Quand l’androgénicité d’une contraception hormonale semble modifier le risque de troubles du rythme cardiaque…

Le syndrome du QT long se définit par un allongement du segment QT sur l’électrocardiogramme qui correspond au temps de dépolarisation et repolarisation des ventricules. Il est associé à un risque accru de troubles du rythme avec torsades de pointe ou fibrillation ventriculaire et donc de syncopes voire mort subite. Ce segment est influencé par les hormones sexuelles : il est plus long de base chez les femmes comparativement à la population masculine. En effet, les estrogènes l’augmentent tandis que les androgènes le diminuent. Le rôle de l’équilibre hormonal d’une contraception hormonale, en particulier son androgénicité, pourrait-elle l’influencer ?

Une équipe française a cherché à tester différentes contraceptions estroprogestatives (COP) sur la longueur du segment QT de base et après test au sotalol. Ce bétabloquant particulier possède un effet propre sur la repolarisation entrainant un allongement du segment QT.

Ainsi, un ECG a été réalisé chez 498 femmes en bonne santé avant et après test au sotalol (80 mg per os). 291 étaient sous contraception estroprogestative et 207 sans aucun traitement hormonal. Les COP utilisées associaient de l’éthinyl-estradiol à différents progestatifs du plus au moins androgéniques : lévonorgestrel, désogestrel ou gestodène et enfin drospirénone.

Avant administration du sotalol, aucune différence n’était notée, selon le type de COP utilisée, sur la durée du segment QT, l’onde T, les taux plasmatiques de sotalol et la kaliémie. En revanche, 3 heures après administration du bétabloquant, la COP contenant de la drospirénone entrainait un segment QT significativement plus long : allongement de 31,2 millisecondes versus 24,6 millisecondes chez les femmes sans COP (P= .005) et 24,2 millisecondes chez celles sous COP contenant du lévonorgestrel (P= .005). Il était également noté l’apparition d’un notch sur l’onde T chez les femmes utilisant une COP contenant la drospirénone.

Les COP sont associées de manière différente selon leur androgénicité avec des modifications de la repolarisation induites par le sotalol. Une différence de plus de 10 millisecondes était notée entre les COP les moins androgéniques (contenant de la drospirénone) versus les plus androgéniques (contenant du lévonorgestrel). Cette différence est habituellement considérée comme associée à un risque plus élevé d’arythmie cardiaque. Ainsi, les COP les plus anti-androgéniques pourraient donc être les plus à risque de troubles du rythme cardiaque ?

 L’analyse des données de pharmacovigilance européenne, recensant les accidents déclarés, semble également trouver plus d’arythmies ventriculaires, morts subites et QT long chez des femmes utilisant des COP contenant de la drospirénone versus lévonorgestrel.

Ces résultats sont sans doute sans conséquences majeures chez les femmes en bonne santé mais pourraient imposer une vigilance spécifique chez des femmes à risque, comme celles atteintes d’une forme familiale : le syndrome du QT long congénital d’origine génétique (1/5000 naissances).

 Références
 JE Salem, P Dureau, A Bachelot et al. Association of oral contraceptives with drug-induced QT interval prolongation in healthy nonmenopausal women. JAMA Cardiol 2018. 3(9):877-882.

 

 
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