Prise en charge des adénocarcinomes in situ du col utérin

L’adénocarcinome in situ du col utérin (AIS) est une entité histologique aujourd’hui bien identifiée définie par une lésion non invasive du col utérin en relation avec la transformation de cellules glandulaires sous l’influence d’une infection persistante par un papillomavirus humain (HPV) à haut risque, notamment l’HPV 18 dans 60% des cas.

Ces lésions peuvent évoluer vers l’adénocarcinome invasif (15 à 20% des carcinomes du col utérin) si elles sont non traitées, raison pour laquelle leur diagnostic précoce et une prise en charge adaptée est essentielle. Ce diagnostic concerne des femmes jeunes, la plupart des cas surviennent en effet entre 32 et 40 ans [1–8] et avant 35 ans dans 70% des cas [9]. L'âge moyen au moment du diagnostic de l’AIS serait de 37 ans dans une méta-analyse portant sur 1278 femmes [10]. Ainsi, l’impact du traitement sur le pronostic obstétrical et la fertilité de ces patientes est central dans l’information délivrée et lors de la décision thérapeutique.

Le frottis cervico-utérin a une faible sensibilité pour le dépistage de ces lésions et le diagnostic colposcopique est difficile. Les lésions se développent aux dépends de l’épithélium glandulaire proche de la jonction et sont souvent de localisation endocervicale. Une atteinte haute et isolée de l’endocol est rare. La progression est endocervicale, en moyenne jusqu’à une hauteur de 10 à 15 mm, et rarement au-delà de 25 mm. La multifocalité de ces lésions est fréquente (13 à 17% des cas [11] [12]), avec des intervalles d’épithélium sain entre deux foyers d’AIS, ce qui implique la nécessité de marges endocervicales in sano lors de l’exérèse chirurgicale (l’objectif serait  d’obtenir 3 à 10 mm de marges saines). L’association à des lésions de néoplasie intraépithéliale malpighienne de haut grade est fréquente (30 à 55% de CIN2/3 selon les séries [10] [11] [13] [14]).

Lors de la colposcopie, on recherchera une acidophilie polypoïde (en « tache de bougie ») et des vaisseaux anormaux (calibre et distribution) au sein de l’épithélium glandulaire, une association à des anomalies malpighiennes, mais la colposcopie peut être normale.

Les recommandations françaises pour la prise en charge des femmes ayant une cytologie cervico-utérine anormale publiée par l’Institut national du cancer (INCa) (https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Conduite-a-tenir-devant-une-femme-ayant-une-cytologie-cervico-uterine-anormale) précisent qu’en cas d’AIS ou d’atypies glandulaires (AGC avec triage HPVhr+) un bilan colposcopique avec curetage de l’endocol sont indispensables afin d’obtenir un diagnostic histologique, puis celui-ci obtenu, l’exérèse de la lésion doit être réalisée dans un premier temps.

Cette exérèse repose sur la réalisation d’une conisation cylindrique [15] (vidéos de la technique : https://www.gyneco-online.com/tv ) lorsque l’AIS a été identifié sur une biopsie cervicale, complétée par un curetage de l’endocol.

Si les marges de l’exérèse sont saines et si la patiente a un projet parental, un traitement conservateur peut être proposé. Si les marges sont non saines et/ou le curetage endocervical positif, une nouvelle exérèse conservatrice et un nouveau curetage endocervical doivent être réalisés. Si les marges sont non saines et/ou le curetage positif après cette deuxième exérèse, une discussion du traitement ultérieur en réunion de concertation pluridisciplinaire est recommandée. Si les marges sont saines et le curetage endocervical négatif : une hystérectomie totale est recommandée en l’absence de désir de grossesse.

Il est à souligner l’importance des marges in sano en cas d’AIS : dans un travail réalisé en 2008, sur une cohorte de 121 patientes, dans 36% des cas les marges n’étaient pas in sano avec pour conséquence un taux de lésions résiduelles sur la pièce d’hystérectomie secondaire de 46% contre 18% en cas de marge in sano [16]. Dans ce contexte, il faut obtenir pour atteindre cet objectif une profondeur de résection de 10 à 15mm en cas de colposcopie contributive et de 20 à 25mm en cas de colposcopie non contributive [17] pour diminuer le taux de berges atteintes [18].

L’électro-résection à l’anse diathermique ne semble pas adaptée à cette intervention dans la mesure où elle ne permet pas le prélèvement d’une pièce opératoire satisfaisante. En effet, elle n’assure ni une profondeur d’exérèse suffisante ni un contrôle suffisamment précis de l’incision dont le trajet doit être parallèle aux berges du canal endocervical [18].  Pour les patientes présentant un désir de grossesse et pour lesquelles une surveillance rapprochée est préconisée (traitement conservateur), il faut avertir la patiente du risque de complication obstétricale (accouchement prématuré) [19], même si ces risques ne sont pas précisément évalués en cas d’exérèse cylindrique mais semblent tout de même liés au volume de la pièce et à la hauteur de canal cervical retiré .

