Traitement par DHEA

Le rôle de la DHEA chez la femme et son intérêt comme agent thérapeutique continuent à être l’objet de controverses. Le JCEM y consacre une grande revue : après avoir repris quelques bases de physiologie, les auteurs reviennent sur les données qui ont permis de relier taux de DHEA et certains paramètres cliniques avant d’analyser les études cliniques permettant d’en préciser les effets thérapeutiques potentiels chez la femme ménopausée.

La DHEA est produite principalement au niveau du cortex surrénalien, une partie étant sécrétée par les gonades. Son métabolite 3Béta sulfaté, la SDHEA, est en revanche uniquement issu de la zone réticulée du cortex surrénalien. Avec la perte de l’activité ovarienne à la ménopause, la DHEA et son métabolite deviennent des précurseurs majeurs de la production extra-gonadique d’androgènes et d’estrogènes. Différentes études ont évoqué le rôle bénéfique potentiel de la DHEA sur le profil lipidique, l’insulino-sensibilité, le bien être physique, sexuel et psychique. Il est à noter que certaines avaient été réalisées chez les rongeurs dont les surrénales ne produisent pas de DHEA. Des études chez l’humain avaient suscité un intérêt substantiel mais étaient de petites tailles et sur de courtes durées. Plus récemment, l’emploi de la DHEA a été proposé pour lutter contre les symptômes post-ménopausiques. Pour explorer ces notions, les auteurs ont résumé les effets physiologiques de ces hormones chez la femme puis ont fait une revue de la littérature des études randomisées publiées sur le sujet chez les femmes ménopausées aux surrénales intactes.

Physiologie :

Chez la femme adulte, la DHEA est l’hormone stéroïde la plus abondante avec une production quotidienne de 8 à 16 mg/j, quasi exclusivement d’origine surrénalienne. La SDHEA est formée à partir du DHEA dans la zone réticulée des surrénales qui possède une activité sulfo-transférase majeure. La SDHEA, hydrophile, est la forme circulante principale de DHEA et est convertie dans de nombreux tissus en DHEA par des sulfatases. Avant la ménopause, 50% de la DHEA est sécrétée par les surrénales, les ovaires en produisent 1 à 2 mg/j, le reste étant issu de la production dans les tissus périphériques. La production de SDHEA augmente chez la fillette dès l’âge de 6 à 8 ans comme conséquence de la maturation de la zone réticulée du cortex surrénalien se traduisant par l’adrénarche. Les taux maximum de DHEA et SDHEA circulants sont atteints entre 20 et 30 ans après quoi ils déclinent avec l’âge tout au long de la vie adulte. Les ovaires à la ménopause s’arrêtent de produire de la DHEA. A 70 ans, le taux de SDHA est 77% inférieur à celui retrouvé vers 30 ans : l’âge n’explique que 30% de cette variation et le reste est lié au statut ménopausique.

En périphérie, la DHEA exerce des effets principalement à travers ses métabolites estrogéniques et androgèniques car il n’a pas été caractérisé de récepteur spécifique ; elle se lie faiblement aux récepteurs des estrogènes et des androgènes. La DHEA et son métabolite sulfaté sont métabolisées dans les tissus soit par aromatisation en estrone, soit par la 5 alpha –réductase en testostérone, qui à leur tour peuvent être convertis en estradiol et di-hydro- testostérone. La transformation de DHEA en androgènes ou estrogènes dépend du niveau d’expression des enzymes métaboliques de chaque cellule. Avec l’âge, on assiste à une augmentation de l’aromatase dans le tissu adipeux ; de ce fait, les femmes âgées ont une capacité plus importante à synthétiser de l’estrone à partir de ces précurseurs.

Association clinique et niveaux plasmatiques de DHEA et SDHEA :

Différentes études ont évalué la relation entre les taux hormonaux et certaines caractéristiques cliniques comme la sexualité, le bien être, les fonctions cognitives, les maladies cardio-vasculaires et le métabolisme glucido-lipidique. Il a été retrouvé une légère corrélation entre les taux de SDHEA et libido, satisfaction sexuelle, réponse sexuelle sans pour autant identifier une limite franche.

Concernant le bien-être, il ne semble globalement pas apparaître de relation significative, bien que dans 2 études un taux bas de SDHEA était associé à une moindre vitalité et un peu plus d’états dépressifs.

