Mise à jour sur les malformations utérines

Une malformation utérine (MU) est une anomalie malformative congénitale résultant d’un défaut ou d’un arrêt du développement de l’appareil reproducteur féminin au cours de l’embryogenèse. L’incidence des MU est difficile à apprécier dans la littérature; elle est estimée entre 1 et 10% dans la population générale (1,2). Chez les femmes infertiles, la fréquence des MU est comprise entre 3 et 3.5% (3)

Selon l’âge gestationnel de survenue de cet arrêt de développement, on différencie plusieurs types de malformations. L’organogenèse de l’appareil reproducteur féminine se déroule de la 3ème à la 17ème semaine de la vie embryonnaire. La MU résulte soit d’une anomalie de la différenciation, soit d’une anomalie de la migration (aplasie uni- ou bilatérale), soit d’une anomalie de la fusion (utérus bicorne uni- ou bicervical), soit d’une anomalie de la résorption des canaux de Muller utérus cloisonné). Un élément relativement constant est l’association d’anomalies de l’appareil génital et du système urinaire; leur embryogenèse étant intimement liée.

Plusieurs classifications ont été rapportées pour caractériser ces anomalies. La classification de Musset est principalement utilisée en France et distingue 4 types d’anomalies: les aplasies utérines, les hémimatrices (anomalies de la fusion des canaux de Muller), les utérus cloisonnés (résorption incomplète de la zone d’accolement des canaux) et les utérus communicants. La classification le plus utilisée dans la littérature est celle de l’American Fertility Society (AFS) de 1998. Nous citerons également la classification d’Acien (2004) et VCUAM (2005). La classification la plus récente est celle de l’ESHRE 2013 et se divise en 3 sous groupes : U (utérine), C (cervicale), V (vaginale) (Tableau 1).

La symptomatologie et le mode de présentation des malformations utéro-vaginales sont variables et fonction du stade embryologique de survenue de l’anomalie et de sa complexité. L’âge et les circonstances de découvertes sont également variables et dépendent essentiellement de la présence ou non d’un utérus fonctionnel et de la perméabilité des vois génitales et vaginales. La MU peut être découvert à l’âge adulte lorsque les voies génitales sont libres : la découverte peut se faire dans le cadre d’un bilan de fertilité, devant des dyspareunies, lors d’un épisode de fausse couche ou de manière fortuite au cours d’une grossesse. Concernant la découverte  d’une MU, les patientes doivent être informées de la présence d’une telle malformation mais aussi de son type précis.
 

Correspondance clinique des principales malformations utéro-vaginales :

Les méthodes d’imagerie classique utilisées dans le bilan des MU sont l’échographie 2D et l’hystérosalpingographie. De nouveaux critères diagnostiques se sont développés grâce à l’avènement de nouvelles méthodes d’imagerie diagnostique (échographie 3D, hystérosonographie, IRM pelvienne)  (4). L’échographie 3D et l’IRM sont actuellement les techniques ayant démontré les meilleurs résultats en termes de sensibilité et de spécificité (5). L’imagerie de ces malformations doit être complétée par une imagerie rénale, à la recherche d’une malformation associée des voies urinaires.

En assistance médicale à la procréation, quelques auteurs se sont intéressés aux conséquences des malformations utérines sur la fertilité. La fertilité spontanée peut être altérée en fonction du type d’anomalie utérine. Ces anomalies sont susceptibles d’interférer négativement à chacune des étapes qui aboutissent à une grossesse (captation de l’ovocyte, transfert de gamètes, fécondation, implantation, développement de la grossesse). Cependant, l’évaluation des conséquences sur la fertilité implique une double distinction; d’une part entre la fertilité spontanée et la fertilité médicalement assistée et d’autre part, une évaluation des conséquences sur la fertilité des différents types de malformations. Dans la littérature, on retrouve un certain nombre de limites méthodologiques relatives aux types de populations étudiées (patiente infertile ou non, symptomatique ou non), au caractère prospectif ou non des études et aux faibles effectifs. Une méta-analyse récente de Chan et al. a étudié les conséquences des MU sur la reproduction et le devenir obstétrical (6).

Il existe un effet délétère de la cloison utérine avec une réduction significative du taux de grossesse clinique chez les femmes présentant une telle anomalie (RR:0,86; IC 95%, 0,77 à 0,96; p=0,009). L’analyse des deux études comparant des patientes avec un utérus unicorne, bicorne et didelphe aux patientes sans MU ne montrait aucune différence sur le taux de grossesse clinique (RR:0,87; IC95%, 0,68 à 1,11; p=0,25).

Cette méta-analyse a également montré un effet délétère de la cloison utérine avec une augmentation significative du risque de fausse couche du premier trimestre (RR:2,89; IC95%, 2,2 à 4,14; p < 0,001). Chez les patientes avec un utérus unicorne, bicorne ou didelphe, il n’y a aucune différence significative dans la survenue de fausse couche au premier trimestre par rapport aux patientes sans malformation (RR:2,56; IC95% 0,89 à 7,38; p=0,08). Concernant le taux d’accouchement prématuré, il existe un effet délétère de la cloison utérine avec une augmentation significative du risque de prématurité (RR 2,14; IC 95% 1,48 à 3,11; p< 0,001).

