du premier trimestre de grossesse

Le 13 juin 2024 à Paris, Solène Vigoureux, Paul Maurice, Jeanne Sibiude, Charles Garabedian et Nicolas Sananès, un groupe de travail du Collègue National des Gynécologues-Obstétriciens Français (CNGOF), ont annoncé la publication de nouvelles recommandations concernant la prévention de l’allo-immunisation anti-RH1, pendant le premier trimestre de grossesse (1).

En effet, jusque là, la prophylaxie par immunoglobuline anti-D concernait toutes les femmes Rh(D)-négatif non immunisées contre l’antigène D, toute au long d’une grossesse avec un fœtus Rh(D)-positif.

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), le risque de passage d’hématies fœtales est modéré lors du premier trimestre de grossesse.

En 2010 et jusqu’à aujourd’hui, l’HAS recommande, une prophylaxie au premier trimestre de la grossesse. Elle se fait par l’injection de 200 μg d’immunoglobuline anti-D, par voie intraveineuse ou intramusculaire, pour tous les événements suivants :
- fausse couche spontanée ou menace de fausse couche spontanée,
- toute interruption de grossesse (IVG, IMG) quels que soient le terme et la méthode utilisée,
- grossesse môlaire,
- grossesse extra-utérine,
- métrorragies,
- choriocentèse, amniocentèse,
- réduction embryonnaire,
- traumatisme abdominal,
- cerclage cervical.

Dans ces recommandations, il n’est pas démontré de limite inférieure d’âge gestationnel pour la réalisation de la prévention (2).

Jusqu’à présent, peu d’études ont porté sur l’efficacité des immunoglobulines anti-D pour prévenir l’allo-immunisation au premier trimestre de grossesse, alors que les techniques pour quantifier les hématies foetales dans le sang maternel ont évolué.

S. Vigoureux, P. Maurice, J. Sibiude et al. se sont intéressés aux patientes de rhésus-1 négatif, quand le géniteur est rhésus-1 positif ou inconnu, avant 12 semaines d’aménorrhées, lors :  
- d’interruption volontaire de grossesse (IVG), de grossesse arrêtée ou de fausse couche,
- de métrorragies sur une grossesse évolutive,
- de grossesse extra-utérine.

Le but de cette recherche est d’aider les professionnels de santé dans leur pratique clinique quotidienne (1).

Prévention Rhésus en cas d’IVG, de grossesse arrêtée ou de fausse couche

Une étude prospective multicentrique observationnelle récente, publiée en 2023, a étudié le passage d’hématies foetales dans la circulation maternelle chez des patientes chez qui il était pratiquée une IVG médicale ou chirurgicale au sein de plusieurs centres aux Etats- Unis, avant 12 SA entre 2019 et 2022 (3).

Cette étude, qui s’intéresse avant tout à l’influence de la réalisation d’une IVG (médicale ou chirurgicale) sur la survenue d’une allo-immunisation, amène à reconsidérer de façon générale l’intérêt de la prévention de l’allo-immunisation au premier trimestre de grossesse. Elle montre que le fait d’avoir une IVG avant 12 SA n’est pas à risque d’allo-immunisation.

En 2021, de nombreuses sociétés savantes nationales et internationales, notamment la Fédération Internationale des Gynécologues et Obstétriciens (FIGO), se sont positionnées pour ne pas recommander de prévention systématique de l’allo-immunisation au premier trimestre de grossesse (4).

Ainsi, bien que la qualité de la preuve des études soit très basse, S. Vigoureux, P. Maurice, J. Sibiude et al., recommandent aujourd’hui, de ne pas administrer d’immunoglobulines anti-D avant 12 semaines d’aménorrhée, dans le but de réduire le risque d’allo-immunisation, en cas de d’interruption volontaire de grossesse (IVG), de grossesse arrêtée ou de fausse couche (1).

Prévention Rhésus en cas de métrorragies au premier trimestre

La recherche dans la littérature, montre qu’il existe très peu d’études permettant d’évaluer le risque d’allo-immunisation et l’intérêt des immunoglobulines anti-D, en cas de métrorragies au premier trimestre de grossesse.

Il s’agit d’études offrant un niveau de preuve très bas, car uniquement observationnelles, rapportant des cas cliniques ou des séries de cas.

Seule, l’étude de la FIGO, précédemment citée, permettrait d'extrapoler les résultats aux métrorragies avant 12 SA.

