Quelques dispositions de la loi de modernisation du système de santé, après son examen par le Conseil constitutionnel qui a rendu publique sa décision n° 2015-727 le 21 janvier 2016, intéressent particulièrement la gynécologie et l’obstétrique :
- Article 7 : extension à la sage-femme (article L. 1111-5 du code de la santé publique) et à l’infirmier (article L. 1111-5-1) de la dispense d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’acte s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, avec obligation de garder à sa demande le secret sur son état de santé ;
- Article 10 : accès à la contraception d’urgence des élèves du second degré auprès de l’infirmerie scolaire, par modification de l’article L. 5134-1 du CSP. La compétence des infirmiers scolaires pour une contraception d’urgence n’est plus subordonnée à la double condition d’absence d’accessibilité immédiate d’un médecin, d’une sage-femme ou d’un centre de planification ou d’éducation familiale et de situation de détresse caractérisée.
- Article 39 : mesure équivalente pour les TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) effectués pour les professionnels de santé qui contribuent au dépistage des maladies infectieuses transmissibles, prévus à l’article L. 6211-3 du CSP. Il est regrettable que le nouveau texte ne vise que les médecins et sages-femmes, alors que les TROD sont également pratiqués par les pharmaciens biologistes que l’article L. 6211-3 ne mentionne pas au titre de l’exonération de l’obligation d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale.
Au même article, le secret est étendu à la prise en charge par l’assurance maladie de certaines dépenses à fixer par arrêté des ministres de la santé et de la sécurité sociale.
- Article 40 : « Nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. », est-il ajouté à l’article L. 1211-6-1 du CSP (cf. gyneco-online d’octobre 2014 pour un exemple de contentieux et le compte-rendu de la QPC du 19 septembre 2014 sur la mention dans le dossier médical de pratiques sexuelles à risque). Le texte a été introduit par un amendement du député Arnaud Richard, du groupe UDI, et Marisol Touraine s’y était vivement opposée au nom du Gouvernement, affirmant que cette disposition « ne relève pas de la loi mais d’un arrêté, et la décision est d’ores et déjà prise de modifier les termes du questionnaire préalable au don et, le cas échéant, de fixer le nombre minimum de mois devant s’être écoulés entre un comportement à risque et le don ».
- Article 82 : interruption de grossesse avant la fin de la 12ème semaine : le délai de réflexion d’une semaine prévu à l’article L. 2212-5 du CSP entre la demande de la femme et la confirmation écrite de cette demande est supprimé. Cet article a été soumis par les sénateurs au Conseil constitutionnel et ils soutenaient que l’article 82 « méconnait le principe suivant lequel tout acte chirurgical doit être précédé d’un délai de réflexion ». ce à quoi le Conseil constitutionnel a répondu dans sa décision du 21 janvier 2016 (§ 43 et 44) :
«Considérant, d’une part, qu’en supprimant le délai d’une semaine entre la demande de la femme d’interrompre sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande, le législateur n’a pas rompu l’équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration de 1789, dès lors que l’article L. 2212-5 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l’article 82 fait obstacle à ce que la demande d’interruption de grossesse et sa confirmation écrite interviennent au cours d’une seule et même consultation.
Considérant, d’autre part, qu’aucune exigence de valeur constitutionnelle n’impose de façon générale le respect d’un délai de réflexion préalablement à la réalisation d’un acte médical ou chirurgical ; que, par suite, l’article 82, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution. »
- Article 87 : L’employeur ne devait pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai ou prononcer une mutation. Le nouvel article L. 1225-1 du code du travail étend ces droits aux salariées bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation conforme à l’article L. 2141-2 du CSP, y compris pour les autorisations d’absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires. Le conjoint salarié ou la personne salariée pacsée ou vivant maritalement avec bénéficiera également d’une autorisation d’absence pour se rendre à 3 des examens ou actes médicaux nécessaires pour chaque protocole du parcours d’assistance médicale au maximum, sans diminution de sa rémunération (article L. 1225-16 du code du travail modifié).
