Complications obstétricales des lésions intraépithéliales du col utérin et de leur prise en charge thérapeutique : le rôle déterminant des dimensions de l’exérèse

Auteur de cet article :
Xavier Carcopino, MD, PhD
Service de Gynécologie Obstétrique
Hôpital Nord (APHM), Marseille
Faculté de Médecine de Marseille (AMU)
xcarco@free.fr
________________________________________________________________________________________________

Lecture critique de l’article : Kyriou et al. Adverse obstetric outcomes after local treatment for cervical preinvasive and early invasive disease according to cone depth: systematic review and meta-analysis. BMJ 2016;354:i3633

L’impact obstétrical du traitement des lésions intraépithéliales (LIE) du col de l’utérus a été mis en évidence en 2006 avec la publication dans le Lancet d’une méta-analyse qui avait montré que les patientes ayant eu un traitement par exérèse (conisation ou résection à l’anse diathermique / RAD) d’une LIE étaient exposées à un risque d’accouchement prématuré significativement augmenté.1 Mais surtout, cette méta-analyse avait montré que ce type de complications n’était pas observé après un traitement destructeur, comme par exemple la vaporisation laser. Deux ans plus tard, une autre méta-analyse renforçait ces résultats en montrant que les traitements d’exérèse étaient bels et bien associés à un risque d’accouchement prématuré, mais surtout à un risque d’accouchement prématuré sévère et à une augmentation significative de la morbi-mortalité périnatale.2 Au fil du temps et des études de ces dernières années, l’impact des traitements d’exérèse sur le risque d’accouchement prématuré ont été renforcés. Mais surtout, il a été évoqué que le facteur déterminant du risque de prématurité secondaire, plus que le traitement lui même, pourrait être l’importance de celui-ci, et en particulier la hauteur de la conisation réalisée et le volume de col retiré.3–6 Aujourd’hui, on sait donc que les traitements des LIE du col de l’utérus sont associés à un risque accru de prématurité lors d’une grossesse ultérieure avec la morbidité et la mortalité périnatale qui en découle. Ce risque serait directement lié à l’importance du geste réalisé.

Une récente méta-analyse, portant sur 71 études différentes, publiée dans le BMJ apporte d’importantes précisions sur les complications obstétricales du traitement des LIE du col de l’utérus.7 En particulier, cette étude confirme l’augmentation significative du risque de prématurité après le traitement d’une LIE du col utérin. Tous types de traitement confondu, le risque d’accouchement prématuré (<37 SA) serait de 10.7 % après traitement contre 5.4 % pour la population féminine générale (RR : 1,78 ; IC à 95 % : 1,60-1,98). Les risques de d’accouchement prématuré avant 32 SA et avant 28 SA sont eux aussi augmentés, puisque plus que doublés (RR : 2,40 ; IC à 95 % : 1,92-2,99, et RR : 2.54 ;IC à 95 % : 1,77 -3.63, respectivement). Mais cette étude apporte de nouveaux éléments avec en particulier un risque de prématurité certes plus important après un traitement d’exérèse, mais qui est également augmenté par les traitements destructeurs tels que la vaporisation laser (RR : 1,46 ; IC à 95 % : 1,27-1,66). En fait, cette étude confirme ce que nous suspections depuis plusieurs années ; à savoir que, plus que le traitement lui même, l’élément clé du risque ultérieur de prématurité est l’importance du geste réalisé en terme de hauteur et de volume de col retiré ou détruit avec un risque plus important pour les traitements d’exérèse (conisation, RAD) que pour les traitements destructeurs. Ce risque augmenterait de façon proportionnelle avec la hauteur du traitement réalisé, sans pour autant pouvoir déterminer une valeur seuil minimale à partir duquel ce risque devient significatif. Par contre, un volume de col réséqué et/ou détruit supérieur à 3 mL serait associé à une augmentation significative du risque de prématurité. Ce risque augmenterait également avec le nombre de traitements réalisés. Enfin, en plus du risque d’accouchement prématuré, cette étude montre également une augmentation du risque de rupture prématurée des membranes, de chorioamniotite, de petit poids de naissance, d’admission en réanimation néonatale et de mortalité périnatale après le traitement des LIE.

En confirmant l’impact négatif des traitements des LIE sur le devenir obstétrical, cet article illustre plus que jamais l’importance de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour optimiser la prise en charge de nos patientes. Avec près de 30 000 conisations réalisées chaque année,  et un âge de fertilité maximale superposé à l’âge moyen du diagnostic des LIE, il est essentiel que :
1 - Les indications de traitements soient bien posées, en évitant au maximum des traiter les LIE de bas grade et bien évidemment les conisations « blanches ».
2 - Les gestes thérapeutiques soient optimisés en terme de marges et de dimensions.