Ainsi, bien que la qualité de la preuve des études soit très basse, S. Vigoureux, P. Maurice, J. Sibiude et al., recommandent aujourd’hui de ne pas administrer d’immunoglobulines anti-D avant 12 semaines d’aménorrhée, dans le but de réduire le risque d’allo-immunisation, en cas de métrorragies sur une grossesse intra-utérine évolutive (1).

Prévention Rhésus en cas de grossesse extra-utérine

En France, un total de 16 000 patientes sont prises en charge chaque année pour des grossesses extra-utérines. Sachant que 15 % de la population est de phénotype RHD négatif, un total de 2 400 patientes serait potentiellement concerné par cette prophylaxie (5).

Aucune étude n’a évalué spécifiquement l’intérêt des immunoglobulines anti-D pour prévenir l’allo-immunisation, en cas de grossesse extra-utérine.

Les données actuelles de la littérature concernant l’intérêt d’une injection d’immunoglobulines anti-D pour réduire le risque d’allo-immunisation en cas de grossesse extra-utérine sont insuffisantes en qualité et en nombre pour émettre une recommandation.

Ainsi, S. Vigoureux, P. Maurice, J. Sibiude et al. ne se prononcent pas quant à une recommandation pour la pratique clinique concernant la grossesse extra-utérine (1).

Les risques liés à l’injection d’immunoglobulines anti-D

Les risques liés à l’injection d’immunoglobulines anti-D sont faibles (risque viral et prion lié à l’injection d’un produit dérivé du sang, hypersensibilités ou allergies). Il s’agit d’un produit d’origine humaine, provenant majoritairement de donneurs sains d’Amérique du Nord, hyper immunisés et rémunérés (6).

Depuis 2005, seul le Rhophylac® est commercialisé en France, sous deux posologies, 200 et 300 mg, en fonction des indications. Il existe un risque théorique lié au prion, ainsi qu’un risque viral, faible grâce aux traitements appliqués pour éliminer les virus, mais non nul, notamment vis-à-vis de virus non encore identifiés (7). Dans les études sur l’efficacité du Rhophylac® en anténatal et en postnatal, aucune réaction allergique n’a été rapportée (7). Les risques liée aux immunoglobulines anti-D sont donc très rares mais potentiellement graves.

Ces recommandations ont fait l’objet d’une relecture par une vingtaine de chercheurs du conseil scientifique du CNGOF et ont été présentées publiquement lors du congrès annuel du CNGOF, Pari(s) Santé Femme, le 13 juin 2024, à Paris.

En synthèse, même si la qualité de la preuve des études est très basse, il est recommandé de ne pas réaliser de prévention de l’allo-immunisation anti-Rh1 en cas d’interruption volontaire de grossesse, de grossesse arrêtée, de fausse couche ou de métrorragies avant 12 semaines d’aménorrhée.

Néanmoins, il n’est pas possible d’émettre de recommandation concernant la grossesse extra-utérine (1).

Références :

1- S. Vigoureux, P. Maurice, J. Sibiude et al., Prévention de l’allo-immunisation anti-RH1 au premier trimestre de la grossesse : recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, Gynécologie Obstétrique Fertilité & Sénologie, https://doi.org/10.1016/j.gofs.2024.02.026

2- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2010-04/rhophylac_-_ct-7715.pdf

3- Horvath S, Huang Z-Y, Koelper NC, Martinez C, Tsao PY, Zhao L, et al. Induced abortion and the risk of Rh sensitization. JAMA 2023;330(12):1167–74. http:// dx.doi.org/10.1001/jama.2023.16953.

4- Prabhu M, Louis JM, Kuller JA. Society for Maternal-Fetal Medicine Statement: RhD immune globulin after spontaneous or induced abortion at less than 12 weeks of gestation. Am J Obstet Gynecol 2024. http://dx.doi.org/10.1016/ j.ajog.2024.02.288 [S0002-9378(24)00368-5].

5- Bouyer J. [Epidemiology of ectopic pregnancy: incidence, risk factors and outcomes]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2003;32(7 Suppl.):S8–17.

6- Circulaire DGS/SQ 4 no 98-231 du 9 avril 1998 n.d. http://www. hemovigilance-cncrh.fr/www2/Textes/1998/09041998.HTM [accessed Octo-ber 5, 2023]

7- Kenny-Walsh E. Clinical outcomes after hepatitis C infection from contaminated anti-D immune globulin. Irish hepatology research group. N Engl J Med 1999;340(16):1228–33. http://dx.doi.org/10.1056/NEJM199904223401602.