- Article 127 : IVG par sage-femme possible pour les seuls cas où elle est réalisée par voie médicamenteuse, prévoient les articles L. 2212-1 et suivants, sinon le médecin reste seul compétent pour l’interruption volontaire de grossesse.
Par ailleurs, la sage-femme est aujourd’hui autorisée à effectuer l’examen postnatal à la condition d’adresser la femme à un médecin en cas de situation pathologique constatée, cf. nouvel article L. 4151-1 du CSP.
- Article 135 : femme enceinte et tabagisme : à titre expérimental et pour une durée de trois ans, l’Etat peut autoriser, dans certaines régions, la mise en place systématique d’une consultation et d’un suivi spécialisés destinés à toute femme enceinte consommant régulièrement des produits du tabac, aux fins de la sensibiliser à l’intérêt d’arrêter sa consommation. Un décret déterminera la liste des professionnels de santé habilités à pratiquer cette consultation et ce suivi ainsi que les modalités d’application.
- Article 217 : information des usagers : deux nouveaux articles sont ajoutés sous L. 1111-3 du code de la santé publique qui imposent désormais notamment :
« Article L.1111-3-2 :
I. L’information est délivrée par les professionnels de santé exerçant à titre libéral et par les centres de santé :
1° par affichage dans les lieux de réception des patients ;
2° par devis préalable au-delà d’un certain montant.
S’agissant des établissements de santé, l’information est délivrée par affichage dans les lieux de réception des patients ainsi que sur les sites internet de communication au public.
II. Lorsque l’acte inclut la fourniture d’un dispositif médical sur mesure, le devis normalisé comprend de manière dissociée le prix de vente de chaque produit et de chaque prestation proposés, le tarif de responsabilité correspondant et, le cas échéant, le montant du dépassement facturé et le montant pris en charge par les organismes d’assurance maladie.
Le professionnel de santé remet par ailleurs au patient les documents garantissant la traçabilité et la sécurité des matériaux utilisés, en se fondant le cas échéant sur les éléments fournis par un prestataire de services ou un fournisseur.
III. Les informations mises en ligne par les établissements de santé en application du dernier alinéa du I peuvent être reprises sur le site internet de la CNAMTS et plus généralement par le service public mentionné à l’article L. 1111-1. »
La traçabilité des implants préoccupe beaucoup les pouvoirs publics depuis notamment l’affaire des prothèses de sein PIP et les praticiens devront être attentifs à organiser la preuve de la remise des documents de traçabilité à la patiente (pour une jurisprudence récente sur une erreur d’information sur la marque d’une prothèse de sein : arrêt du 8 janvier 2016, Cour d’appel de Paris, n° 14/06777).
Le nouvel article L. 1111-3-3 renvoie à des arrêtés la charge de fixer les modalités d’application et à la concertation le « devis normalisé » qui, à défaut d’accord, sera également défini par arrêté des ministres de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale.
Je ne développe pas les autres nombreuses dispositions (227 articles au total), soit parce qu’elles l’ont été abondamment dans la presse médicale, comme le refus par le Conseil constitutionnel des dispositions figurant au 4° du paragraphe I de l’article 83, qui devaient rendre obligatoire, à compter du 1er janvier 2017, le dispositif du tiers payant pour les organismes d’assurance maladie complémentaire, au motif que le législateur n’a pas suffisamment encadré ce dispositif et ainsi méconnu l’étendue de sa propre compétence, soit parce que les autres dispositions ne sont pas spécifiques à notre site gyneco-online.
Le nombre de décrets et d’arrêtés prévus par cette loi conduit raisonnablement à considérer que ses dispositions n’entreront pas en vigueur très rapidement après sa publication, qui a eu lieu au JORF du 27 janvier 2016. On en trouve l’intégralité sur le site Legifrance.gouv.fr.
Bonne lecture !