Prise en charge du cancer de l’endomètre et ambulatoire

Geoffroy CANLORBE, Jérémie BELGHITI

Service de chirurgie et oncologie gynécologique et mammaire, Hôpital Pitié Salpêtrière,
 APHP, 83 bd de l’hôpital, 75013,
Sorbonne Université, Paris, France
Institut Universitaire du Cancer, Paris, France

 

Le cancer de l'endomètre représente dans le pays développés le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes. Chaque année, 88 068 nouveaux cas sont enregistrés dans l'Union européenne, dont 6 500 en France. Environ 75% des cas sont diagnostiqués à un stade précoce, limité au corps de l’utérus, pour lesquels une prise en charge par chirurgie mini-invasive est recommandée avec hystérectomie +/- geste ganglionnaire. Des séjours hospitaliers moyens d’une journée après la chirurgie sont habituellement justifiés par la plupart des équipes pour permettre la gestion de la douleur et des nausées, la prise en charge d’une sonde vésicale ou la surveillance d’éventuelles complications post opératoires [Yu, 2013].

La littérature internationale se concentre depuis quelques années sur l’évaluation de la prise en charge en ambulatoire des patiente prises en charge par hystérectomie [Nahas, 2016] [Korsholm, 2017]. De façon plus spécifique, six études rétrospectives américaines récentes concluent que la prise en charge chirurgicale en un jour des patientes présentant un cancer de l’endomètre est faisable et sure, malgré les comorbidités associées à cette pathologie (obésité, hypertension, diabète).

  • Gien et ses collaborateurs ont décrit en 2011 la prise en charge de 303 patientes par cœlioscopie pour une pathologie oncologique pelvienne, dont 49,5% pour un cancer de l'endomètre. Cent quarante-sept (48,5%) ont eu une durée d’hospitalisation de moins d’une journée (séjour moyen de 295 minutes), sans complication post opératoire majeure, et parmi elles 7 (4,8%) ont été réadmises dans les trois semaines suivant l’intervention. Les facteurs associés à une durée d’hospitalisation supérieure à 24h étaient l’âge de la patiente (OR 1,76 pour 70 ans vs. 50 ans, p=0,001), l’expérience du chirurgien (OR 6,91, p=0,0001), une laparoconversion (p=0,0001), une hystérectomie élargie (OR 3,43, p=0,002), la durée de l’intervention (OR 2,94 pour 4 heures vs. 2 heures, p=0,0001), et une heure d’incision après 13h00 (OR 3,77, p=0,0001). [Gien, 2011]
  • Rettenmaier et ses collaborateurs ont présenté en 2012 les données issues de la prise en charge programmée en un jour pour 21 patientes avec cancer de l’endomètre avec cœlioscopie opératoire, hystérectomie totale et curages pelviens bilatéraux. Le taux de succès de retour à domicile à J0 était de 75% (21/28). Parmi, les 21 patientes prises en charge en ambulatoire, la durée opératoire moyenne était de 1,48 h et la durée de l'hospitalisation était de 6,35 h, il n'y avait pas de complications peropératoires ni de réadmissions [Rettenmaier, 2012].
  • Lee et ses collaborateurs ont rapporté en 2014 l’issue de 200 interventions (41% pour cancer de l’endomètre) programmées en un jour pour hystérectomie robot assistée dont 91 (45%) avec geste ganglionnaire associé (ganglion sentinelle, et/ou curage pelvien et/ou curage lombo aortique). Cent cinquante-sept patientes (78%) ont pu regagner leur domicile le jour de l’intervention. Les facteurs associés à la sortie le jour même étaient une courte durée opératoire, la fin de l’intervention avant 18 heures et l'utilisation per opératoire de kétorolac. Les patientes hospitalisées moins d’une journée ont moins consulté aux urgences en post opératoires que les patientes ayant prolongé leur hospitalisation : n=8/157 (5,1%) vs. 5/43 (11,6%), p = 0,08. De plus, les patientes hospitalisées moins d’une journée ont été moins ré hospitalisées que les patientes ayant prolongé leur hospitalisation : n=4/157 (2,5%) vs. n=3/43 (7,0%). [Lee, 2014]
  • Penner et ses collaborateurs ont présenté en 2015 l’issue de 141 interventions consécutives (82,3% pour cancer de l’endomètre) programmées en un jour pour cœlioscopie, hystérectomie totale, curages pelviens et lomboaortique. Cent dix-huit patients (83,7%) ont pu regagner leur domicile le jour même. Les facteurs associés à la prolongation de l’hospitalisation étaient une douleur sévère en post opératoire immédiat (OR 6,81; p= 0,006), une incapacité à prendre un traitement per os rapidement (OR, 9,3; p = 0,002), une voie d’abord par cœlioscopie conventionnelle vs. robot assistée (OR, 9,05, p = 0,001) et une heure d’incision au-delà de 14h00 (OR, 36,8, p<0,0001). Le taux de réadmission post opératoire était identique selon la prise en charge en ambulatoire ou non (11% vs 17%, p = 0,48). [Penner, 2015]
  • Melamed et ses collaborateurs ont publié en 2015 une étude rétrospective uni centrique concernant 696 patientes opérées d’un cancer de l’endomètre (37% avec curages pelviens et 3% avec curage lombaortique) entre 2011 et 2013. Ils rapportent un taux de prise en charge en ambulatoire passé sur cette période de 3,9% à 69,6%, sans complication supplémentaire.
  • Lee et se collaborateur, ont présenté en 2016 l’analyse d’une base de donnée américaine sur les modalités de prise en charge par cœlioscopie de 9020 patientes avec un cancer de l’endomètre opérées entre 2010 et 2014. Le taux de retour à domicile à J0 était de 8,1 % (n=729). La prise en charge en un jour était associée, par rapport à une hospitalisation plus longue, à moins d’infections du site opératoire, et à des taux équivalents de complications post opératoires et de réadmissions. [Lee, Gynecol Oncol, 2016]