Pour conclure, nous ne pouvons qu’insister sur l’importance de la réalisation des traitements des LIE sous guidage colposcopique systématique qui, en réduisant significativement les dimensions, la hauteur et le volume de résection sans modifier le taux de marges non saines permet très probablement de minimiser l’impact obstétrical futur de ces traitements sans toutefois en compromettre l’efficacité.8–11

Ceci se vérifie d’ailleurs sur les résultats observés en Angleterre, où les traitements des LIE sont systématiquement réalisés sous guidage colposcopique direct par des colposcopistes expérimentés sans qu’une augmentation de la prématurité secondaire n’ait été observée.12 Quand on sait qu’en France, près de 70 % des traitements sont réalisés sans aucune utilisation du colposcope, il est urgent que nous fassions cette démarche de qualité.13,14 Enfin, ces résultats illustrent l’importance que les comptes rendus d’analyse histologique des pièces de conisation et de RAD précisent systématiquement la hauteur et le volume du geste réalisé.

Pour en savoir plus
1.     Kyrgiou M, Koliopoulos G, Martin-Hirsch P, Arbyn M, Prendiville W, Paraskevaidis E. Obstetric outcomes after conservative treatment for intraepithelial or early invasive cervical lesions: systematic review and meta-analysis. Lancet 2006;367(9509):489–98.
2.     Arbyn M, Kyrgiou M, Simoens C, Raifu AO, Koliopoulos G, Martin-Hirsch P, et al. Perinatal mortality and other severe adverse pregnancy outcomes associated with treatment of cervical intraepithelial neoplasia: meta-analysis. BMJ 2008;337:a1284.
3.     Founta C, Arbyn M, Valasoulis G, Kyrgiou M, Tsili A, Martin-Hirsch P, et al. Proportion of excision and cervical healing after large loop excision of the transformation zone for cervical intraepithelial neoplasia. BJOG 2010;117(12):1468–74.
4.     Kyrgiou M, Valasoulis G, Stasinou S-M, Founta C, Athanasiou A, Bennett P, et al. Proportion of cervical excision for cervical intraepithelial neoplasia as a predictor of pregnancy outcomes. Int J Gynaecol Obstet 2015;128(2):141–7.
5.     Khalid S, Dimitriou E, Conroy R, Paraskevaidis E, Kyrgiou M, Harrity C, et al. The thickness and volume of LLETZ specimens can predict the relative risk of pregnancy-related morbidity. BJOG 2012;119(6):685–91.
6.     Carcopino X, Maycock JA, Mancini J, Jeffers M, Farrar K, Martin M, et al. Image assessment of cervical dimensions after LLETZ: a prospective observational study. BJOG 2013;120(4):472–8.
7.     Kyrgiou M, Athanasiou A, Paraskevaidi M, Mitra A, Kalliala I, Martin-Hirsch P, et al. Adverse obstetric outcomes after local treatment for cervical preinvasive and early invasive disease according to cone depth: systematic review and meta-analysis. BMJ 2016;354:i3633.
8.     Preaubert L, Gondry J, Mancini J, Chevreau J, Lamblin G, Atallah A, et al. Benefits of Direct Colposcopic Vision for Optimal LLETZ Procedure: A Prospective Multicenter Study. J Low Genit Tract Dis 2016;20(1):15–21.
9.     Grisot C, Mancini J, Giusiano S, Houvenaeghel G, Agostini A, d’Ercole C, et al. How to optimize excisional procedures for the treatment of CIN? The role of colposcopy. Arch Gynecol Obstet 2012;285(5):1383–90.
10.   Carcopino X, Mancini J, Charpin C, Grisot C, Maycock JA, Houvenaeghel G, et al. Direct colposcopic vision used with the LLETZ procedure for optimal treatment of CIN: results of joint cohort studies. Arch Gynecol Obstet 2013;288(5):1087–94.
11.   Heineman M, Mancini J, Villeret J, Agostini A, Houvenaeghel G, Boubli L, et al. Treatment failure following excision therapy of CIN: the impact of direct colposcopic vision during procedure. Arch Gynecol Obstet 2016;293(4):825–31.
12.   Castanon A, Brocklehurst P, Evans H, Peebles D, Singh N, Walker P, et al. Risk of preterm birth after treatment for cervical intraepithelial neoplasia among women attending colposcopy in England: retrospective-prospective cohort study. BMJ 2012;345:e5174.
13.   Einaudi L, Boubli L, Carcopino X. [Evaluation of practices of excisional therapies for CIN: An audit of surgery rooms from Marseilles’ area]. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015;44(9):877–83.
14.   Einaudi L, Boubli L, Carcopino X. [How are excisional therapies for CIN performed in France? A national audit]. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2015;44(5):403–10.

 

 
Les articles sont édités sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Les informations fournies sur www.gyneco-online.com sont destinées à améliorer, non à remplacer, la relation directe entre le patient (ou visiteur du site) et les professionnels de santé.