La répétition d’une exploration chirurgicale axillaire en cas de récidive locale d’un cancer du sein est-elle nécessaire ?

La prise en charge axillaire en cas de récidive locale isolée d’un cancer du sein invasif est controversée. Pour certains la justification d’une ré-exploration chirurgicale du creux axillaire est indispensable considérant que le rationnel est identique à celui du traitement d'un cancer du sein de novo. Pour d’autres, la chirurgie axillaire et en particuliers le curage axillaire n’est pas justifié car morbide. De plus, le risque d’envahissement ganglionnaire axillaire est faible surtout lorsque les examens radiologiques pré-opératoires tels que l’échographie axillaire et le TEP scanner sont normaux. Enfin, cela correspond à des situations cliniques différentes selon qu’un curage axillaire ou une biopsie du ganglion sentinelle ou une abstention aient été réalisés lors du traitement initial.

Une équipe chirurgicale du Sloan Memorial Kettering Cancer Center (New-York) a récemment comparé le suivi à 4 ans de patientes ayant présenté une récidive locale isolée d’un cancer invasif du sein traité pour certaines par un second prélèvement du ganglion sentinelle et pour d’autres sans chirurgie axillaire.

Parmi une population de 1527 patientes ayant eu entre 1997 et 2000 une biopsie du ganglion sentinelle négative, 83 ont présenté une récidive locale d’un cancer du sein (79 après traitement conservateur et 4 après mastectomie). Aucune des patientes n’avait de ganglion palpable à l’examen clinique. 57% d’entre elles ont eu une biopsie du ganglion sentinelle après double détection, et 43% n’ont eu aucune exploration chirurgicale axillaire. L’âge moyen était de 52 ans dans les deux groupes, les caractéristiques clinico-pathologiques des lésions tumorales initiales étaient également identiques dans les deux groupes. Par contre, le délai moyen entre le traitement chirurgical initial et la récidive locale était de 6,5ans dans le groupe avec exploration chirurgicale axillaire  contre 3,4 ans dans le groupe sans ré-exploration chirurgicale axillaire. Les traitements après diagnostic de la récidive invasive locale étaient identiques dans les deux groupes. Quasiment toutes les patientes ont bénéficié d’une exérèse chirurgicale locale. Une chimiothérapie a été effectuée pour 36% des patientes ayant eu une ré-exploration chirurgicale axillaire au moment de la récidive, contre 24% dans le groupe sans ré-exploration chirurgicale axillaire (différence non significative). Il n’y avait pas non plus de différence entre les deux groupes pour le traitement par radiothérapie. Après un suivi de plus de 4 ans par rapport au moment du diagnostic de la récidive locale, les taux de récidive axillaire, de récidive loco-régionale autre qu’axillaire, de métastase à distance et de décès étaient faibles et non différents entre les deux groupes.

Cette étude présente quelques limitations et en particulier son absence de randomisation et son caractère rétrospectif. Le nombre de patientes dans chaque groupe est faible pour démontrer une différence entre les deux groupes.

Malgré ces limitations, les auteurs considèrent que l’exploration chirurgicale axillaire en cas de récidive locale isolée d’un cancer du sein n’apporte pas de bénéfice carcinologique. En l’absence d’envahissement ganglionnaire patent après exploration radiologique (échographie et TEP scanner), l’abstention chirurgicale peut tout à fait se concevoir, surtout si la patiente a déjà bénéficié d’une chirurgie axillaire, que ce soit sous la forme d’une biopsie du ganglion sentinelle ou d’un curage axillaire.

Les auteurs ont ré-exploré chirurgicalement le creux axillaire par un nouveau prélèvement du ganglion sentinelle, ce qui n’est pas habituel et peu consensuel. Pourtant, la répétition de la procédure du ganglion sentinelle est documentée dans la littérature. Ainsi, la méta-analyse de Maaskant-Braat et al (1) incluant 25 études publiées entre 2004 et 2011 a montré un taux d’identification correct de 81% après une première biopsie du ganglion sentinelle (n=301). Par contre après curage axillaire (n=361), le taux d’identification chutait à 52%. Pour les études ayant réalisé un curage axillaire systématique lorsque le ganglion sentinelle était indemne, il n’y pas eu de faux négatif. Lorsque la biopsie du ganglion sentinelle était négative, sans curage systématique, le taux de récidive axillaire était de seulement 0,2%. Enfin le taux de positivité de ganglion sentinelle était de 19% seulement. Enfin, 9 études ont montré que la répétition d’une biopsie du ganglion sentinelle avait changé pour 11% des patientes la stratégie thérapeutique.

  1. Maaskant-Braat et al. Repeat sentinel node biopsy in patients with locally recurrent breast cancer: a systematic review and meta-analysis of the literature. Breast Cancer Res Treat 2013;138:13-30.

Ugras et al. Reoperative Sentinel Lymph Node Biopsy is Feasible for Locally Recurrent Breast Cancer, But is it Worthwhile ? Ann Surg Oncol 2016 ;23 :744-748