 

En France, la prise en charge de ces patientes en ambulatoire est encore très marginale. En effet, d’après les données de la CCAM, moins de 0,2% des patientes ayant eu une hystérectomie par cœlioscopie pour une pathologie cancéreuse en 2012-2013 ont été prise en charge en ambulatoire. Bruneau et ses collaborateurs ont publié en 2015 une étude portant sur 47 patientes opérées d’une hystérectomie totale en chirurgie ambulatoire [Bruneau, 2015]. Aucune patiente n’avait de geste ganglionnaire associé. Ils rapportent un taux de réussite de l’ambulatoire de 89% sans réadmission ou complication dans les premières 72h. A noter que notre équipe a rapporté le premier cas d’hystérectomie totale avec procédure du ganglion sentinelle par voie coelioscopique robot-assistée pris en charge en ambulatoire en France [Belghiti, 2016]. Ces résultats portant sur très peu de patientes sont encourageants et nous incitent à développer ces stratégies. Il existe cependant plusieurs freins en France. Le premier est organisationnel et porte sur la durée d’ouverture des services d’ambulatoire. En effet, la définition Française de la chirurgie ambulatoire est une hospitalisation de moins de 12h contrairement à la définition internationale du « same-day discharge » qui est de 24 heures. Le second frein est culturel : de nombreux professionnels (médicaux ou paramédicaux) ont des réticences quant à l’intérêt ou au bénéfice de la prise en charge ambulatoire. Enfin, le dernier frein est le manque de réseau ville-hôpital.

La prise en charge ambulatoire des patientes opérées d’un cancer pelvien par voie mini-invasive est donc une option sure. Elle nécessite une coordination et une implication forte de l’ensemble des acteurs du parcours de soin. En amont de l’intervention (information, anticipation des ordonnances post-opératoires, consultation d’anesthésie, équipe de médecine nucléaire), le jour de l’intervention (parcours patient, coordination entre les différents intervenants, gestion de la sortie), et en post-opératoire (appel de la patiente, disponibilité 24h/24 et coordination ville-hôpital). Cependant, à ce jour, aucune étude prospective n’a évalué la prise en charge en ambulatoire par rapport à un circuit traditionnel des patientes présentant un cancer de l’endomètre. Afin de répondre à cette question nous mettons en place une étude prospective randomisée multicentrique financée dans le cadre d’un programme de recherche médico-économique (PRME 2015, étude AMBU-ENDO). Ce protocole permettra d’évaluer la sécurité de cette prise en charge, son impact médico-économique mais aussi la satisfaction des patientes et de soignants.

