Quel héritage garderons-nous de la pandémie ?

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Cet été 2020, nous nous posions déjà la question de ce que nous allions garder des nouveaux fonctionnements de nos consultations, services et salles de naissances. Puis la pandémie COVID-19 est lentement revenue, nous obligeant à nous adapter à nouveau, en obstétrique et dans tous les domaines du soin.

Ces changements, annoncés comme temporaires, étaient pourtant novateurs. Ils étaient même parfois enfin autorisés alors que des demandes antérieures, identiques, avaient jusqu’alors été refusées.

Voici une liste des changements, mis en place parfois à la hâte, que nous devrions garder.

Pour nos patients

Les besoins urgents de s’adapter ont parfois suivi la route des grandes principes annoncés ou prônés pour nos systèmes de santé, le soin centré sur le patient (1), surtout sur son volet accessibilité :

  • La mise en place de la consultation par vidéo, ou à défaut par téléphone a prouvé son utilité, surtout en première partie de grossesse. Finalement, il y a si peu de choses à faire à 16SA quand tout se passe bien…
  • La limite à un seul accompagnant en postpartum a été tellement appréciée par les patientes, leur permettant de se retrouver à deux avec leur nouveau-né et de se reposer, que certaines nous ont expressément demandé de continuer à dire que cela était la règle même si nous étions amenés à lever cette restriction. Cela a apaisé un peu les séjours en postpartum.
  • La limite des examens complémentaires à ceux qui sont vraiment utiles, comme l’arrêt des sérologies de toxoplasmose tous les mois pour un taux de séroconversion devenu rare, et des infections néonatales exceptionnelles. Dans un premier temps, le passage à une sérologie trimestrielle nous a suffi. Peut-être faut-il continuer ainsi.
  • La dématérialisation des démarches administratives, qui était déjà entamée, a été finalisée pour les inscriptions, la prise de rendez-vous, les pré-admissions et admissions.
  • La préparation à la naissance en vidéo s’est avérée utile et efficace. Les sages-femmes libérales ont pu poursuivre ou initier cette préparation sans que les femmes et couples ne se déplacent. Par la suite, des sages-femmes libérales ont maintenu certains cours en ligne et d’autre sur un mode plus conventionnel.
  • Le lien avec les patientes, maillon faible des structures hospitalières et plus généralement des soignants, a été repensé. À la maternité de la Pitié Salpêtrière, une collègue sage-femme qui travaillait pour une mission humanitaire, à l’arrêt le temps du confinement, est venue nous prêter main forte et passait ses journées au téléphone avec nos patientes à les écouter, les informer, et plus généralement faire le lien entre le service et ces femmes et couples qui vivaient des moments stressants. Nous avons aussi maintenu le lien par une série de vidéo sur le fonctionnement de la maternité en période de pandémie COVID-19. (2)

Pour les soignants

Je vous rappelle que beaucoup de gestes qui nous sont naturels maintenant, étaient moqués ou mal vécus lors de leur introduction. On peut évoquer simplement le port de gants stériles (oui, ça fait longtemps), l’utilisation de doubles paires en chirurgie, le port du masque chirurgical lors des accouchements, ou encore le port de gants dans la manœuvre de Jacquemier, même si certains continuent de croire que c’est mieux sans.

Que pouvons-nous garder de cette période où nous devions nous protéger ?
Simplement l’importance de nous protéger, nous, soignants :

  • Le port de lunettes de protection, même pour celles et ceux qui portent des lunettes de vue.
  • Le port de la casaque pour celles et ceux qui font les accouchements, car il est fréquent d’avoir du liquide amniotique ou du sang au-dessus des manchettes des gants.
  • Et bien entendu la fréquence et la qualité de l’utilisation de gels hydroalcooliques.

Il m’a semblé que nous avons piétiné sans avancer sur d’autres points comme la durée de séjour dans le postpartum en France. Rappelons que ces durées sont parmi les plus longues en Europe, quelle que soit la voie d’accouchement (3). Si certaines maternités ont fait sortir les mères avec leurs nouveau-nés au bout de 24 heures, d’autres ont clairement évité les sorties précoces car ces mères, primipares pour 50 %, allaient se retrouver seules le plus souvent, sans soutien ou conseils de proches. Il nous reste encore à être capables d’organiser la sortie de nos maternités, et surtout les séjours en postpartum.

Profitons de ce que la pandémie COVID-19 nous a obligés à inventer et mettre en place pour la santé des patients et des soignants. Ces mesures ont même montré leur utilité intemporelle et universelle, comme l’a souligné l’absence de grippe saisonnière dans l’hémisphère Sud cette été (leur hiver) (4).

Défendons cet héritage que sont les idées et innovations que nous avons inventées pour les patients et les soignants pendant cette pandémie, et assurons-nous que tout ne redeviendra pas comme avant. Notre système de santé en sortira plus humain, plus accessible, plus sûr et peut-être même moins onéreux.

PS : pour une synthèse de toutes les données scientifiques sur cette pandémie et l’obstétrique, je vous encourage à consulter la page internet dédiée de notre collègue anglais Jim Thornton. (5)

  1. https://catalyst.nejm.org/doi/full/10.1056/CAT.17.0559
  2. https://www.youtube.com/channel/UCZyF40F0XGg0OTtyFWn1HOg/videos
  3. doi: 10.1371/journal.pmed.1001972
  4. https://www.economist.com/graphic-detail/2020/09/12/the-southern-hemisphere-skipped-flu-season-in-2020
  5. https://ripe-tomato.org/2020/04/21/covid-19-pregnancy-navigation-page/

 
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