Le taux de triglycérides était inversement corrélé au taux de SDHEA avant la ménopause mais pas après la ménopause. On ne notait pas non plus d’association concernant la mortalité cardio-vasculaire, le BMI, le rapport taille/hanche, le diabète, l’insulinémie et autres facteurs de risque cardio-vasculaire.

Concernant l’impact osseux, la DHEA semble avoir des bénéfices sur le squelette : les niveaux de DHEA étaient positivement corrélés à la BMD des femmes ménopausées et il a été montré que les ostéoblastes convertissaient DHEA en estrone.

Concernant les effets de neuro-protection : certaines études montreraient que des taux plus hauts de SDHEA seraient associés à de meilleures performances en termes de mémoire et concentration.

Traitement par DHEA :

Pour certains, le traitement des femmes ménopausées par DHEA pourrait améliorer d’une part la libido (du fait de sa transformation en androgènes) et d’autre part réduire le syndrome climatérique (du fait des sa transformation en estrogènes). Administrée après la ménopause, la DHEA se transforme en réalité principalement en androgènes plutôt qu’en estrogènes avec pour 50 mg/j de DHEA orale une augmentation de 100% des taux de testostérone et de 35% des taux d’œstradiol et 55% des taux d’estrone. Ces modifications sont moins importantes concernant les androgènes lors de l’administration transdermique du fait de l’absence de 1er passage hépatique et donc moindre action de la 5- alpha réductase hépatique.

Concernant l’impact de la DHEA sur la sexualité : 8 études aux résultats contradictoires ont été publiées. Les études montrant une certaine efficacité sont de courte durée et utilisent des doses supra-physiologiques. Globalement, il ne semble pas y avoir d’effet significatif d’amélioration de la sexualité sous DHEA orale, en revanche DHEA administrée par voie vaginale donne de bons résultats en cas de dyspareunie liée à une atrophie vaginale.

Concernant l’impact sur le bien-être et le climatère : la plupart des études ne monte pas d’effet notable sur ces paramètres ni sur les symptômes psychologiques; une seule étude utilisant des doses supra-physiologiques retrouve un effet positif sur l’humeur.

Concernant la répercussion de la DHEA sur les paramètres métaboliques : par voie orale, DHEA montre globalement un effet modeste sur les lipides avec une tendance à la diminution du HDL cholestérol de 4 à 20% sans effet sur les autres paramètres, en particulier l’insulino-sensibilité.

Concernant l’effet de la DHEA sur le squelette : seules certaines études utilisant 50mg/j de DHEA par voie orale montrent une augmentation de la BMD vertébrale et fémorale. Quoiqu’il en soit, les effets retrouvés sont moindres qu’avec d’autres thérapeutiques à visée osseuse et il n’existe pas de données concernant l’effet anti-fracturaire.

Concernant l’impact de la DHEA sur les fonctions cognitives : une revue Cochrane, basée sur les quelques études publiées, ne montre pas de bénéfice.

Pour ce qui est des autres effets possibles de la DHEA : à fortes doses, un risque d’acné et hirsutisme existe dans certaines études. En revanche, il n’était pas retrouvé d’anomalies en termes de saignements utérins ou d’endomètre sur les échographies lorsqu’elles étaient réalisées. Concernant l’impact mammaire, aucune étude ne permet d’évoquer la notion de l’effet de DHEA sur le sein chez la femme ; des études in vitro et chez les rongeurs seraient plutôt en faveur d’une inhibition de la carcinogénèse.

En conclusion :

DHEA continue à faire l’objet de publicité vantant de nombreux avantages non prouvés par des études scientifiques bien menées. Vendue librement aux USA, et sur internet, comme complément nutritionnel (bien que n’étant retrouvé dans aucun aliment), son utilisation est purement sauvage. Il n’existe pas à l’heure actuelle, d’études suffisamment longues démontrant un quelconque effet sur la sexualité après la ménopause en dehors de l’efficacité de la DHEA localement pour lutter contre l’atrophie. De même, il n’existe pas d’effet prouvé sur le métabolisme glucido-lipidique ni sur les fonctions cognitives ; seul apparait un effet modeste sur l’os mais sans notion d’une action anti-fracturaire.

Bien que la DHEA diminue avec l’âge, les taux circulants de DHEA et SDHEA semblent suffisants chez la femme ménopausée aux surrénales intactes ; un apport exogène ne semble, à ce jour, d’aucune utilité et sa totale innocuité reste à démontrer.

S Davis, M Panjari, F Z Stanczyk. DHEA replacement for postmenopausal women. J Clin Endocrinol Metab, 2011; 96(6).

 
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