En 2019, l’InCA a publié les recommandations pour la surveillance post-thérapeutique des lésions précancéreuses du col de l’utérus (https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Synthese-Surveillance-post-therapeutique-des-lesions-precancereuses-du-col-de-l-uterus) :

  • Après conisation cylindrique in sano, si un traitement conservateur est décidé : il faut réaliser un test HPV à six mois de la conisation. Si ce test HPV est négatif, il faut poursuivre par un suivi annuel (en associant les techniques existantes : cytologie, test HPV, colposcopie, curetage de l’endocol, …). Si ce test HPV est positif, une colposcopie avec examen de la vulve et du vagin +/- curetage de l’endocol doit être réalisée. Le résultat de cet examen guide la poursuite de la prise en charge.
  • Après une hystérectomie, la surveillance est celle des lésions histologiques malpighiennes de haut grade traitées : il faut réaliser un test HPV à six mois de l’hystérectomie. Si ce test HPV est négatif, il faut refaire ce test à 3 ans. Si ce test HPV est positif, une colposcopie avec examen de la vulve et du vagin, et biopsie si nécessaire, doit être réalisée. Le résultat de cet examen guidera la poursuite de la prise en charge.

 

 

Références

 

1. Azodi M, Chambers SK, Rutherford TJ, Kohorn EI, Schwartz PE, Chambers JT. Adenocarcinoma in situ of the cervix: management and outcome. Gynecol Oncol 1999;73(3):34853.

2. Wolf JK, Levenback C, Malpica A, Morris M, Burke T, Mitchell MF. Adenocarcinoma in situ of the cervix: significance of cone biopsy margins. Obstet Gynecol 1996;88(1):826.

3. Soutter WP, Haidopoulos D, Gornall RJ, McIndoe GA, Fox J, Mason WP, et al. Is conservative treatment for adenocarcinoma in situ of the cervix safe? BJOG Int J Obstet Gynaecol 2001;108(11):11849.

4. Kennedy AW, Biscotti CV. Further study of the management of cervical adenocarcinoma in situ. Gynecol Oncol 2002;86(3):3614.

5. Shin CH, Schorge JO, Lee KR, Sheets EE. Conservative management of adenocarcinoma in situ of the cervix. Gynecol Oncol 2000;79(1):610.

6. Dalrymple C, Valmadre S, Cook A, Atkinson K, Carter J, Houghton CRS, et al. Cold knife versus laser cone biopsy for adenocarcinoma in situ of the cervix--a comparison of management and outcome. Int J Gynecol Cancer Off J Int Gynecol Cancer Soc 2008;18(1):11620.

7. McHale MT, Le TD, Burger RA, Gu M, Rutgers JL, Monk BJ. Fertility sparing treatment for in situ and early invasive adenocarcinoma of the cervix. Obstet Gynecol 2001;98(5 Pt 1):72631.

8. Poynor EA, Barakat RR, Hoskins WJ. Management and follow-up of patients with adenocarcinoma in situ of the uterine cervix. Gynecol Oncol 1995;57(2):15864.

9. Andersen ES, Nielsen K. Adenocarcinoma in situ of the cervix: a prospective study of conization as definitive treatment. Gynecol Oncol 2002;86(3):3659.

10. Salani R, Puri I, Bristow RE. Adenocarcinoma in situ of the uterine cervix: a metaanalysis of 1278 patients evaluating the predictive value of conization margin status. Am J Obstet Gynecol 2009;200(2):182.e1-5.

11. Andersen ES, Arffmann E. Adenocarcinoma in situ of the uterine cervix: a clinico-pathologic study of 36 cases. Gynecol Oncol 1989;35(1):17.

12.  Bertrand M, Lickrish GM, Colgan TJ. The anatomic distribution of cervical adenocarcinoma in situ: implications for treatment. Am J Obstet Gynecol 1987;157(1):215.

13. Teshima S, Shimosato Y, Kishi K, Kasamatsu T, Ohmi K, Uei Y. Early stage adenocarcinoma of the uterine cervix. Histopathologic analysis with consideration of histogenesis. Cancer 1985;56(1):16772.

14. Nicklin JL, Wright RG, Bell JR, Samaratunga H, Cox NC, Ward BG. A clinicopathological study of adenocarcinoma in situ of the cervix. The influence of cervical HPV infection and other factors, and the role of conservative surgery. Aust N Z J Obstet Gynaecol 1991;31(2):17983.

15. Azaïs H, Canlorbe G, Belghiti J, Nikpayam M, Mergui JL, Uzan C. [How I do… a cylindrical excision for in situ adenocarcinoma of the cervix]. Gynecol Obstet Fertil Senol 2017;45(78):43940.

16. Dedecker F, Graesslin O, Bonneau S, Quéreux C. Persistance et récidive des adénocarcinomes in situ après traitement : à propos d’une série rétrospective multicentrique de 121 cas. Gynécologie Obstétrique Fertil 2008;36(6):61622.

17. Ciavattini A, Giannella L, Delli Carpini G, Tsiroglou D, Sopracordevole F, Chiossi G, et al. Adenocarcinoma in situ of the uterine cervix: Clinical practice guidelines from the Italian society of colposcopy and cervical pathology (SICPCV). Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2019;240:2737.

18. Graesslin O, Dedecker F, Collinet P, Jouve E, Urbaniack D, Leroy JL, et al. [Management of in situ cervical adenocarcinoma]. Gynecol Obstet Fertil 2006;34(12):117884.

19. Kyrgiou M, Koliopoulos G, Martin-Hirsch P, Arbyn M, Prendiville W, Paraskevaidis E. Obstetric outcomes after conservative treatment for intraepithelial or early invasive cervical lesions: systematic review and meta-analysis. The Lancet 2006;367(9509):48998.

 
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