 

Malformations utéro-vaginales et conséquences sur la reproduction

Les malformations les plus fréquentes sont les cloisons utérines qui sont accessibles à un traitement hystéroscopique par résection de cloison, indiquée en cas d’infertilité et avant aide médicale à la procréation. La résection de cloison semble favorisée la survenue de grossesses, en diminuant les risques de grossesses arrêtées au premier trimestre (7). A contrario, les autres malformations utérines telles que l’utérus bicorne, unicorne ou bicorne avec corne rudimentaire ne sont pas accessible à un traitement chirurgical efficace. En revanche, leur pronostic obstétrical est meilleur que celui des cloisons; cela permettra ainsi une prise en charge obstétricale adaptée en raison du plus grand risque d’accouchements prématurés. Dans le cadre des Utérus Distilbene ®, une plastie d’agrandissement peut être proposée (8).

 

Pour en savoir plus:

  1. Nahum GG. Uterine anomalies. How common are they, and what is their distribution among subtypes? J Reprod Med 1998:43:877-87
  2. Saravelos SH, Cocksedge KA, Li TC. Prevalence and diagnosis of congenital uterine anomalies in women with reproductive failure: a critical appraisal. Human Reprod Update 2008; 14-415-29
  3. Acien P.incidence of Mullerian defects in fertile and infertile women. Hum Reprod 1997;12:1372-6
  4.  Wu MH, Hsu CC, Huang KE. Detection of congenital mullerian duct anomalies using three-dimensional ultrasound. J Clin Ultrasound 1997; 25: 487-92
  5. Balen FG, Allen CM, Gardener JE, Siddle NC, Lees WR. 3-dimensional reconstruction of ultrasound images of the uterine cavity. Br J Radiol 1993; 66:588-91
  6. Chan YY, Jayaprakasan K, Tan A, Thornton JG, Coomarasamy A, Raine-Fenning NJ. Reproductive outcomes in women with congenital uterine anomalies: a systematic review. Ultrasound Obstet Gynecol 2011;37:727-32
  7. Bendifallah S, Faivre E, Legendre G, Deffieux X, Fernandez H. Metroplasty for AFS Class V and VI septate uterus in patients with infertility or miscarriage: reproductive outcomes study. J Minim Invasive Gynecol 2013; 20: 178-84
  8. Garbin O, Ohl J, Bettahar-Lebugle K, Dellenbach P. Hysteroscopic metroplasty in diethylstilboestrol-exposed and hypoplastic uterus: a report on 24 cases. Human Reprod 1998; 13: 2751-5

Mise à jour faite d’après l’EMC Gynécologie avril 2015

S. Bendifallah, M. Even Silberstein, J.-M. Levaillant, H. Fernandez. Malformations utérovaginales et fertilité. EMC - Gynécologie 2015;10(2):1-11 [Article 739-A-20].


figure 1 : utérus normal : classe U0


figure 2 : utérus cloisonné partiel : classe U2a . La hauteur de la cloison ici est de 14 mm.


figure 3a : utérus cloisonné total


figure 3b : Hystérosalpingographie : elle met bien en évidence les deux cavités utérines suivies des deux défilés isthmiques puis de deux défilés endo cervicaux ; on note qu'il n'existe qu'un orifice externe au niveau du col. Il n'y a pas de cloison vaginale chez cette patiente. On classera donc U2bC1V0


figure 4a : utérus bicorne partiel : classe U3a


figure 4b : correspondance en I.R.M.


figure 5a : utérus bicorne complet


figure 5b : col : coupe transverse : chez cette patiente il existait un défilé isthmique et deux défilés endo cervicaux avec deux cols distincts et une cloison vaginale longitudinale non obturante. Il s'agissait donc d'une classification U3bC2V1


figure 6a : échographie 3D : utérus unicorne droit avec une corne gauche rudimentaire ; à l'intérieur de celle-ci on visualise une image d'endomètre


figure 6b : l'examen I.R.M. fait en complément confirme le diagnostic. Classe U 4a


figure 7a : utérus unicorne droit sans corne rudimentaire


figure 7b : correspondance en Sonohystérographie. Classe U4b


figure 8a : échographie : mise en évidence en latéro utérin gauche d’une image solide homogène de 48 mm non reliée à l’utérus ; le diagnostic posé avait été celui de myome du ligament large


figure 8b : l’examen I.R.M. en complément ne montrant pas le pédicule reliant le nodule à l’utérus avait confirmé ce diagnostic


figure 8c : À l’intervention et à l’anatomopathologie il s’agissait d’un hémi-utérus droit avec une corne rudimentaire mais sans endomètre. Classe U 4b

 
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