Des tests sanguins ont été récemment présentés comme révolutionnaires, et les spécialistes présents au congrès international de cancérologie font le point sur la question.
Les résultats récents d’une étude réalisée par le Mémorial Sloan Kettering Cancer de New York (étude Pathfinder) décrit un test sanguin qui pourrait dépister 50 types de cancer avant que les patients présentent des symptômes.
Le test est basé sur l’étude de petits fragments d’ADN libre dans le sang dont le profil de méthylation est différent entre les ADN libres des cellules cancéreuses par rapport à des cellules non cancéreuses.
Les résultats de l’étude Pathfinder ont été présentés au congrès de la société européenne d’oncologie médicale qui a eu lieu en septembre 2022 à Paris.
- 6 621 adultes de plus de 50 ans et ne présentant aucun symptôme ont été inclus dans ce test.
- Pour 6 529 personnes, le test était négatif.
- Un cancer potentiel a été évoqué pour 92 personnes, soit 1,4% des personnes testées.
- D’autres tests ont confirmé des tumeurs solides ou cancer du sang chez 35 personnes soit 38 % des personnes sur les 92. Ce qui laisse supposer qu’il y a 62 % de faux positifs.
Les experts pensent que ces tests utilisés à grande échelle risquent de créer des anxiétés injustifiées chez un grand nombre de personnes, mais aussi à conduire à des tests de suivis inutiles et couteux (pour Paul PHAROAH, Professeur d’épidémiologie du cancer à l’université de Cambridge), voir même détecter des cancers qui n’évolueront pas.
Néanmoins, le NHS a comme objectif de passer de 50% de détection des cancers aujourd’hui à 75% en 2028, et pense que ce test pourrait être un outil pour y arriver. Naser TURABI du Cancer Research UK estime aussi qu’un nombre trop grand de cancers sont dépistés trop tard et qu’ainsi l’utilisation de ce type de test permettra de sauver de nombreuses vies.
Paul PHAROAH contredit cet argument en précisant que sur les 35 cancers réellement diagnostiqués par ce test, seulement 15 étaient au stade 1 ou 2 et que cela n’augmente pas le pourcentage de détection précoce de cancer par rapport à la stratégie actuellement utilisée en UK.
Pourtant ce test est déjà disponible aux USA pour des patients à risque augmenté de cancer pour un coût de près de 1000 dollars ; et l’on peut se demander si cette stratégie est économiquement possible à grande échelle.
Les spécialistes présents disent que ce test est potentiellement intéressant mais que de nombreuses questions restent sans réponse, notamment en termes de survie des patients.
Ils précisent aussi que l’intérêt serait d’avoir un diagnostic de cancer qui ne présentent des symptômes qu’à un stade métastatique (notamment les cancers pancréatiques, ou ovariens) car si ce sont les cancers de la prostate, du sein ou du colon qui sont diagnostiqués, ils peuvent l’être par d’autres moyens.
Le Dr Mac Cartney insiste aussi sur le fait que ce type de dépistage avec autant de faux positif risque d’augmenter significativement les files d’attente.
Les experts précisent aussi que les informations par communiqués de presse comme c’est le cas ici, sont délétères tant que l’on ne sait pas réellement si on augmente réellement le taux de détection et les chances de survie ou si l’on expose les populations à un sur-diagnostic.
Références
Sample I. Blood test spots multiple cancers without clear symptoms, study finds. Guardian
September 2022. www.theguardian.com/science/2022/sep/11/galleri-blood-test-multiple-can…-clear-symptoms-study.
https://grail.com/press-releases/grail-announces-final-results-from-the…-detection-screening-study-at-esmo-congress-2022/
www.esmo.org/newsroom/press-releases/a-new-era-of-early-cancer-detectio…-change-cancer-screening-paradigms
NHS England. www.england.nhs.uk/2020/11/nhs-to-pilot-potentially-revolutionary-blood-test.
https://grail.com/press-releases/grail-and-national-health-service-nhs-…-of-140000-participants-in-largest-study-of-multi-cancer-early-detection-test.
NHS England. www.england.nhs.uk/2020/11/nhs-to-pilot-potentially-revolutionary-blood…