 

Bibliographie

AMBU-ENDO. Cost-utility of Ambulatory Surgery in the Management of Endometrial Cancer(AMBU-ENDO). ClinicalTrials.gov Identifier: NCT03580421

Belghiti J, Marchand E, Nikpayam M, Corsia G, Canlorbe G, Uzan C. Hystérectomie et ganglion sentinelle en ambulatoire par voie robot-assistée : sommes-nous prêt en France ? Gynecol Obstet Fertil. 2016 Oct;44(10):605–6.

Bruneau L, Randet M, Evrard S, Damon A, Laurent F-X. Prise en charge ambulatoire de l'hystérectomie laparoscopique: évaluation de la faisabilité et de la satisfaction des patientes. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 2015 Nov;44(9):870–6.

Gien LT, Kupets R, Covens A. Feasibility of same-day discharge after laparoscopic surgery in gynecologic oncology. Gynecol Oncol. 2011 May 1;121(2):339-43.

Korsholm M, Mogensen O, Jeppesen MM, Lysdal VK, Traen K, Jensen PT. Systematic review of same-day discharge after minimally invasive hysterectomy. Int J Gynaecol Obstet Off Organ Int Fed Gynaecol Obstet. 2017 Feb;136(2):128–37

Lee SJ, Calderon B, Gardner GJ, Mays A, Nolan S, Sonoda Y, Barakat RR, Leitao MM Jr. The feasibility and safety of same-day discharge after robotic-assisted hysterectomy alone or with other procedures for benign and malignant indications. Gynecol Oncol. 2014 Jun;133(3):552-5.

Lee J, Aphinyanaphongs Y, Curtin JP, Chern JY, Frey MK, Boyd LR. The safety of same-day discharge after laparoscopic hysterectomy for endometrial cancer. Gynecol Oncol. 2016 Sep;142(3):508-13. doi: 10.1016/j.ygyno.2016.06.010. Epub 2016 Jun 30. PubMed PMID: 27288543

Melamed A, Katz Eriksen JL, Hinchcliff EM, Worley MJ Jr, Berkowitz RS, Horowitz NS, Muto MG, Urman RD, Feltmate CM. Same-Day Discharge After Laparoscopic Hysterectomy for Endometrial Cancer. Ann Surg Oncol. 2016 Jan;23(1):178-85. doi: 10.1245/s10434-015-4582-4. Epub 2015 May 9. PubMed PMID: 25956576.

Nahas S, Feigenberg T, Park S. Feasibility and safety of same-day discharge after minimally invasive hysterectomy in gynecologic oncology: A systematic review of the literature. Gynecol Oncol. 2016 Nov;143(2):439–42.

Penner KR, Fleming ND, Barlavi L, Axtell AE, Lentz SE. Same-day discharge is feasible and safe in patients undergoing minimally invasive staging for gynecologic malignancies. Am J Obstet Gynecol. 2015 Feb;212(2):186.e1-8.

Rettenmaier MA, Mendivil AA, Brown JV 3rd, Abaid LN, Micha JP, Goldstein BH. Same-day discharge in clinical stage I endometrial cancer patients treated with total laparoscopic hysterectomy, bilateral salpingo-oophorectomy and bilateral pelvic lymphadenectomy. Oncology. 2012;82(6):321-6

Yu X, Lum D, Kiet TK, Fuh KC, Orr J Jr, Brooks RA, Ueda SM, Chen LM, Kapp DS, Chan JK. Utilization of and charges for robotic versus laparoscopic versus open surgery for endometrial cancer. J Surg Oncol. 2013 May;107(6):653-8.

 
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