La prise en charge à la fois diagnostique et thérapeutique des lésions atypiques du sein est controversé. Ces lésions sont décrites dans la littérature comme associées à une sur-risque de cancer (sans notion de délai ce pendant) ; mais ce dépistage contribue également au surdiagnostic et surtraitement de ces lésions dont un grand nombre n’aurait abouti à aucune manifestation dans la vie des patientes. La surveillance post-traitement varie également en fonction des pays. Elle consiste généralement en une mammographie annuelle mais cette modalité de surveillance n’est basée sur aucune donnée probante. Les auteurs souhaitent donc mieux analyser l’incidence d’un cancer ultérieur après lésion atypique pour adapter la surveillance post-traitement.
Cette étude présente une cohorte prospective de patientes suivies pour une lésion atypique, et analyse l’incidence du cancer du sein ainsi que son délai de survenue.
La cohorte Sloane Atypia regroupe des patientes avec un diagnostic de lésion atypique du sein, sur la base du volontariat, de 2003 à aujourd’hui. Les lésions atypiques étaient : une hyperplasie canalaire atypique (HCA), une atypie épithéliale plane, une hyperplasie lobulaire atypique (HLA) et un carcinome lobulaire in situ (CLIS). Le cancer du sein associé (infiltrant ou in situ) était un critère d’exclusion.
Le suivi était réalisé tous les 6 mois jusqu’au décès toutes cause confondue ou jusqu’au 31 décembre 2018.
Le critère de de jugement principal était la survenue d’un cancer infiltrant ultérieur. L’analyse complémentaire étudiait son délai de survenue à 1 an, 3 ans et 6 ans.
Au total 3762 patientes ont présenté un diagnostic de lésions atypiques, et 3238 répondaient aux critères d’inclusion. Sur ces 3238 patientes, 1350 avaient une HCA, 403 une atypie épithéliale plane, 1101 un CLIS, et 384 des lésions mixtes canalaires et lobulaires.
L’incidence de ces atypies a été multiplié par 4 entre 2010 (n=119) et 2015 (n=502).
Sur les 3238 femmes présentant une lésion atypique, avec un suivi de 5,9 ans (0,51-15,7), 168 (soit 5,2%) ont développé un cancer du sein. Parmi elles, 141 avaient un cancer invasif et 27 un CCIS.
Les caractéristiques de ces cancers étaient comparables à ceux de la population générale de dépistage. Le nombre de 2e cancers infiltrant (ipsilatéraux ou controlatéraux) à 3 ans étaient également similaires.
Dans l’année qui a suivi le diagnostic d’atypie, 3 cancers du sein infiltrants ont été diagnostiqués ; probablement pré-existants au moment du diagnostic d’atypie (soit 0,95/1000).
Le nombre de cancers du sein infiltrants détectés à 3 ans et à 6 ans étaient respectivement de 14,2 pour 1000 femmes (n=40), et de 45,0 pour 1000 femmes (n=94).
A noter, le type d’atypie n’a pas eu d’impact sur les cancers détectés.
Il a été constaté une diminution de l’incidence de cancer au cours de la dernière période 2013-2018, versus les périodes précédentes (6 pour 1000 versus 24,3 pour 1000).
Compte-tenu du faible taux d’incidence de cancers infiltrants, et du nombre comparable de 2e cancer ipsi ou controlatéral, les auteurs suggèrent que les lésions atypiques du sein pourraient représenter des facteurs de risque plutôt que des lésions précurseurs d’un cancer infiltrant.
De plus, les auteurs constatent que parallèlement à l’augmentation du diagnostic de lésions atypiques après 2012, l’incidence des cancers infiltrants a diminué. Les progrès techniques de la mammographie pourraient expliquer cette augmentation du diagnostic de lésions atypiques et ainsi la diminution de l’incidence de cancers infiltrants ultérieurs, lié au surdiagnostic. Les modifications des définitions anatomo-pathologiques des lésions atypiques ont également contribué à l’augmentation de leur diagnostic, ainsi que le mode de prélèvement biopsique, plus volumineux après 2012.
L’incidence de cancers infiltrants dans les 3 années suivants la prise en charge d’une lésion atypiques étant relativement faible, surtout au cours des dernières années, les auteurs suggèrent la possibilité d’espacer la surveillance (à court terme uniquement, les 3 premières années du suivi) consistant classiquement à réaliser une mammographie annuelle.
Cependant, cette interprétation des résultats est à manier avec prudence car cette cohorte n’étant pas appariée, les auteurs ne peuvent pas comparer le taux d’incidence de cancers infiltrants chez les femmes aux antécédents d’atypie par rapport à celui de la population générale.
Les autres limites de cette étude sont le mode d’inclusion dans la cohorte basée sur le volontariat, contrairement à une cohorte consécutive. De plus, l’incidence de cancers après le diagnostic d’atypie étant rare, la puissance statistique est limitée. Par ailleurs, les techniques de dépistage au cours de cette longue période s’étant largement améliorées, et les définitions histologiques ayant évolué, il y a une hétérogénéité de population dans cette cohorte en fonction des périodes.
Des données manquantes en termes de mode de découverte des cancers infiltrants (palpation versus mammographie de dépistage) et sur la prise en charge des lésions atypiques, limitent les auteurs dans leur évaluation des modalités de surveillance après prise en charge de lésion atypique.
Au total, des données plus robustes sont nécessaires afin de préciser les modalités de surveillance après prise en charge d’une lésion atypique ; notamment à l’aide de cohortes prospectives appariées.