Décret d’application de la loi de bioéthique : « gamètes âgés s’abstenir »

Décret n°2021-1243 du 28 septembre 2021 fixant les conditions de réalisation et de prise en charge des parcours d’assistance médicale à la procréation

« Gamètes âgés s’abstenir » : Commentaires sur une loi restrictive concernant la prise en charge des femmes au-delà de 43 ans et des hommes au-delà de 60 ans

«  Section 8 - « Conditions d'âge pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation et de l'autoconservation de ses « gamètes

« Art. R. 2141-36.-Les conditions d'âge requises par l'article L. 2141-2 pour bénéficier d'un prélèvement ou « recueil de ses gamètes, en vue d'une assistance médicale à la procréation, sont fixées ainsi qu'il suit :

 « 1° Le prélèvement d'ovocytes peut être réalisé chez la femme jusqu'à son quarante-troisième anniversaire ;

« 2° Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l'homme jusqu'à son soixantième anniversaire.

« Ces dispositions sont applicables au prélèvement ou au recueil de gamètes ou de tissus germinaux effectué en « application de l'article L. 2141-11, lorsque celui-ci est effectué en vue d'une assistance médicale à la « procréation ultérieure ».

NDLR :

- En ce qui concerne la femme, dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP), le prélèvement d’ovocytes peut être réalisé jusqu’à son 43ème anniversaire.

Il est à noter que jusqu’à présent, les caisses d’assurance maladie ne prenaient plus en charge le couple lorsque la femme dépassait l’anniversaire de 43 ans, mais si des raisons médicales le justifiaient, il était possible de réaliser une fécondation in vitro (FIV) lorsque la femme avait plus de 43 ans.

Cela revient à priver un nombre non négligeable de patientes qui auraient pu bénéficier d’une prise en charge en AMP, même si les résultats en termes de grossesse restent faibles et si très peu de centres en France acceptaient ces prises en charge.

Ce décret, en ce qui concerne la femme, obligera certains couples, en tous cas les plus aisés, à recourir au « tourisme médical » en allant faire des demandes dans d’autres pays en Europe (Espagne, Belgique, République Tchèque, Grèce…).

- En ce qui concerne l’homme, un couple dont le conjoint a plus de 60 ans ne pourra plus faire une demande de prise en charge dans le cadre d’une AMP, qu’il y ait un problème d’ordre spermatique ou un problème d’ordre féminin (problème tubaire, syndrome d’ovaire polykystique, endométriose…).

Pourquoi 60 ans chez l’homme ?

Il s’agit d’un avis consultatif de l’Agence de Biomédecine qui avait estimé qu’au-delà de 60 ans, les risques d’anomalies chromosomiques chez le fœtus, ou les risques de problèmes neuropsychiatriques, tels que l’autisme ou la schizophrénie, étaient trop importants.

En termes de risques de fausse couche ou d’anomalies chromosomiques, ces risques ne sont pas plus importants que lorsque l’âge féminin est au-delà de 40 ans.

Quant aux risques psychiatriques, ils n’ont pas été déterminés de façon formelle par des études.

Là encore, cette forme de « discrimination » en fonction de l’âge est éthiquement discutable et obligera les couples à se diriger vers le « tourisme médical », en tous cas pour les couples qui en ont les moyens.

« Art. R. 2141-37.-Les conditions d'âge requises par l'article L. 2141-12 pour bénéficier de l'autoconservation de « ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure d'une assistance médicale à la procréation sont fixées ainsi qu'il « suit :

« 1° Le prélèvement d'ovocytes peut être réalisé chez la femme à compter de son vingt-neuvième anniversaire et « jusqu'à son trente-septième anniversaire ;

« 2° Le recueil de spermatozoïdes peut être réalisé chez l'homme à compter de son vingt-neuvième anniversaire « et jusqu'à son quarante-cinquième anniversaire ».

NDLR :

Le décret précise que le prélèvement d’ovocytes dans le cadre d’une autoconservation de gamètes chez la femme peut être réalisé entre 29 ans et 37 ans.

Il est par contre curieux que le recueil de spermatozoïdes chez l’homme soit limité au 45e anniversaire.

« Qu’en est-il d’hommes ayant un problème justifiant une conservation des spermatozoïdes pour des raisons médicales, et notamment des cancers ? La préservation de la fertilité, alors qu’ils ont moins de 60 ans, ne serait pas possible ! »

« Art. R. 2141-38.-L'insémination artificielle, l'utilisation de gamètes ou de tissus germinaux recueillis, prélevés « ou conservés à des fins d'assistance médicale à la procréation en application des articles L. 2141-2, L. 2141-11 « et L. 2141-12, ainsi que le transfert d'embryons mentionné à l'article L. 2141-1, peuvent être réalisés :

« 1° Jusqu'à son quarante-cinquième anniversaire chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a « vocation à porter l'enfant ;

« 2° Jusqu'à son soixantième anniversaire chez le membre du couple qui n'a pas vocation à porter l'enfant. »

NDLR :

Certaines incohérences ou contradictions apparaissent dans cet article.

1°) L’insémination artificielle, l’utilisation de gamètes ou le transfert embryonnaire ne peuvent plus être réalisés après 45 ans chez la femme qui a vocation à porter l’enfant.

Ainsi, un couple ayant bénéficié d’un protocole de fécondation in vitro et chez qui des embryons ont été cryopréservés, ne pourrait plus bénéficier d’un transfert d’embryons qui « leur appartiennent » lorsque la femme a plus de 45 ans et/ou l’homme a plus de 60 ans.

Ce qui revient à estimer qu’un homme au-delà de 60 ans ne peut être père ! alors que par ailleurs, une femme de plus de 45 ans peut accéder, à l’étranger, à un don d’ovocyte avec transfert embryonnaire, mesure reconnue par la caisse d’assurance maladie, puisqu’il existe, à ce jour, une prise en charge de certains frais, notamment des frais de transport, lorsqu’un couple procède à une demande de don d’ovocytes dans des pays européen.

2°) Enfin, l’AMP ne peut être réalisée chez un couple lorsque le membre du couple qui n’a pas vocation à porter l’enfant a plus de 60 ans.

Qu’en est-il des femmes mariées, vivant sous le régime du PACS ou ayant un projet parental : si le membre féminin du couple a plus de 60 ans, il ne serait donc pas possible d’envisager une assistance médicale à la procréation !

Il faut également noter que du fait de la gratuité du don (entre autre, le don de sperme) et les décisions prochaines probables sur la levée de l’anonymat des dons de sperme, les délais de prise en charge par les CECOS ne feront qu’augmenter et l’on se retrouvera dans la situation paradoxale où les femmes seules, souhaitant une préservation ovocytaire, ainsi que les femmes vivant en couple devront souvent se diriger vers des centres d’AMP à l’étranger.

Elles pourront d’ailleurs peut-être invoquer le processus de prise en charge en France et obtenir remboursement des consultations, des médicaments, voire des frais de transport, situation qui parait quand même aller à l’encontre du souhait des législateurs et de l’esprit de la loi bioéthique.

 
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